Une Coupe du Monde, dans n'importe quel sport, reste un moment à part dans sa mémoire. Des matchs à répétition, des oppositions qu'on n'a pas l'habitude de voir, et forcément des rencontres qui sont ancrées dans les têtes des supporters.
Le rugby n'y fait pas exception, même si la première compétition du genre n'est pas si vieille que cela : 33 ans exactement. 9 éditions depuis, et des moments inoubliables, conclus sur des victoires pleines de panache, ou au contraire des défaites les plus cruelles : chacun a évidemment sa propre vision et ses propres souvenirs.
Pour faire passer ce satané confinement un petit peu plus vite, la rédaction de We Sport a décidé de relater les 10 matchs historiques des Bleus en Coupe du Monde : plusieurs époques, des joueurs et équipes différentes, mais les émotions sont encore au rendez-vous…
Le contexte
L'apogée d'un groupe côté français, qui se présente dans cette Coupe du Monde 1991 organisée conjointement par 5 pays (!!) : des légendes comme Serge Blanco et Eric Champ qui doivent tirer leur révérence à l'issue de la compétition, des jeunes challengers avec du gaz…
On sent que ce XV de France a le potentiel pour bien figurer dans cette compétition, où tout est possible ou presque.
Avec un Tournoi des V Nations plutôt réussi (2ème place et une défaite 21-19 sur le terrain de l'Angleterre dans la dernière journée, marquée par le fameux “essai du siècle” de Philippe Saint-André), les Bleus, cornaqués par le duo Daniel Dubroca – Jean Trillo, forcent la crainte chez leurs adversaires et s'offrent 3 victoires en autant de matchs dans un poule il est vrai abordable (Canada, Roumanie, Fidji).
Et en 1/4 de finale, les Français tombent sur leurs ennemis intimes, l'Angleterre, qui, ils ne le savent pas encore, a un plan bien précis pour faire tomber leurs adversaires : se sentant peut-être un cran en-dessous, le XV de la Rose a décidé de faire disjoncter les Bleus, en s'attachant en prime à essayer de blesser leur meilleur joueur, Serge Blanco…
L'équipe face à l'Angleterre
Le déroulé du match
Cette rencontre est certainement restée dans les mémoires pour une seule chose : le nombre de mauvais gestes non-sanctionnés par un arbitre, Mr Bishop, curieusement permissif malgré les agressions de part et d'autre.
Preuve que le professionnalisme n'est pas encore au goût du jour dans l'Ovalie, les métiers des joueurs du XV de France sont affichés sur l'écran géant du stade : autant dire qu'il en va de même pour l'homme en noir, qui n'était évidemment pas au niveau de ceux qui officient dans le 21ème siècle sur les terrains !
Ce 1/4 de finale, les Français ont en plus la chance de le jouer à domicile, dans un Parc des Princes qui a pour habitude de pousser ses protégés dans une ambiance de folie : sous un grand soleil, les 30 joueurs se lancent donc dans un duel fratricide.
Et dès le départ, la tactique des Britanniques est simple : de grandes chandelles sur Blanco, et une pression souvent au-delà de la règle à la retombée.
Si l'arrière du XV de France ne faillit pas dans le jeu aérien, il est chahuté de nombreuses fois, ce qui fait d'autant plus monter la tension : sur l'une d'elles, alors qu'il fait pourtant un arrêt de volée, l'arrière est emporté par une vague blanche et se fait sévèrement marcher dessus par Jason Leonard, le pilier gauche anglais.
Mr Bishop, pourtant au cœur de l'action, ne daignera pas siffler quoi que ce soit contre les sujets de Sa Majesté pour ce geste violent.
Quelques instants plus tard, Heslop, l'ailier anglais, aura même le droit de connaître le goût d'une bonne tartine filée par un Français (suite à une nouvelle charge en retard sur Blanco), et restera même au sol pendant quelques secondes le temps de reprendre ses esprits.
Si le geste est jouissif pour tous les supporters français, mr l'arbitre décidera ici de pénaliser le XV de France, permettant à Webb d'ouvrir le score pour la perfide Albion (0-3, 6ème).
Si les Français ont du mal à réagir, ils resserrent les rangs en défense : hélas un peu trop au goût de Mr Bishop, qui pénalise Marc Cécillon sur une charge à l'épaule, face aux perches.
Webb, l'arrière adverse, se chargera de convertir la sentence avec un flegme tout britannique (0-6, 9ème).
