Rugby

Entre émotions, découvertes et frustrations : le bilan de la saison du XV de France

Ce week-end, les Bleus ont conclu leur année 2021 par un succès historique contre la Nouvelle-Zélande (40-25). Une victoire référence, qui témoigne de la progression du XV de France mais rappelle aussi, par effet de contraste, les chantiers sur lesquels il devra encore travailler.

 

Une fin d’année en apothéose

Une soirée historique. C’est ce qu’ont vécu les Bleus ce samedi 20 novembre, au Stade de France. Opposé aux maîtres du jeu néo-zélandais, le XV de France a décroché sa première victoire depuis 2009 contre cet adversaire et mis fin à une série de 14 revers consécutifs.

Aux grandes affiches, les grands frissons : il y a tout eu dans cette rencontre. Une équipe tricolore qui a dans un premier temps asphyxié les Blacks, avant de se faire une belle frayeur au retour des vestiaires puis de reprendre le contrôle des événements après l’heure de jeu, le tout dans un Stade de France en transe. Une victoire finale par quinze points d’écart, qui devient la plus large de l’histoire des Bleus contre la Nouvelle-Zélande.

Outre une formation héroïque en défense, on retiendra un Petro Mauvaka qui a confirmé sa belle tournée en s’offrant ses quatrième et cinquième essais de l’automne, mais aussi un Romain Ntamack stratosphérique. Que cela soit par ses feintes de passe ou ses intentions de relance à la main, le Toulousain a rendu une grande prestation et aura peut-être convaincu le staff tricolore de l’installer définitivement aux côtés d'Antoine Dupont, à la charnière.

Je ne suis pas sûr qu’on réalise encore tout à fait. On sait depuis quand ça n’était pas arrivé de battre les Blacks, alors ce soir on a envie de profiter. La relance depuis l’en-but de Romain Ntamack est un vrai tournant. Ce match constitue aussi une étape importante parce que c’est toujours important de passer au révélateur des meilleures nations. Bien sûr qu’on pourra construire sur ce match. On a su rester froids et maîtres de notre jeu. Ça s’est plutôt mal enchaîné en début de seconde période, mais on a su garder le cap et ne pas flancher“, a d'ailleurs déclaré le capitaine des Bleus à l'issue de la rencontre. À l'arrivée, ils ont sans doute réalisé leur meilleur match sous Fabien Galthié et donnent rendez-vous à leurs adversaires du soir dans deux ans, pour l'ouverture de la Coupe du monde 2023 en France.

 

De la maîtrise, enfin !

D’un point de vue collectif, les Bleus ont construit leur succès en corrigeant certains aspects de leur jeu sur lesquels ils avaient pu se montrer défaillants tout au long de l'année. Contre les Blacks, ils ont par exemple fait preuve d’une propreté technique rarement entrevue jusqu’ici.

Que cela soit contre l’Argentine ou la Géorgie, de nombreuses fautes de main (13 contre les Pumas, 22 contre les Lelos) étaient venues perturber les lancements de jeu tricolores, les exposant à des turnovers potentiellement dangereux. Plus globalement, les hommes de Galthié avaient laissé apparaître un manque de maîtrise dans la gestion du momentum de certaines rencontres. On peut penser à deux de leurs trois rencontres en Australie et aux affrontements face à l’Ecosse et l’Angleterre lors du dernier Tournoi, lors desquels les Bleus s’étaient liquéfiés en fin de match.

L’impression inverse laissée par les Français samedi soir valorise la volonté du staff tricolore de cibler spécifiquement chaque défaillance aperçue auparavant. Pour preuve, plusieurs cadres ont récemment noté cette intention de les mettre dans des situations inconfortables à l’entraînement, dans l’optique de reproduire celles vécues en match.

