Qualifiée pour les 1/16èmes de finale de la Ligue Europa, l'Etoile Rouge de Belgrade revient sur les devants de la scène européenne sportivement mais la situation financière reste toujours délicate malgré quelques progrès. Faisons l'état des lieux du club le plus titrée de Serbie.

Du mieux sportivement. Je ne vous cache pas qu’il y a deux ans, j’étais très pessimiste pour l’avenir de l’Etoile Rouge de Belgrade, tant sur le plan sportif que financier, après son élimination dès le 1er tour préliminaire de la Ligue Europa par le Kaïrat Almaty en 2015. Depuis cette désillusion, la situation sportive s’améliore pour les Rouge et Blanc belgradois. A cette époque, l’Etoile Rouge a fait venir l’entraîneur monténégrin Miodrag Božović, de retour en Serbie après avoir passé huit ans en Russie où il a gagné une coupe avec le FK Rostov en 2014. La première saison du coach Monténégrin s’est conclue sur un titre champion de Serbie et pas la moindre défaite en saison régulière. Pour y parvenir, Božović s’est appuyé sur des joueurs passés par le championnat russe et qu’il connait bien, le Néerlandais Mitchell Donald, le Français Damien Le Tallec (en provenance de Mordovia Saransk), le Serbe Aleksandar Luković (qui a peu joué au Zenit Saint-Petersbourg) ou encore le Gabonais Guélor Kanga (arrivé en provenance du FK Rostov et avec lequel il avait gagné la Coupe de Russie en 2014). 

La saison 2016-2017 démarre donc par les qualifications pour la Ligue des Champions, stade auquel l’Etoile Rouge échoue une nouvelle fois : son parcours s’arrête au 3ème tour préliminaire face au Ludogorets Razgrad (2-2 en Bulgarie, 2-4 à la maison après prolongations). En barrages de Ligue Europa, l’Etoile Rouge se fait sortir par Sassuolo sur le score total de 4-1, dont un 3-0 pour l’équipe italienne. Pour Miodrag Božović, la saison se termine très mal : d’abord par une première défaite en play-offs face au Partizan, puis une autre au FK Voždovac (une autre équipe belgradoise) sur le score de 3-2 qui permet à l’éternel rival d’arracher un 8ème titre de champion de Serbie. Božović démissionne là-dessus et repart en Russie entraîner l’Arsenal Tula.

Milojevic, le renouveau 

L’Etoile Rouge trouve un nouvel entraîneur qui va améliorer considérablement les résultats sportifs du club sur la scène européenne en la personne de Vladan Milojević. Pourtant, le CV de celui-ci est loin de faire rêver, mais le but est de se stabiliser sportivement et d’obtenir une possible qualification pour la phase de poules de la Ligue Europa. Vladan Milojević était un défenseur qui est passé par quelques clubs locaux en Serbie, dont un bref passage à l’Etoile Rouge en 1996 avant d’aller en Grèce, au Panathinaïkos, pendant 3 saisons. Sa carrière d’entraîneur a débuté en 2011 au Javor Ivanjica (un club situé au sud-ouest de la Serbie), mais c’est au FK Čukarički, un autre club belgradois sauvé de la faillite par l’entreprise Adoc (entreprise serbe qui travaille dans le secteur des infrastructures et de l’industrie pharmaceutique), que Vladan Milojević fait ses preuves. Il fait monter le club en 1ère division en 2013, termine 4ème en 2014 puis 3ème en 2015, permettant au club de jouer les qualifications pour la Ligue Europa. La même année, il remporte la Coupe de Serbie face au Partizan de Belgrade sur le score de 1-0 but. C’est le premier trophée de l’histoire du FK Čukarički.

