Une Coupe du Monde, dans n'importe quel sport, reste un moment à part dans sa mémoire. Des matchs à répétition, des oppositions qu'on n'a pas l'habitude de voir, et forcément des rencontres qui sont ancrées dans les têtes des supporters.

Le rugby n'y fait pas exception, même si la première compétition du genre n'est pas si vieille que cela : 33 ans exactement. 9 éditions depuis, et des moments inoubliables, conclus sur des victoires pleines de panache, ou au contraire des défaites les plus cruelles : chacun a évidemment sa propre vision et ses propres souvenirs.

Pour faire passer ce satané confinement un petit peu plus vite, la rédaction de We Sport FR a décidé de relater les 10 matchs historiques des Bleus en Coupe du Monde : plusieurs époques, des joueurs et équipes différentes, mais les émotions sont encore au rendez-vous…

Le contexte :

Double vainqueur du Tournoi des 6 Nations, invaincue dans les 3 matchs de préparation face à l'Angleterre et le Pays de Galles, l'équipe de France aborde avec beaucoup de certitudes cette Coupe du Monde 2007, disputée en prime sur son sol.

Le deuxième mandat de Bernard Laporte s'annonce radieux, avec un système de jeu de mieux en mieux établi, des joueurs plus expérimentés à chaque poste et une impression de  puissance collective qui doit conduire le XV de France au sommet mondial quelques semaines plus tard.

Mais vous le savez, en sport, et surtout en rugby, les Bleus nous réservent toujours des surprises, et la rencontre d'ouverture, en prime-time, au stade de France, face à l'Argentine, avec une fine pluie, fait peur à tout amateur de rugby…

L'équipe face à l'Argentine 

Le déroulé de la rencontre

Depuis l'émergence de l'Argentine sur l'échiquier du rugby international, les Français ont toujours eu du mal avec leurs cousins latins.

Accrocheurs, agressifs et truqueurs, les Pumas n'ont pas leur pareil pour faire disjoncter les Bleus, mais possèdent également des joueurs de grand talent, à commencer par un certain Juan-Martin Hernandez, “El Mago”.

Mais l'Argentine, c'est aussi un pack qui peut regarder n'importe quel 8 de devant international dans les yeux, et qui maîtrise à la perfection la désormais célèbre “Bajadita”, qui consiste à inverser les appuis des piliers en mêlée fermée pour modifier la pression sur la première ligne adverse…

Et si c'est encore l'été en France en ce vendredi 7 septembre 2007, la météo a décidé qu'on pencherait plutôt vers l'automne à Paris : une pluie continue s'abat sur le stade de France, ce qui ébranle dès le départ les certitudes des hommes de Bernard Laporte, car ils devront forcément changer leur style de jeu et s'adapter au défi physique de leurs adversaires du jour.

D'entrée de jeu, on sent bien que ce XV de France aura toutes les peines du monde à battre ces maudits Pumas : le stade est plein à craquer, les supporters chauds comme la braise, et pourtant, sur le terrain, la fête ressemble surtout à un pétard mouillé.

Agressifs comme à leur habitude, les Argentins ne s'embêtent pas tactiquement, se contentant de faire la guerre dans les rucks aux Bleus, et de jouer parfaitement au pied dans le dos de la défense : le coup est parfait, car les 15 coqs ne savent plus où ils en sont.

C'est Felipe Contepomi, ouvreur placé au centre, qui ouvre la marque dès la 5ème minute, suite à un ballon gardé au sol par Peter De Villiers : cela fait mouche, et la mauvaise impression que nous laissent ces 5 premières minutes va tendre à se confirmer au fur et à mesure de la rencontre (0-3, 5ème).

Crédit photo : Rugbyrama

Si les Bleus se réveillent logiquement, ils doivent s'arracher sur chaque action pour sortir de la pression défensive mise par les Argentins : David Skrela conclut une longue action par une pénalité aux 22m, mais que ce fut dur (3-3, 7ème) !

Le feu tombe sur la défense française

Mais on connaît tellement bien cette équipe d'Argentine, qui a tant fait de malheurs aux Bleus, qu'on craint sa réaction : l'agressivité des Pumas est incroyable, et même s'ils vont souvent au-delà de la règle, l'arbitre leur laisse quelques passe-droits, ce qui semble logique au vu de leur domination sans partage sur le début de rencontre.

Crédit photo : Lemonde.fr

Contepomi, l'artilleur en chef, profite d'une nouvelle faute d'un Français pour faire reprendre l'avantage à son équipe (3-6, 10ème) : la pluie, de plus en plus présente, douche l'enthousiasme du public, qui ne comprend pas trop ce qui est en train de se passer…

D'autant plus que la valse des remplacements n'aide pas le XV de France, car l'intensité est telle que les corps sont mis à rude épreuve : côté argentin, par contre, on est plus que jamais sûr de sa force, et Contepomi se charge de marquer une nouvelle pénalité pour les siens (3-9, 24ème).

Cependant, on a l'impression que les Français vont mieux, car les Pumas semblent relâcher un peu la pression, ce qui est normal au vu des 25 premières minutes dantesques qu'ils ont imposées aux Bleus : à la suite d'une nouvelle chandelle, le cuir est récupéré par Traille, qui profite d'une des rares brèches laissées par la défense adverse.

