Malgré des qualités techniques et un talent indéniable, Ronny Rodelin, 28 ans, peut représenter un certain gâchis face au destin qui lui était promis. Comprendre l'incompris, zoom sur un Esthète du Stade Malherbe.

Entre Réunion et Aveyron

L'objectif n'est pas de raconter son histoire mais il est toujours important de voir d'où une personne vient. Pour comprendre Ronny Rodelin, il faut avant tout revenir à la Réunion, là où il est né, entraîné très tôt par son père jusqu'à son départ avec sa mère pour la métropole à l'âge de dix ans : Direction Rodez. Dans l'Aveyron, il continue à grandir et est très rapidement au-dessus du lot. Son talent le mènera très rapidement en National à l'âge de 20 ans où il sera remarqué par le FC Nantes. Se succéderont un prêt à Troyes, un départ au LOSC où il ne marquera que 8 buts en 106 matchs, un nouveau prêt en Belgique à Mouscron avant de poser ses valises dans le Calvados fin août 2015, synonyme d'explosion.

Entre Esthétisme et nonchalance

Ronny Rodelin est avant tout un superbe joueur de ballon, malgré son mètre 92 il garde une finesse technique et une vivacité rare pour un joueur de son gabarit, très agile, il peut garder une excellente fréquence d'appui balle au pied. De par sa taille, il marque beaucoup de la tête et dispose d'une grosse frappe des deux pieds. Il n'est pas rare de la voir tenter sa chance de loin et d'être très souvent dangereux à distance.

Néanmoins, le Réunionnais a souvent été critiqué pour sa nonchalance et son manque d'investissement. Pas un fou de l'entrainement, de la musculation, de la récupération, l'attaquant caennais a toujours fait le minimum syndical, suffisant pour être dans le groupe mais pas toujours assez pour être titulaire tous les week-ends.

SM Caen, transformation et explosion

Prêté à Caen fin août 2015, Ronny s'adapte et intègre immédiatement le onze de Patrice Garande. Cette première saison en Normandie sera la meilleure saison de sa carrière avec 10 buts et 2 passes décisives en championnat. La saison suivante il participera grandement au maintien acquis à la dernière journée grâce à son but marqué dans les arrêts de jeu sur la pelouse du PSG : 9 buts et 4 passes décisives en L1 pour la saison 2016/2017. Résultat, avant même le début de sa troisième saison à Caen, le Réunionnais a plus marqué durant ces deux saisons au Stade Malherbe que durant les 7 premières années de sa carrière.

Autre signe de cette évolution, l'investissement et l'adaptation de Rodelin qui amène cette transformation. Ronny travaille plus, fait plus attention à son corps et cela se voit, maintenant il résiste aux chocs, il est beaucoup plus régulier malgré quelques trous d'airs et bonifie le jeu de son équipe. En terme d'adaptation, Rodelin a joué ailier droit lors de sa saison première saison à Caen, ailier gauche durant la deuxième, et avant-centre en soutien de Santini depuis le début de la saison en cours. Un repositionnement qui permet au Croate d'être épaulé mais aussi d'assurer la transition entre les milieux et l'attaque. Un rôle hybride qui lui permet d'être entre les lignes, de pouvoir être régulièrement en excellente position de frappe à distance mais c'est surtout un rôle qui lui permet d'être libre. Un joueur aussi talentueux et créatif que le natif de la Réunion doit avoir l'espace nécessaire pour exprimer son talent.

Même s'il n'a marqué que 3 buts et réalisé seulement 3 passes décisives, le Stade Malherbe a pratiqué un très beau football et notre “Esthète” n'y est pas étranger.

A l'image d'un Javier Pastore, Ronny Rodelin est un joueur qui provoque des émotions chez le spectateur, chaque geste, chaque touche de balle peut amener quelque chose de différent, l'attente qu'il suscite est aussi grande que ses passages à vide. Comme El Flaco, ce sont ces joueurs là que nous venons voir jouer et même lorsqu'ils nous déçoivent, chaque action extraordinaire nous rappelle ô combien on les aime.

Corentin BRAZ