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Crédit Photo : Sky Sports

Après un échec à l’Omonia Nicosie, il poursuit au Panionios où ses méthodes fonctionnent face aux cadors du championnat grec. L’Olympiakos en fait les frais à domicile (1-0), les Kokkinoi encaissant là leur 1ère défaite à la maison depuis deux ans et demi en championnat. Panionios se qualifie aussi pour le second tour préliminaire de la Ligue Europa… mais les problèmes financiers du club poussent le coach à partir. L’Etoile Rouge l’a repéré et le nomme entraîneur pendant l’été, cette fois pour entraîner l’équipe A (il avait entraîné l’équipe de jeunes du club pendant trois ans). Pour atteindre la phase de poules de la Ligue Europa, Milojević s’appuie sur Kanga, Le Tallec, l’international ghanéen Richmond Boakye et les Serbes Slavojub Srnić, Nemanja Radonjić (prêté par l’AS Rome) et le Monténégrin Filip Stojković.

Au premier tour, l’Etoile Rouge sort le Floriana FC (Malte) sur le score cumulé de 6-3, puis les Kazakhs de l’Irtysh Pavlodar 3-1. Au 3ème tour, les Rouge et Blanc belgradois surprennent les Tchèques du Sparta Prague en s’imposant 2-0 à domicile puis 1-0 à l’extérieur, provoquant l’ire des supporters praguois qui quittent le stade à 20 minutes de la fin. En barrages, l’Etoile Rouge sort ce qui était sans doute l’un des pires adversaires sur le papiers : le FK Krasnodar. Au match aller, les taureaux russes s’imposent sur le score de 3-2, mais l’Etoile Rouge renverse la situation au retour (2-1), grâce notamment à une frappe en pleine lucarne signée Guélor Kanga peu après le début de la seconde mi-temps. Le club se qualifie pour la phase de poules de la C3, une première depuis 10 ans. Pendant ces qualifications, l’Etoile n’a encaissé qu’un seul but au stade Rajko Mitić.

Pendant la phase de poules, l’Etoile Rouge aurait pu remporter ses deux matchs face au BATE Borisov mais l’équipe se saborde d’abord à domicile (1-1) avant de frôler la victoire à l’extérieur s’il n’y avait pas eu ce sauvetage sur la ligne à la dernière seconde. Contre Arsenal, le club serbe aurait au moins pu arracher le match nul, mais un but d’Olivier Giroud sur un ciseau à la 85ème minute a offert la victoire aux Gunners (favoris du groupe). C’est contre le FC Cologne que l’Etoile Rouge a construit sa qualification historique. En somme, une petite revanche sur 1990, année durant laquelle Cologne avait sorti l’Etoile Rouge au stade des 1/8èmes de finale de la Coupe de l’UEFA. L’Etoile Rouge s’impose deux fois 1-0, dont le match décisif lors de la 6ème et dernière journée et de jouer les 1/16èmes de finale (niveau qu'elle n'a plus atteint depuis 1998 (à l'époque encore ce fut le second tour de la Coupe de l'UEFA où elle fut éliminé par l'Olympique Lyonnais sur le score cumulé de 5:3)) .

L’Etoile Rouge est même le premier club à réussir à se qualifier pour les 1/16èmes de finale après être passé par tous les tours qualificatifs (soit un total de 14 matchs lors de cette première partie de saison). Après 21 journées de championnat, l’Etoile Rouge compte 9 points d’avance sur son rival éternel du Partizan (qualifié lui aussi pour les 1/16ème de Ligue Europa face au Viktoria Plzen). Ils ont fait match nul (1-1) pour conclure le second tiers de la saison régulière (même si ce match a encore une fois été terni par des affrontements entre supporters). En attendant, le club va pouvoir se préparer tranquillement même s’il aura fort à faire face au CSKA Moscou en Ligue Europa.

