Elle constitue désormais un personnage qu’on ne présente plus. Aussi bien sur le terrain qu’en dehors, Megan Rapinoe s’illustre par son talent, sa verve et sa poigne avec dans son escarcelle nombre de trophées aussi bien individuels que collectifs. A la vérité, la native de la Californie ne fait pas trembler que les filets. Les institutions aussi, théâtre par excellence de son militantisme décomplexé peuvent en témoigner.

Eté 2019, celui de la consécration,

Sur le terrain, l’un des plus grands si ce n’est le plus grand succès de Rapinoe date de 2019 : meilleure buteuse et meilleure joueuse du quatrième Mondial remporté par la sélection américaine, «Pinoe»  de son diminutif décroche le Ballon d’Or. Cet été là en France, impossible de manquer sa coupe de cheveux lavande empruntée à l’actrice Tilda Swinton, qu’elle adore. Difficile également pour les défenses adverses de l’empêcher de s’exprimer, d’illuminer le rectangle vert, de sublimer les rencontres et surtout d’arrêter sa soif de buts. Avec cinq de ses six réalisations inscrites lors de matches à élimination directe, la Californienne prend une part plus que prépondérante dans le sacre de «Team USA». Un nouveau graal qui vient s’ajouter à une armoire à trophées déjà bien garnie avec notamment une médaille olympique obtenue aux JO de Londres en 2012 et une première Coupe du monde remportée en 2015 au Canada. Mais qui est en réalité ce personnage au caractère bien trempé et à la cause militante bien aiguisée qui au-delà des pelouses, marque également les esprits sur le champ politique. Retour dans le passé pour avoir quelques esquisses de réponses.

La carte d’identité,

Née le 5 juillet 1985 à Redding dans le nord rural de la Californie, Megan Rapinoe y découvre le foot dès ses trois ans grâce à son frère Brian, qu’elle «idolâtrait». «Je voulais tout faire comme lui», confie-t-elle. Jusqu’à ce que Brian se fasse arrêter à 15 ans pour revente de drogue au lycée. «Le cœur brisé», elle éprouve colère, chagrin, et le foot devient son exutoire. Les années suivantes voient son frère, devenu toxicomane, faire des allers retours en prison pendant qu’elle se bâtit une carrière professionnelle qui la conduit notamment à Lyon (2013-2014) puis à Seattle. “Pinoe” le dit ouvertement, les problèmes de Brian, dont elle demeure très proche malgré seize ans passés derrière les barreaux, ont éveillé sa conscience, forgé son caractère et son mental et quelque peu impulsé sa hargne. «J’étais son idole», a confirmé Brian en 2019, dans des propos rapportés par ESPN. «Mais désormais, et ça ne fait pas l’ombre d’un doute, c’est elle mon idole!» Rapinoe est aussi très attachée à sa jumelle Rachael, toutes deux ‘’benjamine(s)’’ d’une fratrie de six.

La militante invétérée,

Le mondial 2019 tenu en France et qui dans l’imaginaire collectif a fini d’ériger avec des contours plus incisifs la légende de Rapinoe fut particulièrement pour la capitaine des USA un espace d’expression qui lui a permis de dépasser le sport pour faire connaître ses combats à la planète entière. «Il serait irresponsable de ne pas utiliser cette tribune à portée internationale pour essayer de faire bouger les choses», déclara-t-elle. Si les spectateurs et téléspectateurs du monde entier gardent le vivace souvenir de ses bras grands ouverts pour célébrer ses buts, c’est en posant un genou à terre que Rapinoe a fait passer ses premiers messages politiques en 2016.

 S’agenouiller, son credo par excellence,

S’agenouiller pendant l’hymne américain, pour dénoncer les violences policières sur les Noirs dans le sillage de l’ex-star du football américain (NFL) Colin Kaepernick, «me semblait être un impératif plutôt qu’un choix», raconte la star dans son autobiographie «One Life», publiée en 2020. Quelques mois avant la sortie de l’ouvrage, elle avait d’ailleurs apporté un soutien appuyé au mouvement Black Live Matters, dans la foulée des manifestations survenues aux Etats-Unis après la mort de George Floyd, cet homme noir asphyxié lors de son interpellation à Minneapolis. Dans un pays alors divisé par la présidence Trump, les prises de position de «Pinoe» se heurtent notamment aux réticences de sa Fédération de football (USSF). «Ils ont essayé de me faire taire, accuse-t-elle dans son livre. A chaque fois que j’ouvrais ma bouche pour parler du +kneeling+ (agenouillement), de l’injustice raciale ou de la brutalité policière, c’était comme si un ensemble de voix du monde du football s’unissait pour dire : “Ça n’existe pas”.» L’interdiction de s’agenouiller sera finalement abrogée en juin 2020 par l’USSF, soucieuse à son tour d’afficher son soutien à Black Lives Matter. Militante féministe, en première ligne de la lutte pour les droits des LGBT depuis son coming out en 2012, la co-capitaine de la sélection se met aussi le président Trump à dos en 2019. En cas de sacre au Mondial, ni elles ni ses coéquipières n’iront à la «p… de Maison Blanche», prévient-elle quelques semaines avant le début de la compétition. Après un tweet acerbe de la part de l’ex-joueuse de Lyon, le président renonce à convier les championnes du monde à Washington.

 L'inégalité salariale, l’autre combat,

Révoltée par l’inégalité salariale entre les sélections masculine et féminine des Etats-Unis, l’attaquante d’OL Reign, club de Seattle, n’hésite pas à attaquer sa Fédération sur le terrain judiciaire. Malheureusement, en mai 2020, les quadruples champions du monde avec comme tête de gondole ‘’Pinoe’’ sont déboutées de leur demande d’égalité salariale. Leurs résultats sportifs, bien supérieurs à ceux des messieurs, n’ont pas pesé dans la balance. L’énergie de ses combats, la meneuse de «Team USA» la puise notamment auprès de sa fiancée Sue Bird, star du basket féminin et championne en titre de WNBA avec le Seattle Storm.

Secret de polichinelle. Même quand elle prendra ses distances avec le rectangle vert, Megan Rapinoe continuera certainement de défrayer la chronique et de marquer les esprits de par ses prises de position. Il n’en demeure pas moins qu’elle reste une footballeuse hors-pair, certainement l’une des plus grandes de l’histoire.