Dans une Accor Hotel Arena pleine (27 places sur 14 000 étaient invendues la veille), le public parisien était venu apprécier, entre autres, les combats du roi Teddy Riner dans sa quête de qualification olympique.

Mais dès l’ouverture de la journée, tous le monde a senti que le champion français n’était pas dans un grand jour. Et c’est bien à la fin d’un règne que l’on a assisté, long de 9 ans et 154 combats victorieux.

Séchons nos larmes, profitons des médailles françaises, et reprenons cette journée depuis le début.

-81 kg :

Enfin le renouveau de la catégorie ?

Dès son premier combat, Alpha Oumar Djalo pose les bases de ce que sera sa journée. Beaucoup de rythme et d’attaques, ce qui se révèlera payant au premier tour contre un adversaire qui accumulera les shidos (pénalités). Au second tour, il repart sur le même schéma et assaille l’Estonien Toniste qu’il finira par enrouler à 20 secondes de la fin.

Tristesse du tirage au sort, le combat suivant l’opposait au vice-champion du monde Matthias Casse, vainqueur aujourd’hui. D’un autre niveau, le Belge lui infligera un waza-ari avant de conclure par un autre mouvement valant ippon, terminant la compétition du Français.

Parcours intéressants aussi pour Quentin Joubert et Nicolas Chilard qui perdent tous deux au troisième tour mais en ayant montré beaucoup d’envie.

Le premier nommé aura subi son début de premier tour sans pour autant rompre, et place un contre dans le golden score suffisant pour s’assurer la victoire. Au second tour, contre le futur finaliste Ouzbek Bolaboev, il démontre encore plus d’envie en revenant à égalité à 15 secondes du terme du combat et s’embarque dans un long temps additionnel où il craquera après plus de 7 minutes.

Le second fait lui aussi un combat compliqué où chacun des combattants se rend coup pour coup. Allant lui aussi jusqu’à l’avantage décisif, il résiste à une clé de bras pourtant extrêmement bien engagée et pousse son adversaire à la faute pour gagner aux pénalités. A la confrontation suivante, surement émoussé physiquement, il concède un waza-ari et ne parviendra pas à recoller au tableau d’affichage.

Dernier engagé, Ibrahim Keita se fait surprendre dès la première initiative de son adversaire Géorgien et concède un waza-ari. Obligé de courir le score, il parvient tout de même à égaliser à mi combats, avant de se faire embarquer dans un mouvement de corps à corps à 30 secondes de la fin.

-70 kg :

Dans une catégorie où la France avait de belles prétentions, les attentes ne seront peut-être pas au rendez-vous.

Première à combattre, Clémence Eme est éliminée au premier tour par la Russe Taimazova. Menée d’un waza-ari dès la première minute, elle est obligée de prendre des risques et se fait contrer avant l’écoulement des 4 minutes.

Face à la Mmongole Tsend-Ayush, championne d’Asie 2015, Mélissa Heleine parvient à garder son waza-ari marqué au cours du combat jusqu’au terme de celui-ci pour avancer au tour suivant. Là, elle contrôle le tempo jusqu’à la mi combat, avant de projeter son adversaire et de l’immobiliser pour s’assurer la victoire. Au tour suivant, elle est malheureusement contrainte d’abandonner suite à la clé de bras infligée par la Suédoise Bernholm, 5ème des derniers Championnats du Monde et 3ème ce soir.

Chez les favorites de la catégorie, les choses n’ont pas été faciles non plus. Pour exemple, Margaux Pinot doit attendre la fin de son premier tour pour trouver l’ouverture sur un mouvement au ras du sol. Au second tour, elle se heurte à une adversaire qui ferme le combat, faisant monter les pénalités à 2 chacune, avant que la Française n’en prenne une troisième, un peu sévère, synonyme de disqualification.

