Pour ces championnats d’Europe 2021 à Lisbonne, rares étaient les têtes de séries absentes. Malgré des places pour les Jeux déjà bien assurées pour certains et certaines, l’envie de proposer du beau judo et d’aller chercher le titre continental était bien présente. Et même si l’on ne connait pas tous les rouages des sélections olympiques, cette compétition a dû servir pour certains entraineurs de juge de paix pour trancher entre deux athlètes au coude à coude dans une même catégorie.
Du côté français, le choix avait également été fait d’engager des athlètes peu vus sur le circuit, dans une optique de préparation à l’olympiade suivante, avec malheureusement peu de réussite à l’arrivée.
1er Jour – Buchard nouvelle reine, Mkheidze rêve de Japon
Ce qui semblait être une évidence avant le premier combat s’est confirmé tout au long de la journée. Amandine Buchard (-52 kg) est inarrêtable ces temps-ci, et après son premier titre européen ici à Lisbonne, peu de concurrentes pourront l’empêcher d’aller décrocher l’or à Tokyo. Après un premier combat toutefois piégeux contre l’expérimentée Roumaine Chitu, dont elle se sortit dans le golden score, le reste de la compétition s’est déroulé presque facilement. En demi-finale, il ne lui faudra que 30 secondes pour venir à bout de l’Espagnole Perez-Box, et un peu plus de 2 minutes pour régler la finale face à la vice-championne olympique Giuffrida.
Les autres féminines engagées ne réussirent malheureusement pas à faire aussi bien, mais repartent tout de même chacune avec une médaille de bronze.
En -48 kg, Mélanie Clément ne s’incline qu’en quart de finale contre la Russe Giliazova, après avoir pris trois pénalités. En repêchages et en combat pour la troisième place, c’est elle qui impose son rythme et voit ses adversaires se faire sanctionner à trois reprises par l’arbitre pour remporter ses combats. Enfin, Sarah Léonie Cysique (-57 kg) cale malheureusement une fois encore à peu de choses de la finale et de la médaille d’or, puisqu’elle se fait contrer par son adversaire à 1 minute 30 du terme de sa demi-finale. Dans son combat pour le bronze, c’est sur son mouvement de jambe préféré qu’elle marquera un avantage dans la première minute, et qu’elle gérera tranquillement tout le reste du combat.
Chez les hommes en -60 kg, le tirage au sort du jeudi soir était venu pimenter encore plus la confrontation qui se préparait entre les deux Français. Engagés depuis quelques mois dans la course aux Jeux, Walide Khyar et Luka Mkheidze se retrouvaient dans la même partie de tableau, avec un combat de « chauffe » pour chacun avant une confrontation directe en quart de finale. Au bout du temps, la victoire revient à Mkheidze qui est apparu bien plus tranquille dans son judo, attaquant au bon moment sans se livrer. Son épopée le conduira même jusqu’en finale, où une envie de peut être trop bien faire le mènera à se faire contrer par l’Espagnol Garrigos, qui semblait pourtant à sa portée.
Pour Khyar, la défaite en quart de finale sera suivie par une autre en repêchage, mettant un terme à sa compétition et le reléguant à la 7e place. Reste à savoir si cette contre-performance du champion d’Europe 2016 lui coûtera sa place aux Jeux, ou si le staff tricolore décidera de la place de titulaire au cours d’une ultime compétition.
2ème Jour : Pinot en route vers Tokyo
Pour le deuxième jour de ces championnats d’Europe, l’ensemble du judo français n’avait d'yeux que pour une seule catégorie, celle des -70 kg. En effet, en l’absence de Clarisse Agbegnegnou chez les -63 kg – catégorie remportée logiquement par la championne olympique Trstenjak – quoi de mieux qu’un duel à distance avec les JO comme enjeu pour tenir en haleine (télé)spectateurs et entraineurs ?
Oui mais, ce duel n’aura eu ni la durée ni l’intensité qu’on lui promettait et qu’on attendait. Opposées pour la place de titulaire de la catégorie, Marie-Eve Gahié (championne du monde 2019) et Margaux Pinot (3e aux Championnats du Monde 2019) auront connu des fortunes biens différentes sur le sol portugais.
En effet, la première voit son parcours s’arrêter dès son premier combat face à une jeune croate, sur un mouvement néanmoins litigieux. Un boulevard s’ouvrait donc devant Pinot, qui pouvait également aller chercher une troisième couronne continentale de suite. En faisant étalage de toute sa palette technique, elle se hissa jusqu’en demi-finale où elle élimina la Hollandaise Polling, avant de se faire enrouler en finale par l’autre Hollandaise Van Dijke, qui marque surement elle aussi des points précieux aux yeux de ses entraineurs.
