Élie Gesbert : J’ai hâte de remettre un dossard
Cette année 2020 nous a réservé son lot de (mauvaises) surprises et a perturbé la saison cycliste. Sur le plan professionnel, ce n'est pas la crise sanitaire qui a écarté Élie Gesbert de la compétition. Une mauvaise chute a stoppé prématurément sa saison. Pour We Sport, le puncher d'Arkéa-Samsic se confie sur cette année atypique et évoque l'avenir. En 2021, sur la ligne de départ, il aura le couteau entre les dents.
We Sport : Élie, tu as mis ton dernier dossard début février au Challenge de Majorque. Lors de cette dernière course, tu es tombé sévèrement. Quelles étaient les conséquences de cette chute ?
Élie Gesbert : En effet c'est ma dernière course, je suis tombé dans une sortie de virage en descente avant de heurter un mur de plein fouet. Mon coté gauche a encaissé ce choc, mais surtout, je me suis cassé la rotule en quatre morceaux ; cette fracture a nécessité une opération. Et ayant attrapé un staphylocoque, j'ai subi deux autres interventions pour bien nettoyer le genou.
WS : Ta blessure nécessitait une intervention chirurgicale, cependant on ne t’a pas opéré en Espagne. Comment s’est passé ton rapatriement ?
ÉG : Oui, vu qu'après l'intervention je savais que je devais rester plusieurs jours à l’hôpital, j'ai demandé à être pris en charge en France. Le transfert s'est bien passé, j'ai rapidement quitté l'Espagne pour rentrer en avion médicalisé.
WS : On t’a rapidement annoncé l’arrêt de ta saison ?
ÉG : En réalité, après la première intervention, nous ne savions pas que j'avais attrapé ce staphylocoque. Je pensais vraiment pouvoir reprendre la compétition avant la fin de la saison. Mais mi-février, je me suis donc fait opérer une deuxième fois ce qui ne fut pas concluant, puis une troisième fois en mai. À ce moment-là, j'ai compris que 2020 serait une année blanche.
WS : Dès le début d’année, tes collègues d’Arkéa-Samsic ont brillé. Quand on est sur la touche c’est plutôt frustrant ou motivant ?
ÉG : C'est à double tranchant. Ça fait plaisir de voir les copains briller, ce qui booste le moral et la motivation. Je ne parle pas de frustration, mais j'étais dans l'inconnu ne sachant pas quand j'allais recourir, ni même comment j'allais revenir.
WS : Tu as reçu du soutien, notamment de ton patron Emmanuel Hubert qui a prolongé ton contrat jusqu’à 2022. Un signe comme celui-ci t’a redonné du moral ?
ÉG : C'est vrai j'ai reçu beaucoup soutien de la part de coureurs, et surtout de la part d'Emmanuel. Il continue à croire en moi pour l'avenir et, malgré la situation dans laquelle je me retrouvais, il a prolongé mon contrat. Ça fait plaisir et ça me donne encore plus confiance.
WS : Ta rééducation coïncidait avec le premier confinement, comment as-tu géré cette période ?
ÉG : C'était difficile, pas ou peu de kiné, la rééducation se faisait principalement à domicile. Je n'avais aucun moyen de faire de sport hormis du home-trainer sur une jambe. Ça m'a vraiment freiné dans mon travail. Pour suivre l'évolution de ma blessure, les consultations avec le chirurgien se faisaient en visioconférence. Ce genre de rendez-vous n'a rien à voir avec un face à face, le chirurgien ne pouvait pas vraiment juger l'état de ma rotule qui continuait à chauffer et qui était toujours gonflée.
WS : Après la dernière opération, confinement enfin terminé, comment as-tu géré ta rééducation ?
ÉG : Il faut savoir que la cicatrisation osseuse a pris du temps, on a dû me faire une greffe de moelle osseuse prélevée dans un tibia. Je n'ai pas été dans un centre spécialisé car, niveau rééducation, il fallait y aller avec des pincettes. Après cette opération j'ai repris les séances de kiné jusqu'à mi-août, puis j'ai recommencé à faire du vélo et de la flexion.
