Championnats Etrangers

À la découverte du Santiago-Bernabéu

La première destination de cette aventure nous avait offert une ambiance très chaude en Andalousie. Málaga et son stade de la Rosaleda nous ont donné une idée de la place du football en Espagne. Pour confirmer cette hypothèse, nous mettons aujourd'hui le cap sur la capitale espagnole. Madrid, ville centrale du pays, véritable carrefour politique mais aussi sportif, nous accueille dans son antre.

Loin des plages et des 30 degrés andalous, je sors ce samedi de ma voiture avec un pull. Me voilà au cœur de la province madrilène pour une journée qui s'annonce expéditive. Le gros de mon emploi du temps est bien entendu l'affiche entre le Real et Villarreal à 21h. Mais comme j'aime bien être en avance pour visiter, je dispose donc de sept heures pour me perdre dans la ville. Sauf que contrairement à Málaga, il s'agit ici d'une ville de plus de trois millions d'habitants. Comme DD, il faut alors faire des choix. Et il y a un endroit où je veux  absolument aller : la Banque d'Espagne. Matrixé par la Casa de Papel, je me sens obligé d'y faire le détour. Or la visite est très rapide étant donné qu'on ne peut pas rentrer dedans.

Il n'est pas question de s'apitoyer sur mon sort. La capitale regorge de surprises à l'image de son parc du Retiro dans lequel se cache le Palais du Cristal. Petit lac, fontaine, verdure, tout est réuni pour respirer autre chose que des fumées de pots d'échappement. Le cadre y est reposant et les batteries se rechargent. Le temps file mais je m'autorise un dernier crochet sur la mythique Plaza Mayor.

La Plaza Mayor – Crédit : Théo Wargnier

À entendre les habitants de la ville, on parle ici de la place à ne surtout pas manquer : une photo + un ravito et me voilà en route pour le stade.

ENTRE FOOTBALL ET FRANQUISME

Se rendre dans un tel monument sans s'intéresser à toute l'histoire qui se cache derrière, c'est comme aller dans un grand restaurant et commander un steak frites. Le Real est une encyclopédie du football mondial. Avant de devenir le club aux treize Ligues des champions, il fut aussi le “club” du régime franquiste. Petite mise en contexte pour mieux comprendre : en 1936, Franco s'empare du pouvoir en Espagne et y reste jusqu'à sa mort en 1975. À l'aube des années 50, la Coupe d'Europe des clubs champions (ancêtre de la LDC) fait son apparition. Le Real Madrid y représente l'Espagne après le refus du Barça.

Les Merengue ont remporté les cinq premières éditions d'affilée. Le club est alors devenu, aux yeux de l'Europe, une vitrine du territoire espagnol. Franco n'en demandait pas plus. La forme du Real était un atout pour ses affaires et il ne s'est jamais caché d'apporter son soutien aux Madrilènes lui qui, au départ, soutenait l'Athletic Madrid avant que ces derniers baissent en régime. Un retournement de veste que l'on peut comprendre quand votre seul et unique objectif est d'exposer la puissance de votre pays. Si les historiens utilisent cependant le conditionnel sur l'intervention directe du dictateur dans la gestion du Real, affirmer qu'il s'en est servi pour accroître sa puissance en Europe est possible.

Mais il ne faut pas rabaisser le travail de Santiago Bernabéu. Certes franquiste, l'ancien président du Real (de 1943 jusqu'à sa mort en 1978) a effectué un gros travail pour faire passer un cap à son club. Sportivement parlant, celui qui a donné son nom au stade a beaucoup œuvré, en changeant la mentalité du club vers une stratégie d’expansion afin de conquérir l’Europe et le foot espagnol. On peut dire que c'est plutôt réussi.

UN STADE À LA HAUTEUR DE LEURS AMBITIONS

On en apprend des choses dans le métro. Voilà que la douce voix annonce la station Santiago Bernabéu. Il est l'heure de remettre le téléphone dans la poche et de sortir au grand air. À peine dehors, ce stade gigantesque encore en travaux se hisse devant vous. En effet, la rénovation actuelle se finira fin 2022, d'où la présence de toutes ces grues. Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas ce décor en chantier qui va me faire regretter mon voyage. On parle ici du lieu de résidence du plus grand club de football au monde. Une équipe aux 13 Ligues des champions et aux 34 championnats espagnols (record en Espagne).