C'est au 1/4 d'heure de jeu que Cabannes côté bleu sonne la révolte : le véloce troisième ligne s'enfonce dans la défense anglaise et permet, grâce à une libération rapide, que le jeu rebondisse.
La sanction tombe : le XV de la Rose est pénalisé sous ses poteaux, et Thierry Lacroix convertit alors cette première pénalité pour son équipe (3-6, 16ème).
Mais si les Anglais ont une tactique vicieuse au possible, il n'empêche que le talent est bien présent dans les lignes arrières : sur une attaque en première main, Guscott perce le premier rideau et navigue parfaitement pour fixer Blanco.
D'une passe à la limite de l'en-avant, il transmet à Underwood qui n'a plus qu'à aplatir pour permettre à son équipe de prendre le large (3-10, 19ème).
Dès lors, c'est comme si cet essai avait foudroyé le peu d'intentions de part et d'autre : pendant 20 bonnes minutes, le jeu se cantonne au milieu de terrain, et si les Bleus dominent, ils semblent à la fois trop timorés et nerveux pour réussir quoi que ce soit.
En témoigne d'ailleurs ce nouveau marron qu'envoie Philippe Sella au visage de Rob Andrew : fort heureusement, Mr Bishop voit uniquement la faute anglaise sur l'autre action (oui, oui, on jouait à ce moment-là !).
Juste avant la mi-temps, Thierry Lacroix rapproche son équipe à 4 petits points, permettant, on l'espère alors, aux Français de revenir en 2nde période avec plus d'ambitions dans le jeu (6-10, 40ème).
Les Français dominent… mais craquent en fin de match
D'autant plus qu'on ne voit pas une grande équipe d'Angleterre : plusieurs journalistes du Royaume avoueront d'ailleurs après la rencontre que c'est plus la France qui a perdu que le XV de la Rose qui a gagné, au vu de la nervosité des hommes de Dubroca sur la rencontre.
Pourtant, le XV de France revient à la charge dès le coup d'envoi de la 2nde période : s'étant adapté au jeu anglo-saxon, Lacroix monte une chandelle dans le camp anglais.
Surpris par l'agressivité des Bleus à la retombée, les Anglais perdent le cuir, qui arrive un peu miraculeusement dans les mains de Galthié.
Jouant sur sa vitesse, il déborde et prend l'intervalle entre Andrew et Heslop, pour servir au final la gazelle de son équipe, Jean-Baptiste Lafond, qui marque en coin dans un Parc des Princes en délire (10-10, 51ème) !
Mais alors qu'on pense que les Bleus sont sur une bonne dynamique, c'est le trou noir côté Français : le jeu se hache, la tension est à son comble, et chaque équipe a peur de voir l'arbitre siffler contre elle.
Évidemment, c'est la foire d'empoigne dans chaque regroupement, et les mauvais gestes s'enchaînent entre des joueurs qui se détestent cordialement…
Pire, ce sont carrément les Britanniques qui reprennent le match en main, et obtiennent 3 pénalités “tentables” consécutives : si Webb puis Andrew n'ont pas de réussite, le premier cité réussit néanmoins à passer la dernière tentative, donnant 3 points d'avance à quelques minutes de la fin de la rencontre (10-13).
Dès lors, les Bleus se lancent à l'abordage du camp anglais, mais sont trop imprécis pour espérer quoi que ce soit : en face, on se contente de défendre âprement et de renvoyer les Coqs dans leur camp par de longs coups de pied.
Si Cabannes puis Roumat se distinguent par des fautes bêtes alors que leur équipe est dans l'avancée, le coup de grâce arrivera sur la dernière action de la rencontre.
Suite à une mêlée gérée de main de maître par le XV de la Rose, Andrew monte une énième chandelle (on a arrêté de les compter), sous laquelle se trouve Jean-Baptiste Lafond.
Récupérant le ballon, il est pris sous la pression et se fait même arracher le cuir par Will Carling, le capitaine des Anglais, qui aplatit dans l'en-but des Bleus : transformé par Webb (10-19, 80ème), il donne la victoire à des Britanniques qui auront su appliquer à la lettre leur tactique, et faire tomber les Français dans une nervosité qui les aura totalement desservis…
L'atmosphère délétère sur le terrain poussera Mr Bishop et ses assistants à rejoindre en courant le vestiaire, suivis par un Daniel Dubroca en furie qui ira insulter et menacer l'homme en noir, comme pour rajouter un peu plus de drame dans cette rencontre déjà ô combien frustrante…