Revenu en 2019 en tant que directeur général du Pau FC, Joël Lopez se confie sur son dernier passage du côté du Béarn. La passion du football ainsi que du club palois ne semble jamais l'avoir quittée. Comment le club a réussi à convaincre Henri Saivet, le coup marketing du “Messi vietnamien” et son départ précipité cet été. Retrouvez cet entretien exclusif sur WeSport.

Véritable amoureux du Pau FC, Jöel Lopez, ancien joueur du club devenu directeur général de 2019 à 2023, a occupé quasiment tous les rôles au travers de ses nombreux passages dans le Béarn.

Bonjour Joël. Tout d'abord, racontez-nous votre retour au club en 2019.

Je suis toujours resté très attaché au Pau FC. C’est un peu comme ma région natale. Quand je reviens, le club est en National. Pau a toujours été dans les hautes sphères du football régional, mais n’avait jamais connu le monde professionnel. Le National était un championnat qui devenait assez exigeant. Pour se donner quelques ambitions, il fallait se structurer dans tous les domaines. Avec le président, on avait une idée fixe, c’était de professionnaliser le club. On ne parlait pas de Ligue 2 (rires). Il fallait effectuer un travail de fond, structurer le sportif, l'administratif, le médical, moderniser les infrastructures. Tout était à construire quelque part.

Ça a toujours été un club atypique, car il a toujours fonctionné avec un petit budget, constamment parmi les plus petits du championnat où il a évolué. Mais il fallait développer notre propre modèle dans une ville de Pau très sportive (rugby, basket). Le foot a toujours existé, mais avait du mal à franchir ce palier. Dans un premier temps, il fallait créer un bon climat interne dans une petite structure. J’ai à chaque fois été convaincu que ce sont les hommes qui font les projets.

“On était petit, mais ambitieux”

Comment s’est passée l'arrivée de Didier Tholot ?

Lors de notre montée, on avait une équipe sympa avec de la qualité. On est promu dans des circonstances particulières, car c’est l’année où le championnat ne va pas à son terme (arrêt dû au Covid). Mais on n’a pas volé la montée même s’il restait des matchs à jouer (rires).

Donc le club doit basculer en mode Ligue 2. Mais on était bien entouré dans tous les domaines avec des personnes qui partagent nos valeurs compétentes. Mais il a fallu s’adapter très rapidement.

On avait besoin de quelqu’un qui correspondait à nos valeurs et son arrivée a été déterminante. Car au-delà de ses qualités de technicien, on était sur la même longueur d’onde avec cette mentalité de travail nécessaire pour réussir. Il y avait du respect, de l’ambition car on était petit, mais ambitieux. Et je crois qu’on se ressemble aussi, c'est quelqu’un avec de l’humilité.

On a fait évoluer les infrastructures, l’objectif était de mettre les joueurs et les personnes qui travaillaient dans les meilleures conditions possibles dans la mesure des moyens (plus petit budget lors de la montée). Notre force, c'était la relation de confiance que l’on a développée. Car il est facile dans le foot de passer de bons moments ensemble. Mais la première saison, on se retrouve avec 14 points après 19 journées, la saison était très mal embarquée, mais le travail qu’il avait insufflé commençait à payer (cette saison, Pau aura passé 23 journées sur 38 dans la zone rouge). Les joueurs avaient pris confiance et on a terminé sur les chapeaux de roues. Pour moi, Didier Tholot aurait pu rester 10 ans. Il avait toutes les qualités pour continuer au club.

Votre départ et le sien ont été liés cet été ?

On avait une idée de l’évolution du club qui ne correspondait plus avec ce que souhaitait mettre en place le président. C’était quelqu’un qui était heureux de l’évolution du club de découvrir le monde professionnel. Il était également conscient de la valeur financière qui en découlait. Mais jusque-là, dans les opérations, il était un peu plus passif. Il a souhaité être un peu plus influent et nos relations se sont dégradées.

Didier a fait son choix, il ne sentait pas la suite et en ce qui me concerne, l’issue était inévitable. On ne voyait plus les choses de la même façon. Quelque part, je suis parti avec un goût d’inachevé, mais avec de la satisfaction. Mais il n’était pas concevable de repartir dans ces conditions. Dans un club, ce sont les hommes qui font le projet, il faut être sur la même longueur d’onde, ensemble. Ce qui n’était plus le cas.

On a réussi à optimiser avec nos moyens. On a réussi à laisser des gros clubs chaque année derrière nous. Quelque chose qui me tenait à cœur, qui était dans les cartons, c'était le centre de formation. On était dans notre 3ᵉ saison, il fallait mettre en place un encadrement sportif, faire évoluer les infrastructures pour vraiment avoir un centre de formation agréé. Ça me semblait absolument déterminant (demi-finale de Gambardella la saison 2022/2023). On a eu de la progression également au niveau de la post-formation, de la réserve. Benjamin Bertrand a fait du très bon travail aussi. C’est une bonne base.

