En amont du Grand Prix de Miami, Laurent Rossi a livré une interview exclusive au site de la Formule 1. Le PDG d’Alpine Cars n’y est pas allé de main morte au moment d’évoquer son équipe et en partie le team manager, Otmar Szafnauer. Selon lui, l’état d’esprit n’est pas le bon pour conserver la quatrième place au championnat, acquise l’an dernier.

 

C’est une sortie médiatique à laquelle peu de gens s’attendaient mais qui est sûrement nécessaire. Ce week-end en Floride, Laurent Rossi est revenu sur le début de saison d’Alpine au micro du site officiel de la Formule 1. Le Français a poussé « un coup de gueule » envers ses hommes qu’il ne trouve pas assez motivés après cinq courses.

En 2022, l’écurie au A fléché s’est battu jusqu’au bout avec McLaren pour la quatrième place du championnat constructeurs. Au terme d’un super finish, l’équipe de Viry-Châtillon a devancé celle de Woking pour le plus grand plaisir des tricolores. Une étape qui valide la progression entrevue ces dernières années. 

Selon le PDG d’Alpine Cars, cette vague d’enthousiasme n’a pas aidé à travailler de la meilleure des manières cet hiver. « Nous avons commencé la saison avec du retard sur les objectifs de développement. Nous manquons de performance par rapport à ce que nous voulons avoir pour conserver notre quatrième place. Lorsque vous combinez des performances relativement inférieures et ce manque d’excellence opérationnelle, vous vous retrouvez dans une position difficile. » 

S’il veut une réponse de la part de tout le clan Alpine, Laurent Rossi « s’attend à une saison difficile. L’année est encore longue. Je ne veux pas abandonner mais plusieurs choses doivent changer. » A commencer par la gestion du team par Otmar Szafnauer.

« La responsabilité d’Otmar » 

L'ambiance est-elle réellement bonne entre Laurent Rossi et le team manager d'Alpine, Otmar Szafnaeur ? © Icon Sport.

Au moment d’évoquer le directeur de l’équipe, Laurent Rossi ne veut pas faire dans la dentelle. « Il est responsable de la performance du team, c’est son travail. Il n’y a rien de nouveau. Otmar a été amené à diriger l’équipe, tout au long de la saison et des prochaines, vers les objectifs que nous nous sommes fixés. Nous voulons progresser constamment, comme depuis deux ans (cinquième en 2021, quatrième en 2022) pour accéder aux podiums régulièrement. C’est sa mission de redresser cette équipe et de l’amener là où nous voulons. » 

Le Corse reconnaît que la saison dernière, son équipe a « montré beaucoup de promesses », ce qui le pousse à se demander pourquoi cela ne continue pas en début de saison. « C'est plus ou moins les mêmes personnes donc je n'accepte pas qu'on ne soit pas capables de maintenir ça. C'est la charge d'Otmar. Oui, c'est lui et le reste de son équipe car Otmar seul ne fait pas tout, mais la responsabilité s'arrête à Otmar. 

Tout le monde commence avec une certaine confiance et ensuite tu la gères. Il n'y a qu'un nombre limité de revers que tu peux subir dans un sport, dans le monde de la compétition, car sinon cela altère directement ton capital de confiance en soi. Otmar est tout à fait capable de gérer tout ça mais il a une grosse tâche à accomplir. » Derrière la bonne entente qui semble régner face aux médias, les rapports sont donc, peut-être, moins joyeux en interne. 

Changer l’état d’esprit : mot d’ordre de ce début d’année

Bien qu’Otmar Szafnauer soit responsable des hommes présents au sein de l’écurie tricolore, la motivation de ses derniers est remise en cause par le PDG du groupe Alpine Cars. « L’état d’esprit est l’une des choses qui doit changer pour ceux présents et les membres qui arriveront chez nous. » 

Auteur de plusieurs manquements en ce début de saison, Laurent Rossi s’attend à ce que les Tricolores les reconnaissent et surtout apprennent de cela. « Il faut déjà admettre vos erreurs et les comprendre. C’est bien d’en faire mais ce n’est pas bien de les répéter sinon cela signifie que vous n’avez pas appris. Cette année, il y a beaucoup de justifications qui conduisent à de mauvaises performances. J’ai besoin de bonnes personnes pour faire face à cela. Ce n’est pas à moi de le faire donc ils doivent être conscients que cela tient de leur responsabilité. J’espère qu’ils feront le même diagnostic et qu’ils y remédieront. Les gens doivent réaliser que nous ne sommes pas là où nous devions être. » 

