Sport de contact s’il en est, le judo a subi de plein fouet la crise du Covid-19. Entre suspension des entrainements et annulation de toutes les compétitions, du petit tournoi départemental aux Jeux Olympiques, la saison 2019 a connu une fin mouvementée.
Dans un contexte post confinement, ce Grand Slam de Budapest aura permis au judo de sortir de sa léthargie, et aux athlètes de prendre des repères.
Une activité qui peine à reprendre
On le sait, chaque fédération sportive a dû prendre des mesures sanitaires exceptionnelles pour permettre aux licenciés de retrouver le chemin de l’entrainement. Mais à peine deux mois après la rentrée, l’activité subit de nouveau un chamboulement majeur avec l'instauration du couvre-feu, qui ne laisse la possibilité de s’entrainer en salles qu’aux moins de 18 ans ou aux sportifs de haut-niveau.
Ces derniers, contraints de passer l’étape du test PCR à chaque déplacement, ne sont pas non plus assurés de participer à tous les rassemblements. À chaque stage ou compétition, le pays d’accueil peut à tout moment durcir ses règles sanitaires ou prononcer l’annulation de l’évènement. Le stage de préparation de l’équipe de France en Hollande ? Annulé. Le prestigieux Grand-Chelem de Tokyo ? Annulé. Les Championnats d’Europe ? Repoussés deux fois déjà, et prévus pour se tenir début Novembre… pour l’instant.
Alors, entre forfaits pour cause Covid et désinfection régulière du tatami, retour sur cette compétition qui sera – on l’espère – synonyme de rentrée officielle.
1er Jour – Les français(e)s bien en jambe
Comme à l’accoutumée, les catégories les plus légères ouvrirent la compétition le vendredi. Chez les hommes de -60kg, Luka Mkheidze sort 1er de son quart de tableau en battant notamment le vice-champion du Monde 2019 Ouzbekh, Lutfillaev. En demi-finale, il coincera toutefois sur le jeune russe Abuladze, vainqueur de la catégorie en fin de journée, avant de remporter la médaille de bronze et le droit de monter sur le podium.
L’autre français de la catégorie, Walide Khyar, tomba lui dès le deuxième tour face à un jeune hongrois à qui le corps arbitral accorda un ippon plus que généreux. En -66kg, Reda Seddouki fut lui aussi stoppé très tôt dans la journée, dès le premier tour, dans un combat qui dura tout de même près de sept minutes. Kilian Le Blouch réussit de son côté à passer deux tours face à des adversaires à sa portée, mais fut rapidement stoppé par le russe Shamilov, futur 2ème de la journée.
Chez les filles, l’absence de certaines têtes de série a laissé beaucoup de place aux autres. Malgré cela, chez les -48kg, la française Shirine Boukli ne parvint pas à accrocher une médaille, calant en place de trois face à une jeune serbe 3ème des Championnats du Monde Juniors 2019. Au final c'est la kosovare Krasniqi, favorite, qui remporte l’or quelques minutes avant que la double championne du Monde de la catégorie ne remporte le bronze dans la catégorie supérieure.
En effet, l’ukrainienne Daria Bilodid, multiplement médaillée dans la plus petite des catégories de poids, est allée s’essayer chez les -52kg. À quelques mois des Jeux Olympiques, seul titre qu’il lui manque, est-ce le début d’une nouvelle aventure dans une nouvelle catégorie ou a-t-elle simplement profité de cette compétition aux allures spéciales pour reprendre des sensations sans ressentir de pression ? La réponse a été apportée par la principale concernée, qui a indiqué être en besoin de compétition et ne pas vouloir s’affaiblir en perdant du poids dans cette période où les virus rodent.
Quoi qu’il en soit, son parcours se termine avec une médaille de bronze autour du cou, dans une catégorie remportée par la française Amandine Buchard, apparaissant presque facile tout au long de la journée.
La dernière catégorie de ce premier jour a permis à l’équipe de France de repartir avec une médaille du métal manquant, au profit d’Hélène Receveaux, en -57kg. Solide jusqu’en finale, elle sort entre autres la kosovare Gjakova, la russe Mezhetskaia, et la portugaise Monteiro, respectivement championnes d’Europe 2018, 2019 et 2015 !
Un ton en dessous de la canadienne Klimkait en finale, elle remporte tout de même une belle médaille d’argent qui devrait lui permettre de reprendre confiance après deux compétitions (Grand Slam de Paris et de Düsseldorf) manquées.