 

Une ossature bien en place

Antoine Dupont, Romain Ntamack, Cyril Baille, Julien Marchand… le contingent toulousain est désormais bien installé en équipe de France. Et personne n’a attendu 2021 pour ne pas avoir de doutes sur le fait qu’ils devraient, sauf catastrophe ou blessure, composer l’équipe qui débutera le Mondial en 2023. Si le dernier 6 Nations a confirmé qu’une ossature s’était clairement dégagée sous Fabien Galthié, le sélectionneur des Bleus a en plus la chance de disposer d’un vivier exceptionnel pour construire le reste de son groupe.

https://twitter.com/ClementMazella/status/1374732821181427714

Il n’y a qu’à penser au réservoir de talonneurs (Marchand, Mauvaka, Bourgarit, Chat, Barlot) ou de centres (Fickou, Vincent, Vakatawa, Danty) pouvant évoluer au plus haut niveau international pour se rendre compte des problèmes de riche que peut avoir le staff au moment de remplir les feuilles de match. La tournée en Australie a également prouvé que même un XV de France remanié pouvait tenir la dragée haute à une équipe de l’hémisphère Sud.

 

Des individualités ont émergé

Parmi les nouvelles têtes émergentes depuis un an, impossible de passer à côté des noms de Melvyn Jaminet, Anthony Jelonch et Cameron Woki. Si le premier cité s’était révélé en réalisant une tournée d’été de haute volée, les deux derniers ont pris de plus en plus de place dans le groupe France au cours des douze derniers mois. Alors que la botte de Jaminet (92% de réussite en Bleu) a éclipsé un Brice Dulin pourtant impressionnant lors du dernier Tournoi, la paire Jelonch-Woki symbolise un aspect du jeu particulièrement privilégié par Fabien Galthié : le combat. Régulièrement, ils sont de ceux qui participent activement à mettre leur équipe dans l’avancée et à gratter des ballons, que cela soit en phase dynamique ou statique.

Au vu de leurs performances depuis un an, difficile d’imaginer les deux joueurs prétendre à autre chose qu’une place de titulaire en vue de la prochaine Coupe du monde. Si la concurrence sera féroce en troisième ligne, où des individualités comme Charles Ollivon, Grégory Alldritt, François Cros ou même Sekou Macalou postulent également pour un spot, Anthony Jelonch et Cameron Woki ont chacun plus d’un tour dans leur sac. Le Toulousain a l’avantage de pouvoir prendre le leadership de son équipe, comme ce fut le cas en Australie, tandis que le Bordelais a la polyvalence pour évoluer en deuxième ligne.

 

D’autres ont perdu des points

Alors que plusieurs noms prennent de l’envergure chez les Bleus, d’autres voient au contraire leur marge de manœuvre se réduire. C’est par exemple le cas d’un Anthony Bouthier, progressivement installé courant 2020 avant d’être rapidement rétrogradé dans la hiérarchie des arrières. Concernant Vincent Rattez, Baptiste Pesenti ou encore Louis Carbonel, le train n’est sans doute pas définitivement passé, même si le staff leur préfère pour l’instant des joueurs comme Gabin Villière, Pierre-Henri Azagoh ou Antoine Hastoy.

À l’issue d’une saison 2021 rocambolesque, lors de laquelle les contours du groupe de Fabien Galthié se seront un peu plus dessinés, il sera temps de valider cette progression avec un trophée, en 2022. Tout le monde pense évidemment au prochain Tournoi des 6 Nations, qui échappe aux Bleus depuis le Grand Chelem réalisé en 2010. Si le graal leur a glissé entre les doigts ces deux dernières saisons, les Tricolores feraient bien de s’inspirer des dires d’un certain Charles Aznavour pour l’avenir, qui clamait en 1959 dans Merci mon Dieu : « Le destin se forge avec des larmes au fond des yeux et des joies qui prennent à la gorge »…

"La défaite n'est pas mon pire ennemi, c'est la peur de la défaite qui l'est." Rafael Nadal.

Dernières publications

En haut