Margaux Pinot sur la 2e marche du podium
(c) Carlos Ferreira
Chez les garçons, ce fut une journée blanche en terme de résultats pour les quatre engagés. On pourrait blâmer le tirage au sort pour certains, comme Nicolas Chilard qui perd devant le Turc Albayrac futur champion d’Europe. Mais avec, au mieux, un seul combat gagné pour chacun, le fait est qu’aucun des Français de ce deuxième jour n’a semblé dans le rythme et à la hauteur pour rivaliser avec leurs adversaires.
De plus, avec sa médaille de bronze remportée samedi, le Suisse Stump repasse devant Guillaume Chaine (-73 kg) à la ranking list. Ce dernier irait donc à Tokyo grâce au quota continental si les choses devaient en rester là, obligeant un combattant en -81 kg à aller chercher des points partout où il en reste pour obtenir le quota olympique.
3ème jour : Fontaine fait parler la fougue, Iddir (se) fait plaisir
Sur le circuit international, un nom avait fortement fait parler ces dernières années quand on évoquait les féminines +78 kg. Romane Dicko, évidemment, monstre de précocité qui avait remporté son premier titre européen à 18 ans à peine, et qui a aujourd'hui gagné sa place pour les Jeux. Et il semblerait que cette catégorie n’en finisse pas de nous apporter son lot de pépite, puisque c’est aujourd’hui Léa Fontaine, 19 ans, qui repart du Portugal médaillée.
Certes la médaille est en argent, mais quelle démonstration de celle qui vivait ses premiers championnats d’Europe séniors (et par ailleurs double championne d’Europe juniors). En finale, elle bute malheureusement sur la Turque Sayit, qui l’empêchera de mettre en place son schéma tactique.
Dans la catégorie inférieure des -78 kg, on retrouvait les deux athlètes qui n’avaient cessé de se « tirer la bourre » en début d’olympiade, Fanny Estelle Postive et Audrey Tcheuméo. La première lança sa technique de trop loin en quart de finale contre la Polonaise Pacut, et fut contrainte de passer par le repêchage pour aller chercher une médaille de bronze. Dans cet ultime combat pour la médaille, elle ne fit qu’une bouchée de son opposante kosovare Kuka, à l’inverse d’Audrey Tcheuméo. Celle-ci réussit à rejoindre la demi-finale, où elle s’inclina contre la même Polonaise que sa compatriote après une pénalité peu évidente. Dans le dernier combat pour la médaille, elle rate le coche contre l’Autrichienne Graf et finit donc à une 5e place qui laissera peut-être quelques regrets.
Du côté masculin, le staff français avait là aussi fait le choix de la jeunesse en -90 kg, en décidant d’aligner Alexis Mathieu âgé de 21 ans seulement. Expérience de courte durée pour le tricolore, qui prend dès son premier combat le Géorgien Bekauri qui s’imposera en fin de journée devant son compatriote Gviniashvili.
En -100 kg, prime à l’expérience en choisissant d’aligner Alexandre Iddir et Cyrille Maret. Même destin pour les deux compères qui perdent chacun en quart de finale contre un futur finaliste, à savoir le Géorgien Liparteliani pour le premier et le Belge Nikiforov pour le second. Celui-ci sera d’ailleurs sacré champion en fin d’après-midi, rappelant à la concurrence qu’il faudra compter sur lui cet été.
Néanmoins, leur parcours sera différent en repêchage puisque Maret s’arrêtera à une 7e place en deçà de ce qu’on pouvait peut-être attendre, mais à relativiser compte tenu de son accident de la route subi il y a quelques mois. Alexandre Iddir, plus mobile, ira lui jusqu’au combat pour la troisième place, après avoir battu le champion du monde en titre, et le remportera après une minute de golden score pour gagner son billet pour le Paris – Tokyo du mois de juillet.
Après ces championnats d’Europe, la sélection pour les Jeux Olympiques a pu être annoncée par le staff de l’Équipe de France. On y retrouve les athlètes qui ont su se démarquer ce weekend, comme Mkheidze et Pinot, mais aussi les titulaires de certaines catégories comme Axel Clerget, Teddy Riner ou Clarisse Agbegnenou.
Ce mardi ont aussi été annoncées les sélections pour le Grand Slam de Kazan, qui remplace celui de Paris, et les Championnats du Monde prévus en juin à Budapest. On retrouvera lors de ces derniers des athlètes formant la génération de demain, qui pourront se tester face au gratin mondial venu régler une dernière fois la mire.
Crédit image en une : Carlos Ferreira