WS : Désormais quelles sont tes sensations à vélo ?
ÉG : Je ressens des gênes, je manque d'amplitude, je ne peux pas aller à fond niveau flexion. C'est dû au matériel que j'ai dans le genou, je me fais opérer le 20 novembre pour le retirer.
WS : Aujourd’hui comment te sens-tu niveau musculaire et niveau cardio ?
ÉG : Disons que les gènes me bloquent sur les efforts violents, je ne peux pas faire de sprint ou d'intensité “punchy” ni de presse qui m'aideraient à retrouver le volume musculaire. C'est justement ce qui me manque, retrouver le volume musculaire de ma jambe blessée. Ça ne m'empêche pas de rouler et de faire du foncier. Comme j'ai bien travaillé sur home trainer, je n'ai quasiment rien perdu niveau cardio. Mais tant que j'ai ce matériel dans le genou c'est difficile de faire des exercices en intensité maximale.
WS : Penses-tu pouvoir être opérationnel pour le premier stage avec ton équipe, et penses-tu être compétitif dès la reprise de la saison ?
ÉG : Ma rotule est solide, une fois le matériel retiré ça devrait aller assez vite. Je devrais juste attendre que la peau soit cicatrisée, ensuite je participerai au premier stage de l'équipe. J'aurai sans doute un programme plus allégé que le reste de l'équipe. Je suis dans l'inconnu pour le début de la saison prochaine, sachant que 2020 était une année blanche. Je peux manquer de rythme à la reprise, même en travaillant derrière le scooter. Je suis dans l'optique de faire un gros bloc fin janvier – début février. Je vais probablement enchaîner plusieurs jours de courses pour reprendre le rythme, refaire “la caisse” sans me mettre la pression pour éviter de se faire taper dessus. Après ce bloc il faudra souffler un bon coup et tout remettre à plat. C'est à ce moment que je pourrais me fixer des objectifs pour la suite de la saison.
WS : Pendant l'hiver, tu profites de la saison de cross pour affuter ta condition. Qu'est-ce que tu aimes dans cette discipline ?
ÉG : Oui, j'ai l'habitude de faire du cyclo-cross à l'inter saison dès que je peux, ça me fait du bien. En l'état actuel ça serait compliqué sur les parties à pied. J'ai fait du cross tous les hivers jusqu'en juniors, je trouve ça ludique. Je suis issu du V.T.T., le cyclo-cross c'est l'alternative entre la route et ma discipline de base.
WS : Élie, tu nous dis que c'est trop tôt pour se fixer des objectifs, cependant cette saison blanche a-t-elle aiguisé ton appétit ?
ÉG : À ce jour pas d'objectif particulier, cet arrêt m'a coupé dans mon élan. J'espère revenir à mon meilleur niveau durant la première partie de saison. À partir de là, je pourrai viser certaines courses. Pour l'instant je suis dans l'inconnu, après cette longue période sans courir, je ne sais pas quand la forme va revenir, comment elle va revenir. Mais une chose est sûre, j'ai hâte de remettre un dossard et de repartir le couteau entre les dents.
WS : En arrivant dans ton équipe, tu faisais partie des espoirs du cyclisme Français. Être appelé en sélection par Thomas Voeckler pourrait être un but lorsque tu sera en pleine possession de tes moyens ?
ÉG : Une sélection en équipe de France, ça fait rêver surtout quand le maillot arc-en-ciel est porté par un Français, mais avant tout je dois reprendre la compétition.
Souhaitons à Élie Gesbert que tout rentre dans l'ordre physiquement, que son meilleur niveau revienne. Meilleur jeune du Tour d'Oman 2019, le Breton pourra ainsi cibler des courses pour punchers.
Crédits photo : Thomas Maheux