S'engouffrant dans le trou, il trouve rapidement du soutien par Rémi Martin : le coup semble gagnant sur l'extérieur, si le troisième ligne français peut transmettre…

Mais bien évidemment, les Argentins en avaient décidé autrement : interception d'un Puma, qui défend parfaitement sur le coup.

Plaqué, il réussit à donner à Contepomi : la suite, c'est une fixation parfaite d'un des maîtres à jouer de cette équipe, pour une petite passe dans l'intervalle à Corleto, qui fait parler toute sa vitesse pour aller aplatir en terre promise (3-14, 27ème).

Crédit photo : Planetrugby.com

Le coup sur la tête est immense côté bleu, tout comme pour le public qui est amorphe, sentant son équipe totalement impuissante face à ces diables d'Argentins…

Dès lors, les Français essayent de se remettre la tête à l'endroit par des lancements de jeu simples : hélas, pour un Bleu, il y a au minimum 3 ou 4 défenseurs Ciel et Blanc, qui plongent sur le porteur pour ralentir systématiquement la sortie, profitant de la mansuétude arbitrale.

Un peu de baume au coeur est donné par Skrela, qui convertit une pénalité face aux poteaux, rapprochant son équipe à 8 points à la demi-heure (6-14, 31ème).

Mais en rugby, l'action la plus importante après avoir marqué des points restera toujours de conserver le cuir sur le renvoi qui suit, et de le dégager au loin : fébriles, les Bleus restent dans leur camp, et redonnent même le ballon à leurs adversaires.

Crédit photo : Actu.fr

Evidemment, l'occasion est trop belle pour les Argentins de mettre le XV de France à la faute, ce qu'ils réussissent parfaitement 3 petites minutes plus tard : Contepomi marque là sa 3ème pénalité du soir, repoussant les Bleus à 11 points à 6 minutes de la pause (6-17, 34ème).

Mais l'orgueil français se refuse à tourner à la pause avec tant d'écart : les Argentins, sûrement un peu grisés par cette première mi-temps parfaite, se jettent un peu partout au sol et multiplient les fautes, que Mr l'arbitre a beaucoup de mal à siffler.

Comme un symbole, Mignoni, un joueur pourtant habitué à parler, n'arrive pas à se sortir de la pression adverse, mais ne se plaint que trop rarement auprès du corps arbitral, afin d'essayer de faire pencher la balance de son côté…

Cependant, les fautes grossières de la fin de la première période côté Argentine sont – enfin – sanctionnées, et Skrela peut enquiller 3 nouveaux points dans l'escarcelle de son équipe, pour clôturer cette première mi-temps sur le score de 9-17.

Crédit photo : Dauphiné libéré

Si près, si loin en deuxième mi-temps…

L'ajustement tactique de Bernard Laporte à la mi-temps change totalement la physionomie du match : les Bleus ne s'embrassent plus de grandes envolées, préférant se recentrer sur le défi physique et les ballons portés.

Efficace sous la pluie battante (eh oui !), cette tactique porte rapidement ses fruits : les Argentins, qui commencent déjà à montrer des signes de fatigue, sont acculés dans leur camp par les nombreuses cocottes parfaitement lancées par les avants bleus.

Las, la transformation du jeu n'est pas à la hauteur, et il y a toujours un Argentin pour poser ses mimines sur le ballon et récupérer la faute…

Mais qui dit fatigue, dit intervalles : les 3/4 français finissent enfin par trouver des intervalles dans le premier rideau sur des jeux au pied moins bien réglés côté Pumas.

Crédit photo : Lemonde.fr

Des envolées qui sont à chaque fois sanctionnées par soit un gros plaquage, soit un Argentin qui reste malicieusement entre les lignes de passe, coupant ainsi les transmissions, toujours à la limite de la règle…

Sur une nouvelle cocotte, les Sud-Américains se mettent à la faute, et Skrela permet à tout un peuple d'y croire à nouveau, avec trois nouveaux points et 20 minutes à jouer (12-17, 60ème).

Sauf que les Argentins, à l'image de leurs cousins français, ont une faculté à supporter la pression et à plier sans rompre : une véritable attaque-défense se met en place côté bleu, et les entrées des impact-players à l'image de Sébastien Chabal feront, on l'espère, la différence.

Crédit photo : Le Progrès

C'est bien mal connaître les Pumas, qui retrouvent leur lucidité et défendent mieux, sans se mettre à la faute, alors que le XV de France ressent les effets de ce début de 2nde mi-temps tonitruant.

Au terme des dernières secondes de jeu, malgré les chisteras d'Elissalde ou les charges de Chabal et Betsen, rien n'y fait, et les Argentins font tomber les Bleus dans leur antre pour ce match d'ouverture sur ce score de 12-17 : trop indisciplinés et n'ayant pas su concrétiser leurs temps forts, notamment sur des pénalités manquées par David Skrela, les Français voient déjà se profiler un 1/4 de finale de la mort face aux All Blacks, à Cardiff…

Le résumé vidéo