Du côté de la championne du Monde en titre Marie-Eve Gahié, la route jusqu’à la demi-finale fut sans grande difficulté. Elle écarta ses adversaires tantôt en imposant sa vitesse et projetant, tantôt en contrôlant son avantage et maintenant la pression.

Mais en demi-finale, elle trouva en embuscade la japonaise Niizoe, normalement à sa portée. Incapable de s’imposer à la garde, elle concède un premier waza-ari bien que rarement mise en danger auparavant, avant de décoller sur un magnifique mouvement de jambe.

Changement flagrant en place de 3 où elle se montre très agressive tout de suite. Mais cela ne s’avèrera pas payant pour aller chercher le bronze, face à la même suédoise ayant défait Mélissa Heleine auparavant. Celle-ci finira même par lui infliger le même traitement qu’à sa compatriote en portant une clé sur le bras de la Française qui ne l’avait pas replié assez vite.

-90 kg :

Peu de réussite dans cette catégorie très compliquée à l’international, à l’exception de l’expérimenté Axel Clerget.

Loris Tassier sera le plus malheureux des quatre français en perdant dès son premier combat, face tout de même au Mongol Gantulga, habitué des gros tournois.

Un tout petit peu plus de réussite pour Maxime Aminot et Alexis Mathieu, qui battent chacun leur premier adversaire à force de détermination dans les attaques. Mais le deuxième tour se révèlera bien plus compliqué. En effet, Aminot rencontrera le champion du monde en titre hollandais Vant End qui finira par placer un étranglement, tandis que Mathieu courra après le score sans y parvenir dans son combat contre le coréen Lee.

Axel Clerget, un bronze doré

Il était parti d’ici l’année dernière sur une civière. Un souvenir très douloureux quand il en parle pour celui qui a dû passer par une grosse période de rééducation avant de remonter sur un tatami, et qui s’est reblessé au même endroit, l’abducteur, il y a quelques jours.

Incapable de faire du judo la semaine dernière, il aurait dû renoncer à s’aligner aujourd'hui mais l’ambiance de Bercy et la volonté de remplacer le mauvais souvenir par un bon étaient sans doute trop fortes.

C’est donc un athlète amoindri et bandé sur toute la cuisse qui est monté sur le tapis, dans l’objectif de faire au mieux et d’emmagasiner des informations sur ses adversaires en vue des Jeux.

Les premiers tours font ressortir la douleur, mais il se fixe l’objectif d’atteindre le quart de finale. Ce sera chose faite, en proposant un judo différent et en faisant « avec les armes que j’avais » dira-t-il en sortie de combat.

Plus de contres et de tactique, moins de travail au sol malgré son affection pour le domaine, le quart de finale contre le champion du monde 2018 Sherazadishvili se soldera par une défaite sur le gong suite à un mouvement très bien emmené de l’Espagnol.

En repêchage puis place de 3, le gros du travail se fait sur la prise de garde, si importante en judo. C’est donc en profitant d’un relâchement dans l’attaque du Turc champion d’Europe qu’il parvient à l’immobiliser. Rejoignant le combat pour le bronze, la victoire lui sera donnée face au champion du Monde en titre grâce aux shidos et sous les hourras du public conquis.

-78 kg :

Une catégorie pleine de promesse en début de journée, et qui aura su les tenir.

Une seule française finira la journée non classée, en la personne de la malheureuse Vanessa Dureau. Opposée à la Coréenne Yoon, 3ème du Grand-Prix d’Israël il y a quelques semaines, elle contrôle la majeure partie d’un combat tendu mais finit par se faire avoir par le uchi mata de son adversaire.

Les trois autres filles ont toutes régalées le public parisien, averti ou profane du judo, pour se retrouver en demi-finales.

Audrey Tcheuméo a ouvert le bal en mettant une grosse pression sur les mains comme à son habitude. Cet effort lui permet de marquer un waza-ari au bout de 30 secondes dans ce premier tour, qu’elle emmènera jusqu’à la fin du chronomètre. Le même schéma sera répété sur les deux tours suivants, réglé comme du papier à musique.