Un meilleur encadrement

Les meilleures performances de l’Etoile Rouge sur la scène européenne ne cachent pas pour autant les problèmes financiers, malgré une légère amélioration. Il y a deux ans, le club cumulait une dette estimée aux alentours des 60 millions d’euros, et pas seulement auprès des joueurs et anciens joueurs. L’été dernier, si l’on en croit le directeur général du club Zvezdan Terzić (ancien président de la Fédération Serbe de Football), la dette de l’Etoile Rouge est passée à un peu moins de 27 millions d’euros. Cette dette a été remboursée en partie par le biais des contrats de sponsoring, dont celui avec Gazprom, mais aussi grâce à des sommes d’argents reçues de différents transferts. Il est en effet difficile de remplir les caisses du club avec la billetterie étant donnée la très faible affluence des matchs de championnat. Seule exception, le derby éternel et les matchs de Coupes d’Europe (qualifs inclus).

Selon un article du site telegraf.rs daté de novembre (http://www.telegraf.rs/sport/fudbal/2910120-terzic-otvorio-zvezdine-finansijske-knjige-otkriven-tacan-dug-crveno-belih-plate-novih-igraca-i-zarada-od-transfera-le-i-karata-video), cette dette de moins de 27 millions d’euros comprend une dette de 11 millions et demi contractée auprès des banques, 4,4 millions auprès de l’Etat, 2 millions et demi auprès d’agents et le reste auprès de joueurs datant de la fin la décennie précédente. Difficile de savoir en combien de temps cette dette sera remboursée, mais elle pourrait repartir à la hausse dans les mois à venir en raison du projet de rénovation de la tribune ouest du stade Rajko Mitić pour un montant de 10 millions d’euros. Les travaux devraient débuter en mars prochain. Reste à savoir s’ils auront bien lieu. En attendant, l’UEFA surveille tous les clubs qui ne respectent pas les règles du Fair-Play financier et difficile de savoir de quoi l’avenir sera fait. En tout cas, on s’éloigne du redressement judiciaire et de la liquidation.

L’autre bonne nouvelle, c’est que la direction est plus stable que durant les années précédentes. La sanction infligée par l’UEFA en 2014 a été un point de départ pour le club et son équipe dirigeante a compris que pour avoir du succès, pas seulement en Serbie mais aussi sur la scène européenne, il faut avoir une certaine stabilité sur plusieurs années et recruter intelligemment en fonction des moyens du bord, notamment des jeunes provenant de Serbie principalement avec éventuellement quelques étrangers. Surtout, il ne faut pas dépenser plus que ce que l’on gagne. Cela passe aussi par le fait de maintenir un entraîneur sur plusieurs saisons et d’avoir un projet pour le long terme. Actuellement, Vladan Milojević fait un travail remarquable avec ses joueurs depuis le début de saison, particulièrement sur la scène européenne, et il reste à savoir à quoi ressemblera l’équipe dans les mois qui viennent tout en sachant que des joueurs seront convoités par des clubs étrangers lors du prochain mercato (c’est le cas de Richmond Boakye, convoité par le Stade Rennais). Terzić compte rembourser les dettes du club grâce aux départs de ces derniers, principalement à l’étranger.

En conclusion, l’Etoile Rouge s’améliore sportivement grâce aux méthodes du coach Milojević, qui ont permis d’être à ce stade de la compétition en Ligue Europa. Dans le même temps, la direction du club réduit progressivement la dette grâce à une équipe en place depuis trois ans et qui a visiblement tiré les leçons de la sanction infligée par l’UEFA à l’été 2014. La stabilité sur les plans sportif et financier est l’élément-clé du bon fonctionnement d’un club de football et l’Etoile Rouge est sur la bonne voie. Mais à quoi ressemblera le club dans les mois à venir, surtout avec les probables départs de joueurs importants comme Boakye ? Seul l’avenir le dira. Ce qui est sûr, c’est que le CSKA Moscou compte bien barrer la route des Belgradois en Ligue Europa. Rendez-vous le 15 février prochain pour la première manche face à l’Armée Rouge.

Marko PANTIC