2ème jour – Les français(e)s dans leur lancée
Catégorie toujours compliquée au niveau international, les -73kg français n’ont malheureusement pas réussi à produire leur judo sur les tapis de la Papp László Budapest Sportaréna où ni Guillaume Chaîne ni Mickaël Dubois ne sont parvenus à passer plus d’un tour. Pas plus de réussite malheureusement pour Agathe Devitry, seule engagée en -63kg en l’absence de la championne du Monde Clarisse Agbegnenou.
Coté féminin, la bonne performance du jour est à mettre au crédit de Margaux Pinot (-70kg) qui s’empare de la médaille d’argent, dans la continuité de ses performances « pré-confinement » et notamment sa 3ème place aux Championnats du Monde 2019. En finale, elle s’incline contre la croate Matic, tombeuse de l’autre tricolore de la catégorie, la championne du Monde en titre Marie-Eve Gahié, finalement 5ème.
La grande satisfaction du jour est du côté masculin, en la personne de Nicolas Chilard. Le -81kg français parvient à décrocher une médaille de bronze, en battant dans le combat décisif le champion Olympique en titre sur un superbe mouvement d’épaule. Plus que la couleur de la médaille, ce podium est une très belle ligne dans le palmarès de ce jeune judoka, relativement peu habitué à sortir sur des compétitions de cette ampleur, et lui permettra surement de regoûter à des sélections internationales à ce niveau.
Enfin, dans le même tableau, Alpha Oumar Djalo a eu moins de chance que son compatriote puisqu’au-delà de la défaite subie au troisième tour, il dû abandonner sur blessure après une mauvaise réception.
3ème jour – La France engrange, la Russie domine
Du côté masculin, ce dernier jour où combattaient les plus lourds a vu son lot de têtes d’affiches. Chez les -90kg, le champion du Monde 2018 espagnol Sherazadishvili rencontrait en demi-finale le multi médaillé russe Igolnikov, pendant que le champion du Monde 2019 Van T’End (Ned) avait fort à faire contre le mongol Gantulga, lui aussi habitué des podiums et tombeur du français Alexis Mathieu dès son premier combat.
À la fin de la journée, c’est le russe qui s’empara de l’or, imité par son compatriote des -100kg quelques minutes après. Mieux encore, la délégation russe arriva sur cette catégorie à placer ses deux combattants sur le haut du podium. Le vice-champion du Monde 2019 Ilyasov surclassa son partenaire d'entrainement Adamian pour s’adjuger l’or, alors qu’Alexandre Iddir ne put malheureusement pas faire mieux qu’une 5ème place ce dimanche. Bien lancé en début de journée, il devra s’incliner contre le champion d’Europe 2018 Nikiforov (Bel) en quart de finale, puis contre le champion du Monde en titre Fonseca (Por), tombeur du champion de France Cédric Olivar un peu plus tôt, lors du combat pour le bronze.
Chez les +100kg, catégorie toujours attendue malgré l’absence cette fois ci de Teddy Riner ou d’autres champions, le schéma fut exactement le même puisque la finale fut 100% russe ! À l’arrivé, c’est le jeune Tasoev (22 ans) qui l’emporte devant Bashaev, concluant une journée quasi parfaite où il remporta tous ses combats par ippon.
La France réussit elle aussi à marquer de son empreinte cette journée, en offrant une finale franco-française chez les filles de -78kg. Audrey Tcheuméo fit face à Fanny Estelle Posvite, avec un avantage de 3-0 en faveur de cette dernière avant ce combat ! Et pourtant, elle ne put rien faire face à la fougue de son opposante qui a imposé son rythme tout au long du combat pour aller chercher une victoire importante à quelques mois des JO.
Dans une catégorie des +78kg quelques peu dégarnie, la tricolore Anne Fatoumata M’Bairo ne parvient pas à saisir sa chance pour accrocher un podium. Pleine d’envie, elle se fit contrer dès son premier tour et vit sa compétition s’arrêter précocement pendant que l’or de la catégorie revenait à la turque Sayit au jeu des pénalités.
Ce Grand Slam de Budapest aura permis à certains champions de confirmer leur stature (A. Buchard, I. Tasoev, etc.) mais aussi à des outsiders de pointer le bout de leur judogi, comme Nicolas Chilard. Toujours est-il que les présents ont pu reprendre des repères bien utiles dans cette période où les sorties internationales vont surement se faire rares.
À quelques mois des Jeux, prévus pour se tenir coûte que coûte d’après le comité olympique, les judokas se retrouveront sur les mêmes tapis au mois de Juin pour les championnats du Monde. Compétition immanquable en temps normal, elle le sera d’autant plus cette année qu’elle permettra aux prétendants au titre olympique de marquer les points manquants à la qualification, et de se tester une dernière fois face à leurs rivaux.
Crédits Une : Sabau Gabriela