“Sur le plan sportif, on a notre part de responsabilité sur la non-réussite.”

Au niveau du recrutement, Pau arrive à attirer Henri Saivet. Comment s'est déroulée son arrivée ?

C’est Didier qui l’a croisé, c’est un peu le hasard. Il était sans club, il n’avait pas joué depuis pas mal de temps. Il était sur Bordeaux, il a eu une première discussion avec Didier. Puis, il y a eu une volonté de se rencontrer et d’échanger. On s’est rapidement entendu sur un projet gagnant-gagnant. Le contexte et l’état d’esprit du club et du groupe semblaient lui convenir. Il était déterminé à retrouver les terrains. Et je trouve ça incroyable qu’il ait pu rester aussi longtemps sans club et que personne ne soit venu le chercher. C’est un joueur exceptionnel sur tous les plans, pour nous cela fait partie des réussites, des grosses satisfactions. Il apporte énormément sur le terrain, il est au-dessus de la Ligue 2. C’est un joueur rare dans ce championnat.

Et pour la venue du « Messi » Vietnamien, Quang Hai Nguyen. Y avait-il la volonté d’un coup marketing en plus du sportif ?

Ça aurait pu mieux fonctionner sur le plan sportif, car c’est un joueur qui a du talent. On l’a pris parce qu'on croyait en lui. C’est un petit gabarit, très technique avec un bon pied gauche. Mais certaines choses nous ont échappé. Pour expliquer, c’est un joueur qui pour la première fois était libre à 25 ans. Il était une méga-star dans son pays (Vietnam). Pour la première fois, il a eu l’occasion de le quitter. Car il avait toujours été bloqué. Il souhaitait venir en Europe, il n'avait pas accès à la France pour débuter. Il avait visité des clubs en Allemagne, en Italie, en Espagne et en Suisse. Et j’ai le lien avec une intermédiaire qui est mandatée sur la France. Et il a été convaincu que le club avec le contexte plus familial serait plus adapté pour lui dans un premier temps.

Comment peut-on expliquer son échec ?

Son arrivée a été un coup de boost incroyable notamment sur les réseaux sociaux. On a été un peu dépassés. On avait été prévenu de certaines choses, mais pas à ce point-là. Ils avaient détaché un journaliste vietnamien sur place sur toute la durée de son contrat. Ce qui fait qu’on a eu des retombées marketings et commerciales qui n’avaient pas été envisagées avant sa signature. Et on avait un actionnaire au club qui avait des liens avec l’Asie qui a géré ce dossier assez fou pour un club comme le nôtre. On a eu un partenaire maillot asiatique grâce à cela.

Sur le plan sportif, on a notre part de responsabilité sur la non-réussite. On aurait pu mieux l’accompagner. Il y avait la barrière de la langue, il ne parlait qu’anglais. Il se sentait un peu isolé et moralement, c'était difficile. Donc à un moment donné, pour lui aussi, on a préféré trouver un accord pour le libérer pour qu’il retrouve du plaisir. Il était vraiment en difficulté sur le plan moral.

“J’aurais aimé faire signer Gauthier Hein”

Le Pau FC commence à s'ériger comme une force dans le sud-ouest, longtemps dominé par les Girondins de Bordeaux. Quelles étaient les relations entre les deux clubs ?

En ce qui me concerne, il y a toujours eu un grand respect. Je considère que c’est une anomalie qu’il soit à cette place. Pour être transparent, je voyais Pau comme un club partenaire avec d’autres atouts, jamais comme un rival.

Votre meilleur souvenir à Pau sur cette période ?

Ce sont les rencontres. Pour moi la dimension humaine est très importante et je suis resté attaché à beaucoup de joueurs. C’étaient des garçons exceptionnels sur tous les plans. J’ai revu Antoine Bâtisse lorsque je suis allé voir Bordeaux contre QRM. C’est un garçon qui a connu beaucoup de choses au club.  Pour moi, l’important dans un club, c'est de fédérer, de créer du lien entre tous.

Un joueur que vous auriez aimé faire signer, mais finalement ça ne s’est pas fait ?

J’aurais aimé faire signer Gauthier Hein au moment où il a été prêté de Metz vers Valenciennes. C’est un super joueur. Après ce n’était plus pour nous. J’ai essayé de convaincre des clubs pros de nous prêter des joueurs de Toulouse, de Saint-Etienne ou encore de Bordeaux pour nous aider.

Est-ce que vous avez pour ambition de repartir sur un projet avec un nouveau club ?

Aujourd’hui, oui. J’ai eu besoin de souffler, mais mon intention est de repartir sur un projet. Pour moi, le foot reste une passion indéfectible. J’ai envie d’apporter ma contribution.