Au milieu de vieux briscards comme peuvent l’être le Russe Mshvidobadze (31 ans) ou la Française Agbegnenou (28 ans), cette édition 2020 des Championnats d'Europe de judo a mis en lumière une jeunesse dorée qui promet de grandes choses pour la future olympiade, mais aussi de nombreux casse-têtes pour choisir le ou la représentant(e) national(e).
Dans un contexte toujours particulier, entre sortie de confinement et dernière ligne droite pour les Jeux Olympiques de Tokyo, et sans vraiment de repère, l’équipe de France repart de République Tchèque avec 8 médailles et 5 titres, meilleur bilan depuis 2016.

Jour 1 : Boukli parmi les grandes 

Alors qu’elle n’était que réserviste jusqu’au forfait de Fanny-Estelle Posvite, Shirine Boukli (-48kg) réussit l’exploit de se parer d’or jeudi pour ses premiers championnats d’Europe séniors. Mais à y regarder de plus près, cette médaille est  moins un exploit isolé que la suite logique pour une combattante qui avait déjà fait parler d’elle à de nombreuses reprises, comme par exemple au réputé Grand Slam de Düsseldorf. Loin d’être étrangère aux podiums, elle avait tout de même réussi avant cela à obtenir l’argent aux Championnats d'Europe et aux Championnats du Monde juniors en 2019, et à se classer 5e au Grand Slam de Paris 2020, à seulement 21 ans !

La journée n’a cependant pas été facile pour la judokate française, toute proche de céder face à la Kosovare Krasniqi en quarts de finale, mais réussissant à plaquer cette dernière au tapis dans le golden score. En finale, il ne lui aura cependant fallu moins d’une minute pour placer un étranglement à la Serbe Stojadinov et devenir championne d’Europe.

L’autre Française de la catégorie, Mélanie Clément, aura eu bien moins de réussite malgré une 5e place. Malheureusement, en laissant filer le podium qui plus est en s’inclinant face à la même Serbe puis Kosovare que Boukli parviendra à battre, son avance comme leader de la catégorie semble s’amenuiser en vue des J.O de cet été. Les prochaines sorties pourraient être déterminantes pour ces deux filles.

Autre catégorie où la hiérarchie n’est pas tout à fait établie, celle des -60kg. Et malheureusement ces championnats d’Europe n’aideront pas à y voir plus clair puisque les deux engagés français, Walide Khyar et Luka Mkheidze, s’inclinent chacun lors de leur premier combat de la journée contre des adversaires somme toute à leur portée.
La catégorie a été réglée par les deux Russes en lice, dans un remake de la finale du Grand Slam de Budapest. Mshvidobadze faisait face à Abuladze, avec cette fois-ci l’avantage pour le premier dans un combat disputé jusqu’aux quatre dernières secondes.

Entre jeunesse et expérience, les résultats balancent

Les autres satisfactions de la journée côté tricolore sont à aller chercher d’une part chez les masculins -66kg et d’autre part chez les féminines -57kg.

Indéboulonnable de la catégorie malgré des performances pas toujours à la hauteur de ce que l’on pourrait attendre, Kilian Le Blouch (-66kg) a démontré que l’on pouvait encore compter sur lui pour ramener une médaille. Dans son style habituel, débordant d’envie et d’abnégation dans ses combats, il s’est montré peut-être un peu plus mobile qu’à l’accoutumé avec des mouvements d’épaule et de balayage qui ont fait mouche et lui ont permis de rapporter une médaille de bronze de République Tchèque.

De son côté, Sarah-Léonie Cysique (-57kg) parvient elle aussi à décrocher une médaille de bronze, son premier podium sur un championnat international seniors après ses places de 5e aux Championnats d'Europe 2018 et aux Championnats du Monde 2019. Avec ses mouvements de jambes efficaces, la jeune française de 22 ans pourra certainement aller chercher de nombreuses autres médailles sur la scène internationale. Dans cette même catégorie, la finale a vu s’opposer deux femmes d’expérience avec la Hongroise Karakas (30 ans) et la Portugaise Monteiro (34 ans). Au bout d’un combat acharné de 8 minutes, c’est la Hongroise qui prend le titre européen, son premier après trois médailles, laissant l’argent à Monteiro qui gagne tout de même ici sa dixième médaille européenne, dont trois titres.

Enfin, dernière engagée de ce premier jour, Astride Gneto (-52kg) ne fera pas mieux qu’une 7e place, subissant en quarts de finale puis en repêchage les pénalités de l’arbitre. (On le rappelle, trois pénalités contre soi font perdre le combat.)

Jour 2 : les Françaises impériales 

Pour ce deuxième jour de compétition à Prague, l’équipe de France présentait trois des meilleures combattantes au monde : Clarisse Agbegnenou, n°1 mondiale de sa catégorie des -63kg et quatre fois championne du Monde ; Marie-Eve Gahié, n°1 mondiale chez les -70kg, championne du Monde en titre et Margaux Pinot, n°2 mondiale en -70kg, 3e aux derniers Championnats du Monde et championne d’Europe en titre.

