Cyclisme

Il y a quinze ans, mourait Marco Pantani

Il y a quinze ans, le monde du cyclisme perdait son dernier pirate. Un coureur aussi adoré que controversé. Marco Pantani est mort à Rimini, et on se demande encore ce qui lui a pris.

Marco Pantani, peut-être comme aucun autre cycliste de ces vingt dernières années, est l’objet d’un culte et d’un fantasme. Celui d’un coureur offensif, aux attaques à décrocher la mâchoire et les suceurs de roue, l’un des meilleurs de sa génération et, au-delà, l’un des derniers romantiques. L’ultime résurgence d’un cyclisme sans stéréotype, pris en étau entre les machines Indurain et Armstrong et par-delà les exigences d’un cyclisme aussi normé que néo-libéral.

Pourtant, la réalité est, comme souvent, bien plus cruelle. Marco Pantani, tout pirate qu’il a pu être, n’en demeure pas moins le produit d’un système, si ce n’est celui d’un double. Un produit au carré.

La nouvelle vague italienne

Fils d’ouvrier du Mezzogiorno adriatique, il est le produit du système politique, économique et social italien. Marco Pantani ne pouvait être que cycliste ou ouvrier – ce qui revient au-même, dans cette région ni pauvre ni riche. Repéré chez les amateurs au début des années 90, il intègre la Carrera en 1992 auréolée des victoires de Stephen Roche – et de son année 1987 exceptionnelle, et Claudio Chiappucci – leader d’une nouvelle vague du cyclisme italien.

En commençant à briller sur le Giro et sur le Tour de France, Marco Pantani installe sa position de leader au détriment de son glorieux aîné et compatriote, et se fait un nom. Quand il remporte les deux courses en 1998, il est le nouveau patron du cyclisme mondial, ou presque. Le Pirate s’est peut-être cru à l’abri des forces souterraines qui régissent le sport en Italie et qui n’ont pas grand-chose à faire des incertitudes de la victoire.

Ces messieurs, investisseurs zélés et à risque, ne misent que sur les grosses cotes et ne se trompent que très rarement. Quand, par exceptionnel, c’est le cas, ces hommes d’affaires d’un genre tout à fait convenable s’assurent que l’aléatoire ne leur joue pas de nouveau un coup de Trafalgar. Alors voilà, quand ces gaillards de l’institution la plus prospère d’Italie ont constaté, à leur grande stupeur, que le grandissime favori de l’épreuve 1999, Marco Pantani, était bien parti pour emporter un second Giro de rang, il leur a fallu agir dans le sens de leur intérêt le plus primaire. Et la solution qu’ils ont trouvée ? Truquer les résultats d’un contrôle anti-dopage du Jumbo, et donc provoquer son exclusion. Avec les bons contacts au sein de l’Organisation, et au prix d’une protection chèrement acquise, Marco Pantani aurait pu échapper à ce malentendu fâcheux. Il ne l’entendait manifestement pas de cette oreille, qu’il avait grande d’ailleurs.

La gentillette cortisone de Thévenet

Il ne faut pas s’y tromper, l’Elefantino n’était pas blanc-bleu pour autant. En sous-terrain, Carrera puis Mercatone Uno ne pouvaient pas échapper à la pratique d’un dopage qui va se professionnalisant. Foin des petites gélules et de la gentillette cortisone de Thévenet. On passe à du brutal, du radical, à l’EPO et autres testostérones à la dose exacte. On ne sale plus la soupe, on la transforme en ciment.

Comment dans ces conditions Marco Pantani aurait pu s’en astreindre ? Contrôlé positif en 1995, 2001 et reconnu positif a posteriori lors du Tour 1998, l’Italien n’était ni plus ni moins coupable que l’ensemble du peloton – ou presque, et des favoris de ces années-là. Comment, surtout, ne pas imaginer que toutes ces potions ont rendu l’homme accro, et que leur consommation a déculpabilisé l’usage d’autres drogues plus fortes, plus voraces et plus inutiles ?

Nous aussi, on se demande encore ce qui lui a pris, d’aller mourir à Rimini. Non pas qu’on aurait pour la ville d’Emilie-Romagne la même passion triste que Les Wampas, mais, quitte à casser sa pipe, Pantani aurait pu choisir une ville avec plus de relief.

Le vent, les bordures, les longues lignes droites, tout ça n’était pas pour lui. Marco c’était l’oxygène rare, les lacets et les attaques soudaines. Le Pirate a fini par des lignes, et une attaque soudaine. Droit au cœur. C'était il y a quinze ans. Rideau.

 

Crédit photo : Cycling Weekly

Fan de foot mais aussi de Serie A, je prends autant de plaisir à voir jouer Gilles Simon qu'à attendre une arrivée au sprint entre les Alpes et les Pyrénées. Talking Heads et Panetonne.

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