Après cinq manches, Alpine va probablement devoir se battre pour la cinquième position de la grille avec McLaren. En effet, la quatrième place pourrait revenir à Aston Martin, voire Mercedes, si l’écurie de Lawrence Stroll continue de briller. Avec quatre podiums en cinq courses pour Fernando Alonso, arrivé tout droit de l’écurie française, l’équipe britannique est la surprise de ce début d’année. La comparaison avec celle au A fléché fait encore plus mal. 

« Aston a moins d’ingénieurs que nous, d’après ce que je sais, explique Laurent Rossi. Ils n’ont pas encore leur propre soufflerie, ils n'ont pas leur usine en marche pour le moment. Ils ont accéléré le développement en faisant en sorte que les bonnes personnes les rejoignent. Cela montre que tout dépend de la créativité et de l'efficacité. C'est la règle du jeu, on le sait. »

Le manque de motivation de certains cadres de l’équipe revient une nouvelle fois sur la table. « Vous devez être motivé pour conserver un aussi beau résultat que l’an dernier. Vous n’avez pas le droit d’être satisfait de faire moins bien, il faut donc éviter toutes sortes d’erreurs. S’ils échouent en donnant le meilleur, c'est qu'il y aura des circonstances atténuantes, et donc cela augure du positif pour l’avenir. Si c’est par manque de conviction, il y aura des conséquences et je n’attendrai pas la fin de l’année. La trajectoire n’est pas bonne, nous devons corriger ça dès que possible. » Les termes sont dits. 

Ocon et Gasly pas mis en cause 

Le PDG d'Alpine Cars est satisfait de ce que font ses pilotes, en espérant évidemment que les erreurs diminuent. © Icon Sport.

Tout au long de son entretien, Laurent Rossi n’a jamais critiqué ses pilotes. Pourtant, Pierre Gasly et Esteban Ocon ont commis des erreurs. A Melbourne, les coéquipiers ont abandonné dans le même incident. Quelques semaines plus tard, le vainqueur du Grand Prix de Monza 2020 commettait une erreur personnelle dans les rues étroites de Bakou. Pour autant, les deux Normands ne sont jamais cachés et reconnaissent quand ils font des fautes. « Ils font leur part du travail. Nous leur devons, ainsi qu’à Alpine, un niveau de performance supérieur. » Le PDG est conscient que ce qu'apporte les deux Français va permettre au team d’avoir de meilleures voitures, donc d’attirer d’autres pilotes et de revoir leurs ambitions à la hausse. 

Un cap à stabiliser

La 4e place chez les constructeurs, validée à la suite du GP d'Abou Dhabi 2022, ne doit pas être un plafond de verre pour Alpine. © Icon Sport.

En Formule 1, d’un week-end à l’autre, les équipes de milieu de tableau vivent des résultats diamétralement différents. « Nous savions qu’il y aurait des bons et des mauvais moments. C’est la vie de chaque écurie, même Mercedes et Ferrari ont connu des hauts et des bas ces deux dernières années. Un Grand Prix ce sont des héros, le suivant ce sont des zéros. Nous avons les mêmes problèmes mais à un niveau inférieur, ce qui m’agace. » 

Dans les prochaines années, Laurent Rossi veut dans un premier temps garder cette position. « Je ne veux pas changer mon objectif car c’est plus facile. L’écurie a réussi à terminer quatrième, c’est qu’on en a les moyens. Je veux qu’on le soit de nouveau. Si on ne le fait pas, ce sera un échec. » 

Bien sûr, les Bleus rêvent encore d’aller encore plus haut dans la hiérarchie, avec en point d’orgue : acquérir un titre mondial. « Nous devons stabiliser le cap. Il ne fait aucun doute que nous serons ici (au même niveau que les leaders) dans dix ans. L’équipe va changer, comme toutes les autres. Il faut la renforcer pour y arriver le plus vite possible. » Alpine veut se battre tous les Grands Prix pour la victoire. Faudra-t–il attendre une décennie pour le voir ? Laurent Rossi et les Français espèrent que non.