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Colin Kaepernick, un quotidien loin des terrains

Le meurtre de l’Afro-Américain George Floyd par un policier blanc à Minneapolis a provoqué de nombreuses manifestations contre les discriminations raciales à travers le monde. Véritable symbole de cette lutte, Colin Kaepernick a payé ses convictions par une éviction de la NFL. Depuis plus de trois ans, l’ancien quarterback des San Francisco 49ers mène ainsi une vie à l’écart des stades.

 

« Nous reconnaissons le pouvoir de notre plateforme dans les communautés et dans la société américaine. Nous acceptons cette responsabilité et nous sommes engagés à continuer à travailler pour résoudre ces problèmes systémiques avec nos joueurs, nos franchises et nos partenaires », conclut un communiqué de Roger Goodell, le commissionnaire de la NFL, paru le 31 mai en réaction aux différents mouvements de protestation qui secouent les États-Unis. Une initiative qui montre une certaine forme d’hypocrisie, plusieurs années après avoir condamné la carrière de l’un de ses joueurs.

 

Des touchdowns aux insultes de Donald Trump

Car depuis la fin de la saison 2016, saison au cours de laquelle il a posé son genou au sol lors de l’hymne américain, Colin Kaepernick n’est pas parvenu à trouver un nouveau point de chute. Après avoir initié un mouvement repris par de nombreux athlètes toutes disciplines confondues, il s’est rapidement imposé comme l’un des sportifs américains les plus médiatisés. Désireux de tester le marché, il activa une clause de son contrat pour devenir agent libre et quitter les San Francisco 49ers, mais se heurta finalement à la réticence des différentes équipes de la ligue d’engager un joueur aussi clivant. En effet, ses prises de position déchaînèrent les passions ; si une frange de la population salue ses actions, une autre brûle des maillots ornés du nom du quarterback. Donald Trump lui-même l’attaqua sans retenue. « N’aimeriez-vous pas voir l’un des propriétaires de la NFL dire à propos d’un joueur qui dénigre le drapeau : sortez-moi ce fils de p*** du terrain ! Il est viré », avait déclaré le président des États-Unis.

 

Des critiques émanèrent également de plusieurs syndicats de police ainsi que de l’American Legion, la principale association d’anciens combattants du pays. Si certains observateurs jugent son niveau insuffisant pour décrocher une place de titulaire et le salaire qui en découle, le principal intéressé estime être boycotté par les 32 propriétaires des franchises et décida de porter plainte contre la NFL en octobre 2017, pour un accord tacite entre les franchises afin qu’il ne foule plus les pelouses américaines.

 

Une véritable figure médiatique

Sans équipe, Colin Kaepernick continue cependant d’être sous le feu des projecteurs. L’ex-numéro 7 est auréolé du prix Eason Monroe du courage lors du gala de l'Union américaine pour les libertés civiles et du Muhammad Ali Legacy Award par Sports Illustrated. Le magazine GQ le nomme même citoyen de l’année. En avril 2018, le natif de Milwaukee reçoit le prix Ambassadeur de la Conscience d'Amnesty International et, quelques mois plus tard, devient l’égérie de Nike pour les 30 ans de son slogan « Just Do It ». Son visage est alors associé à un message fort lors d’une vaste campagne de publicité : « Croyez en quelque chose, même si cela exige de tout sacrifier ». Au début de l’année 2019, Colin Kaepernick et son avocat trouvent finalement un terrain d’entente avec la NFL pour mettre un terme à leur opposition judiciaire. Malgré des détails gardés secrets par une clause de confidentialité, la presse évoque une indemnisation du joueur par la ligue comprise entre 60 et 80 millions de dollars.

Colin Kaepernick a été la figure des 30 ans du slogan “Just Do It” de Nike. (AFP)

 

En parallèle, il poursuit ses actions pour venir en aide aux personnes défavorisées. Après avoir offert une partie de ses costumes à l’association 100 suits for 100 men pour les fournir à d'anciens prisonniers afin de les aider à décrocher des entretiens d’embauche, « Kaep » a créé la maison d’édition Kaepernick Publishing, qui sera inaugurée par ses propres mémoires puis soutiendra des auteurs issus des minorités. Plus récemment, il a notamment épaulé les manifestants de Minneapolis grâce à sa fondation Know Your Rights Camp, vouée à l’aide des personnes voulant défendre leurs droits civiques.

 

Un entraînement en vain

Pour autant, Colin Kaepernick n’oublie pas sa carrière de joueur de football et a programmé un entraînement public à Atlanta en novembre dernier. Initialement organisée à huis clos par la NFL au centre d’entraînement des Falcons, la séance fut finalement délocalisée dans un lycée voisin sur une initiative du quarterback qui refusa notamment de signer une décharge de responsabilité compte tenu de sa situation sans emploi. Il peut ainsi enchaîner les lancers face aux médias mais n’est directement observé que par sept des vingt émissaires présents en Géorgie, une partie ayant refusé d’assister à l'essai suite au changement de lieu. Si la NFL se dit « déçue que Colin ne soit pas venu pour son entraînement », ce dernier justifie son choix. « Le plus important pour moi aujourd'hui était de m'assurer que tout ce qui se déroulerait se ferait de façon transparente. C'est pour cela que nous sommes ici et pas ailleurs. […] Mon agent et moi sommes prêts à parler à n'importe quelle équipe, n'importe quand. Je suis prêt, je vais continuer à être prêt ». Mais dès la semaine suivante, et malgré une vidéo de l’entraînement envoyée par la ligue à chaque équipe, ESPN annonce qu’aucune franchise n’a contacté Colin Kaepernick. Alors qu'à l'inverse, le receveur Jordan Veasy qui réceptionnait ses passes a quant à lui intégré le practice squad des Washington Redskins.

 

Plus de six mois plus tard, la situation ne semble pas avoir évolué et il paraît presque impossible d’imaginer le QB renfiler un casque. Y compris dans l’esprit de la NFL, qui a récemment écrit la mention « retraité » sur la fiche du joueur avant de rapidement rectifier l’erreur sur son site Internet. Tout un symbole.

 

Crédits Une : Carmen Mandato/Getty Images

Plus à l'aise stylo en main que balle au pied. Etudiant en journalisme mais avant tout fan inconditionnel de football.

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