Ça coincera en revanche lors de la demi-finale l’opposant à sa copine Madeleine Malonga, la Française championne du Monde en titre. Plus petite, Tcheuméo subira l’allonge et le grand fauchage de sa compatriote en moins d’une minute.

Hélas, ça coincera aussi dans son combat pour le bronze, embarquée dans le mouvement de son adversaire cubaine pour une valeur qu’elle n’arrivera pas à rattraper.

Malonga donc, qui a réussi son entrée dans la compétition de la même manière en expédiant ses deux premiers combats avec le même mouvement, et en passant moins d’une minute sur le tatami.

Expéditive aussi en demi-finale, elle trouvera face à elle en finale la dernière Française de la catégorie, à savoir Fanny-Estelle Posvite.

Celle-ci sera montée en puissance tout au long de la journée, débutant avec des attaques quelque peu mal emmenées jusqu’à infliger deux clés de bras efficaces en quart et demi-finale.

Cette finale franco-française tournera en faveur de la championne du Monde, plus à l’initiative des attaques dans un combat néanmoins terne, qui se soldera par une victoire aux pénalités.

-100 kg :

Dans une catégorie où les espoirs étaient certes maigres mais présents, certains des Français alignés nourriront probablement des regrets quand d’autres rentreront plus satisfaits.

Dans la première case, on pourrait placer Alexandre Iddir qui se fait surprendre dès le premier tour par l’Azerbaidjanais Kotsoeiv, stoppant net sa progression du jour.

De son coté, Cédric Olivar n’aura pas à rougir de sa prestation face au Japonais champion du Monde 2015 Haga, qu’il est parvenu à canaliser pendant la première partie de combat avant de se faire emmener son spécial.

Même sentiment surement pour Cyrille Maret, qui sans être ravi de sa prestation doit se dire qu’il n’aurait pas put faire mieux.

En effet, mal rentré dans sa compétition, il prend un waza-ari dès la première séquence de son premier combat. Comme un électrochoc, il réagit dès la reprise du combat en projetant son adversaire avant de finaliser par une immobilisation. Au tour suivant, il est beaucoup plus incisif et tient au sol son adversaire dès les premiers instants du combat.

Sa compétition s’arrêtera malheureusement en 8ème de finale contre le hollandais Korrel, en bronze aux ‘’Mondes’’ 2019 mais aussi ce dimanche . Durant le combat, il concèdera un waza-ari pour sauver son épaule d’une luxation, valeur qu’il ne parviendra pas à remonter.

La bonne surprise vient de Clément Delvert qui, même s’il ne repart pas avec la médaille, aura fait bonne sensation. Dans son premier combat, il parvient à mettre la pression sur son adversaire qu’il envoie sur le dos dans un mouvement au corps à corps. Sa grosse performance se fera au tour suivant contre le Japonais Ida, vainqueur ici même en 2017 et vainqueur des Grand-Slam de Brasilia et Düsseldorf en 2019.

Appliqué, il parvient à contrer le Nippon dans une de ses attaques et à résister à ses tentatives de recoller au score sans rentrer dans une attitude trop défensive.

Mais l’effort à un prix, et au tour suivant il se relâche contre le Letton Borodavko qui le pique au sol, malgré l’avantage qu’il avait au tableau des scores.

+78 kg :

Une catégorie qui garde plein de suspense en vue des prochains Jeux-Olympiques.

D’un côté, l’expérimentée Anne Fatoumata Mbairo, titulaires des derniers mondiaux mais inefficace aujourd’hui. Incapable d’imposer son judo, elle accumule les shidos jusqu’à se faire embarquer au-dessus de la hanche de son adversaire portugaise, future 5ème.

De l’autre, Romane Dicko, judokate de 20 ans déjà championne d’Europe, qui revient d’une longue pause pour blessure.

Auteure d’un récital tout au long de la journée, il y a fort à parier qu’elle ait marqué de nombreux points aux yeux des sélectionneurs.