Presque sans surprise, mais avec beaucoup de joie, on retrouvera chacune de ces filles sur le podium à la fin de la journée. Agbegnenou ne laissera aucune chance à ses adversaires du jour, et n’aura besoin que de 23 secondes en finale pour s’emparer de sa cinquième couronne européenne.
Le schéma sera quasiment identique pour Margaux Pinot, même si le début de sa compétition aura été un petit peu plus difficile, avec une première victoire grâce aux pénalités dans le golden score. Néanmoins, se hissant en finale, il lui faudra moins d’une minute à elle aussi pour coller au sol son opposante hollandaise Van Dijke, grâce à un mouvement d’épaule très bien senti. Double championne d’Europe et en bronze aux derniers mondiaux, elle montre ainsi à sa concurrente directe pour les Jeux qu’elle se battra jusqu’au bout pour la sélection. Car si Gahié peut compter sur son titre mondial pour la mettre dans une position confortable pour aller à Tokyo cet été, elle devra malheureusement se contenter d’une 3e place ici, cédant en demi-finale face à la même Van Dijke.

 

Les garçons dans la continuité… malheureusement

Du côté masculin, cette journée ne laisse pas que de bons souvenirs et illustre toujours un peu plus la difficulté que rencontre le clan français à performer dans ces catégories denses, où les adversaires sont aussi puissants que rapides. Néanmoins, malgré les résultats en dents de scie, il persiste un potentiel de médaille chez les deux engagés en vue des compétitions futures. Guillaume Chaîne (-73kg) gagne son premier combat grâce à sa spéciale, un balayage en rotation tout près du sol, mais s’incline de peu sur Stump, un jeune Suisse qui finira 5e et qui pourrait bien faire parler de lui à l’avenir.
En -81kg, le staff français avait sélectionné Nicolas Chilard, en bronze il y a quelques semaines à Budapest. Il ne réussit cependant pas à rééditer la même performance, puisqu’il craquera dans le golden score de son premier combat face au Bulgare Ivanov, futur second.

 

Jour 3 : les Françaises reçues 2/2

Les jours se suivent et se ressemblent pour l’équipe de France. En l’absence de Teddy Riner et de suppléant chez les poids lourds, les sélectionneurs ont décidé de doubler la catégorie des -100kg.

Aussi, c’est au champion de France en titre Cédric Olivar qu’ils ont choisi de donner sa chance, aux côtés du titulaire habituel Alexandre Iddir. Au bout du compte, la finalité sera la même pour les deux athlètes, battus au premier et deuxième tour par des adversaires semblant pourtant à leur portée. La catégorie sera finalement remportée par l’Israélien Paltchik, qui remporte à 28 ans son premier titre international, devant le Russe Adamian, champion d’Europe l’année passée.
Même résultat pour Axel Clerget (-90kg), loin d’être gâté par le tirage au sort et qui s’incline avant le quart de finale face au n°1 mondial de la catégorie, Sherazadishvili. À l’arrivée, ce dernier finira 5e, laissant le titre au Russe Igolnikov, son deuxième après 2018.
La Russie fera même le doublé en +100kg, avec la victoire de Bashaev sur Tasoev (24 et 22 ans), laissant les deux Géorgiens Matiashvili et Tushishvili.

La Marseillaise en réponse à l’hymne russe

Les catégories féminines du jour permettront à la France de répondre à la Russie au cœur de l’O2 Arena. La championne du Monde en titre Madeleine Malonga (-78kg) parvient à se hisser en finale après trois combats réglés avant leur terme, face à l’Allemande Malzahn. Là, elle saura montrer ce qu’il faut à l’initiative des attaques, faisant monter les pénalités du côté allemand jusqu’à la disqualification. Titrée en 2018 et en bronze l’année suivante, Malonga récupère son bien et clôture son année invaincue.

Quelques minutes plus tard, elle est imitée par Romane Dicko chez les +78kg. L’imitation va même plus loin puisque Dicko avait été elle aussi titrée en 2018, à seulement 18 ans, titre abandonné en 2019 et donc récupéré cette année après une saison sans défaite et ponctuée de belles victoires comme le Grand Slam de Paris.


Comme à l’issue du Grand Slam de Hongrie en octobre, Français et Russes apparaissent comme les mieux préparés en période post confinement et semblent se partager le haut des podiums. Le tableau des médailles où la France figure en tête ne saurait néanmoins faire oublier les faiblesses que peuvent rencontrer ces deux nations, l’équipe de France comptant sur le groupe féminin où toutes les engagées finissent classées, pendant que les masculins russes ramènent six des sept médailles de leur pays.

Le prochain rendez-vous international devrait être le Masters du Qatar début 2021, où chaque impression donnée devra être la bonne pour partir à la conquête de l’or olympique cet été.

Photo Une : Marina Maroyova