Au pied du podium sur Tour de France 2017, 3e du Giro 2015 et 4e de l'édition 2019, Mikel Landa a plusieurs fois frôlé la victoire sur les Grands Tours. Toutefois, en dépit de ces excellents résultats, l'ancien équipier de Fabio Aru n'a toujours pas remporté de Grand Tour. Revenons ensemble sur une carrière faite de grands moments, de mauvais choix et de déceptions.
Mikel Landa : un pur grimpeur
S'il est un fait indiscutable, c'est que Landa est un grimpeur hors norme. Son explosion aux yeux du grand public sur le Giro 2015 en est une preuve indéniable. 3e au classement final et impressionnant dans la très haute montagne, le Basque donnait cette année là, la sensation d'être un futur très très grand. On se souviendra notamment de la folle étape d'Aprica lors de laquelle il fut le seul à pouvoir suivre un Contador volant littéralement sur les pentes du Mortirollo. Ce jour là, le jeune Espagnol avait pris rendez-vous avec l'histoire… Malheureusement le reste de sa carrière est surtout une histoire de rendez-vous manqués.
Son année 2017, où il perd, sur chute, le Giro, renversé avec son coéquipier Geraint Thomas par une moto au pied du Blockhaus, en est d'ailleurs une preuve indéniable. Ce n'est son Tour 2017 qui viendra contredire cela. En effet, il avait d'ailleurs enchainé son frustrant Giro avec un Tour brillant qu'il finit au pied du podium, échouant à quelques secondes de Romain Bardet lors du dernier chrono à Marseille. Impressionnant des Alpes aux Pyrénées, le Basque a été indispensable à la victoire finale d'un Froome plus friable que jamais. On retiendra également pour cette année 2017 sa performance exceptionnelle lors de la double ascension du Stelvio qu'il gravit par deux fois en tête, pourchassé par les meilleurs grimpeurs de ce Giro.
Des limites en chrono ?
S'il n'est pas le pire des grimpeurs dans l'exercice, il est toutefois loin d'être le meilleur. En effet, si l'on prend les années où il jouait le général, il n'a que rarement brillé contre la montre. Par exemple lors du chrono final du Tour de France 2018, il n'a pris de temps à aucun de ses adversaires directs. Pire, il a plutôt tendance à céder du temps à ses rivaux. Ce jour-là, il céda même du temps à Romain Bardet (1'15”) qui n'est pourtant pas une référence dans le domaine. Sa 24e place sur le chrono de Pau en 2019 va d'ailleurs dans ce sens. En effet, à cette occasion il finit derrière Valverde, Mas, Buchmann ou encore Bernal, preuve d'un rendez-vous complètement manqué.
Des choix de carrière étonnants
Bouché par Vinokourov, ses choix, les performances d'Aru et celles de Fuglsang, le Basque a signé dès 2016 avec le team Sky. Dans une formation tournée autour de Froome, le coureur espagnol n'aura jamais pu profiter de sa chance. Intronisé leader sur le Giro 2017, Landa fut comme Thomas victime d'une chute au pied du Blockhaus qui a ruiné ses chances au général. Lessivé après son exceptionnel Tour 2017, il n'a logiquement pas couru la Vuelta. Après deux saisons d'un échec relatif, Landa a rejoint pour les saisons 2018 et 2019 la formation Movistar. Victime de la légendaire tactique de l'équipe (avoir trois leaders, les envoyer sur la même course, faire 6e, 7e et 9e), il n'a, là non plus, pas pu exploiter son plein potentiel.
Le départ vers la Bahreïn : le bon choix ?
Orpheline d'un vieillissant Nibali, la formation bahreïnienne avait besoin d'une nouvelle figure de proue pour jouer le général des Grands Tours. Ce costume de leader, Mikel Landa l'a embrassé et parfaitement assumé. Dans cette optique, le Basque n'est pas venu seul puisque certains de ses amis ont également rejoint la formation Bahreïn McLaren à l'instar d'un Bilbao excellent cette saison. Très bien construite avec des bons lieutenants comme Caruso, la formation a pu entourer de manière adéquate son leader basque.
Cette saison encore, Landa sera le seul maître à bord lorsqu'il jouera le classement général. Si ce n'est pas l'assurance de voir le Basque sur le podium final, on l'a vu cette année sur le Tour de France, cette position de leader unique lui donnera sans aucun doute le plein de confiance.
Un autre paramètre positif pour Landa est l'absence de sprinters capable de s'imposer sur des sprints massifs. Si Colbrelli est un très bon sprinter, il existe malgré tout une marge entre lui et des coureurs comme Ewan, Bouhanni ou Démare. Cette situation de fait donne donc l'assurance au Basque d'avoir une équipe articulée autour de lui, plutôt qu'autour d'un sprinter.
L'absence des classiques
Hormis sa 7e place sur Liège-Bastogne-Liège 2019, Landa n'a que très peu brillé sur les classiques ardennaises et au Tour de Lombardie. Pourtant on pourrait supposer qu'il serait à l'aise sur des routes comme celles-ci qui nécessitent punch et endurance. Ses nombreux abandons sur Il Lombardia, quatre au total depuis 2014, sont d'ailleurs autant de regrets quand on voit qu'il était capable dès 2013 d'accrocher un top 20. Malheureusement, son passage chez Sky n'a surement pas aidé le Basque à son cultiver son amour des courses d'un jour. Son passage dans la formation Movistar de Valverde ne lui aura pas plus permis de prendre un statut de leader dans les courses d'un jour. Sur ce point, on peut (pour une fois) comprendre la logique de la formation espagnole qui a toujours choisi de miser sur la légende des classiques ardennaises.
Conclusion : peut-on parler de talent gâché ?
Comme souvent avec ces questions aguicheuses, la vérité est plus complexe que le titre. Le cas Landa ne fait pas exception à ce principe. Si l'on peut avoir des regrets quand on voit la virginité (pour le moment) de son palmarès en Grand Tour, son podium au Giro 2015 et le maillot azzurro glané en 2017 sont eux des accomplissement d'une grande valeur. De plus, la question de l'importance de ses limites en chrono doit être posée. Il n'est en effet en rien certain que ses capacités puissent suffire à conserver ou reprendre un maillot de leader dans les derniers instants d'un Grand Tour.
Enfin, un dernier point auquel on doit penser, est la capacité mentale de Landa à supporter la pression d'une dernière étape de montagne avec une victoire finale en jeu. Primož Roglič en sait quelque chose.
Crédits photo en une : Y. Sunada/Presse Sports