Battu (3-2) à Liverpool mardi, le PSG a affiché un visage fort peu réjouissant pour sa rentrée européenne. Au point que la presse anglaise a préféré imputer l'indigence parisienne au niveau général de la Ligue 1 plutôt qu'à un manque d'humilité ou de talent (ou les deux). Cette question est vieille comme le monde du football (si tant est que le monde du foot date de 2012, quoique certains spectateurs du Parc en soient toujours persuadés), est-elle sensée? Éléments de réponse.
Le PSG est-il désavantagé par le manque de concurrence en Ligue 1 ? On vous l’accorde le débat est vieux comme le monde. Ce fut même une des premières questions que les observateurs se sont posés au moment où QSI a dévoilé ses projets européens : une vision aussi ambitieuse, c’était alors du jamais vu en France, et certains se demandaient si Paris n’allait pas tout simplement finir par se heurter à un manque de challenge dans son championnat domestique.
Un débat récemment relancé par la presse anglaise après la performance indigne des joueurs de Thomas Tuchel mardi à Liverpool. Pour interpréter le manque de volonté et de fighting spirit nécessaire aux grandes affiches continentales, nos voisins ont parlé du niveau général du championnat français. Si Neymar n’est pas assez redescendu défendre, si M’Bappé a eu tendance à la jouer trop facile, ou si Paris a complètement perdu la bataille au milieu, ce ne serait pas (ou pas seulement) parce que les coéquipiers de Cavani ont tout simplement été mauvais. L’explication serait plus simple : la presse britannique a parlé d’une Ligue 1 trop facile, où règne une « absence de défi » et ou s’est installée une « complaisance naturelle ».
Dominer son pays et l'Europe ne sont pas antinomiques
C’est certain, difficile de rester au niveau quand il n’y a aucun challenge dans son championnat domestique. Et pourtant…
Pourtant, si on se penche, par exemple, sur nos voisins allemands, la théorie du champion facile en championnat et donc paresseux en C1 en prend un sacré coup. Le Bayern Münich a longtemps roulé sur la Bundesliga au point d’être parfois champion dès début avril voire fin mars. Ça ne les a jamais empêché de se comporter en grand d’Europe. Leur emprise n’est d’ailleurs plus vraiment la même maintenant, pour autant, leurs résultats en Ligue des champions ont-ils changé ? Non.
C’est pourtant un des arguments majeur du club et de ses supporters, le PSG serait un grand d’Europe, freiné par son championnat de pompes. En 2013, après une défaite surprise face à Reims, Leonardo avait lâché que le club était “davantage taillé pour jouer la Ligue des champions que la L1 “. Une façon déguisée de signifier que la France ne méritait pas le club de la capitale et ses pétro-dollards. (Un avis partagé par Zlatan himself : « this shit country don’t deserve PSG », avait vociferé le suédois dans les travées de Chaban Delmas après une défaite face aux Girondins.)
D'autres l'ont fait
Ne soyons pas naïfs, le PSG n’a aucune concurrence en France sur le long terme, les titres parlent d’eux-même. Seulement, plusieurs clubs sont tout à fait à-même d’aller embêter le PSG sur un match, voire sur une saison. L’OM de Bielsa puis l’OL ont bien failli priver Paris du titre en 2015, Monaco l’a carrément fait en 2017. Et la résistance s’organise, des projets ambitieux naissent, avec tous le même projet fou : contrecarrer les plans hégémoniques du PSG.
D’ailleurs, ce manque de concurrence, Lyon l’a expérimenté pendant presque dix ans entre 2000 et 2010, avec des moyens bien moins pharaoniques. Ce qui n’avait pas empêché le club de JMA de faire au moins aussi bien sur la scène européenne que la bande à Nasser, ils ont même rallié les demis de C1, en 2010.
Monaco a également réussi il y a deux saisons à passer le cap des quarts de finale de C1, chose impossible au PSG version Qataris.
Oui, c’était à chaque fois le coup d’une saison, mais une fois c’est déjà une fois de plus que Paris, avec, encore, des moyens bien moindres.
La Ligue 1 progresse
Et même si le Paris Saint-Germain domine, elle est loin l’époque où les clubs arrivaient le pantalon déjà baissé pour défier l’ogre de la Capitale. Chaque match est un combat (certes plus ou moins âpre) pour les Parisiens, qui ne font plus face à des équipes venues pour défendre, mais bien décidées à tout faire pour contrarier tactiquement des joueurs bien plus à l'aise techniquement. Une réalité, certes difficile à croire au vue des chiffres de défaites parisiennes chaque saison, pas vraiment en augmentation, mais bien présente quand on regarde les contenus. Surtout, l'effectif parisien s'enrichit et s'améliore d'année en année. Or, la domination, le nombre de défaites et de victoires sur la saison, le nombre de victoires par plus de cinq buts d'écarts… restent stables. A croire que nos amis anglais n’ont plus décroché de leur BPL depuis trois ou quatre ans, et imaginent donc que la Ligue 1 n’a pas bougé depuis tout ce temps. Notre championnat est en pleine mutation, et la volonté de faire le plus mal possible au PSG fait partie de ces changements voulus par tous (spectateurs, acteurs et journalistes).
Bref vous l’aurez compris, l’excuse du championnat trop facile ne tient pas debout. Certes, Paris doit moins transpirer pour battre Dijon que Liverpool, mais personne n’ira reprocher à la Liga d’être inadaptée au talent de Barcelone ou du Real. Or, il suffit de jeter un œil sur le tableau des scores en Espagne pour voir que battre la Juventus de Turin n’a rien à voir avec battre le Rayo Vallecano, et que les grands d’Espagne sont bien plus habitués aux grosses branlées que le PSG dans leurs championnats respectifs.
Aucun club européen n’est Gijon ou Valaldolid, non mais !
Néanmoins, c'est vrai, cette domination sans partage du PSG a un réel impact sur ses performances européennes, mais pas celui bien souvent avancé. Ce Paris-là souffre depuis longtemps d’un complexe de supériorité, que sa domination hexagonale ne fait qu’exacerber. Là est le souci : Paris se voit trop beau, et le miroir déformant de la L1 ne le contredit pas.
Après leur mésaventure liverpuldienne, les Parisiens retrouvent dimanche leur bonne vieille L1. Comme si, après s’être fait rosser par les caïds du lycée, Neymar et sa bande rentraient à la maison pour se venger sur le petit frère. Attention néanmoins, Rennes aussi est européen, Ben Harfa pourrait aussi avoir des envies de vengeances et Sabri Lamouchi n’a aucune envie que son équipe serve de victime expiatoire.