Au premier tour, elle se débarrasse de l’ukrainienne Tarasova, 5ème aux derniers Championnats d'Europe. Elle enchaine les victoires jusqu’en quart de finale, où elle embarque la médaillé mondiale 2018 Ceric dans un grand mouvement de hanche. En demie, elle joue crânement sa chance contre la championne brésilienne Souza, et se qualifie pour la finale au terme d’un mouvement qui aurait pu partir d’un côté comme de l’autre.

Opposée à la championne d’Europe 2019, elle ne lui laisse aucun espace et la fait plier par deux fois, avant de lancer son mouvement de hanche fétiche qui a tant a fonctionné aujourd'hui et qui lui permet de se parer d’or.

Entre ces deux filles, on retrouve deux autres françaises à fort potentiel dans cette catégorie.

Léa Fontaine tout d’abord, qui rentre bien dans sa compétition en plaçant un mouvement de jambe imparable après moins d’une minute de combat. Le tour suivant l’amène contre la même brésilienne Souza qui sera battue quelques minutes plus tard par Dicko, contre laquelle elle s’incline en restant bloquée dans une attaque.

Julia Tolofua ensuite, qui a déjà montré de belles choses par le passé mais perd aujourd'hui dès son entrée en lice contre la vice-championne d’Afrique 2019.

Romane Dicko, médaillée d'or à 20 ans

(c) Sabau Gabriela

+ 100 kg :

Tous les regards étaient tournés vers le décuple champion du Monde, pour sa première sortie de l’année.

Dans cette catégorie reine de ce dimanche, le monde du judo a donc pu deviner, dès le premier combat, que rien n’était joué en ce qui concernait la médaille. Incapable d’emballer le combat face au Hongrois pourtant à portée, il est même mis à mal par les mouvements d’épaules de ce dernier. Le salut arrivera au golden score par la voie des pénalités, sans que ce ne soit non plus une évidence.

Au second tour, la finalisation dans le dernier geste lui manque face à l’Autrichien Heydi, et il faudra là encore attendre le temps additionnel pour le voir s’imposer sur son mouvement de secours.

Enfin, il est immédiatement mis en danger contre le Japonais Kageura qui s’escrime à passer sous son centre de gravité. De son côté, le Français tente désespérément ses techniques de jambe, jusqu’au contre fatal et excellement réalisé du Nippon.

Les autres lourds français n’auront que peu connu la réussite également, chacun chutant dans les tours préliminaires. Sanal Emre, malgré sa victoire pleine de rythme lors de son premier combat, ne pourra rien face à la puissance et l’expérience du médaillé olympique brésilien Silva. Luka Lomidze se heurte à un adversaire bien plus grand que lui et qui a su en profiter pour l’envoyer au tapis, suivi quelques minutes plus tard par Joseph Terhec ayant lui aussi subi puissance de son adversaire et s’inclinant aux pénalités.

Teddy Riner, subissant le contre du Japonais Kageura

(c) Di Feliciantonio Emanuele

Difficile de retenir autre chose de ce weekend que la défaite de Teddy Riner. Néanmoins, le double champion olympique s’est dit soulagé de cette défaite, qui lui permet de se libérer de la pression d’être l’homme à battre. Le directeur des équipes de France Stéphane Traineau parle même d’un mal pour un bien, si cela permet d'aider le Français à aller chercher un troisième titre olympique cet été.

Pour cela, il devra encore aller chercher sa qualification et devrait donc s’aligner sur plusieurs Grand-Prix, à commencer par celui du Maroc début mars.

 Du côté des nouvelles plus heureuses du weekend, on retiendra évidemment les trois Marseillaise qui ont retenties, la médaille de bronze au mental d’un Axel Clerget amoindri, les autres médailles décrochées par les membres de l’équipe de France et l’ambiance survoltée dans l’arène parisienne.

 

Photo Une : Di Feliciantonio Emanuele