Le chantier du stade côté tribune sud – Crédit : Théo Wargnier

Cette enceinte a été inaugurée en 1947 et a tout de suite été propriété du Real. Encore un exemple de la stratégie novatrice d'expansion qu'a mis en place Santiago Bernabéu. Ce dernier donnera son nom un peu plus tard à ce temple. À l'origine, il s'agissait du Nuevo Estadio Chamartin. C'est en 1955 qu'il reçoit l'appellation de Santiago-Bernabéu en hommage à leur président. À l'époque, il peut accueillir pas loin de 125 000 personnes, mais différentes normes de l'UEFA obligeront les dirigeants à revoir sa capacité. Ainsi, depuis 2006, 81 000 supporters peuvent venir encourager leurs idoles les jours de matchs, ce qui est largement au-dessus de la moyenne des autres stades européens.

Un tel monument accueille forcément de grands événements. En plus des épopées madrilènes, le Santiago-Bernabéu a été le théâtre de nombreuses finales internationales. Notamment en 1982, lorsque le Mondial espagnol s'est clôturé à Madrid. Mais aussi lors de quatre finales de LDC dont celle de 2010 remportée par l'Inter (1959, 1969, 1980 pour les autres).

REAL MADRID – VILLARREAL 

Maintenant que je suis au point sur l'histoire Merengue, je me sens désormais légitime à rentrer dans le stade. Après un craquage à la boutique, me voilà prêt à assister à une rencontre de haut niveau entre deux équipes qui jouent la LDC. Le Real est porté par un Karim Benzema en feu. Auteur de huit buts et sept passes décisives en six rencontres, KB9 a tout simplement battu un record au XXIe siècle. Pourtant ce soir la tâche ne s'annonce pas facile. Le sous-marin jaune, emmené par Capoue et Coquelin, n'a pris que trois buts en cinq rencontres avant la partie.

De mon côté, je suis comme un enfant dans un parc d'attraction. J'admire l'immensité du stade et observe à quelle vitesse celui-ci se remplit. En effet, la jauge de 60 % de remplissage est toujours d'actualité. Cela n'empêche pas les spectateurs de l'atteindre pour autant. Il est 20h55 et le “Hala Madrid y nada más” est scandé comme un seul homme pour accompagner l'entrée des joueurs. Des frissons m'attaquent le corps lorsque je vois tous ces gens s'esquinter la voix pour leur équipe. Mais la suite des événements va me faire redescendre. Concernant le match, les deux équipes se neutralisent bien. Il y a des occasions mais jamais les filets ne tremblent.

Les supporters quant à eux apparaissent comme éteints. Quelqu'un aurait-il coupé le son dans le stade ? Non, ils sont pourtant bien là dès qu'il faut parler de la mère de l'arbitre. Le temps passe et les buts ne viennent pas. Les chants sont timides et sont parfois interrompus pour siffler en signe d'agacement un ballon perdu. Fin du match 0-0.

42,50 € pour mon ticket premier prix, quatre heures de route aller, quatre au retour et je n'ai vu aucun but. Beaucoup pourraient croire que je suis déçu. J'aurais aimé voir le stade se lever pour célébrer un but, c'est clair. Mais je suis très heureux de m'être rendu dans ce lieu empesté de football et d'histoire. Cette deuxième étape de mon tour des stades s'achève donc sur une bonne note. Il ne me reste plus qu'à trouver ma prochaine destination.

Crédit photo : Théo Wargnier

Actuellement en Master à l'ESJ Lille, je m'avère être un adepte du groundhopping à la recherche de grosses ambiances qui ambitionne de parcourir le globe à travers ses stades de foot. Côté maillot, je fus biberonné au chardon nancéien et au coaching de Pablo Correa. J'ai aussi grandi avec le calme d'Arsène Wenger et les tacles de Laurent Koscielny sur Canal. Mais parce qu'il n'y a pas que le football dans la vie, je vibre tout autant à encourager Thibaut Pinot dans son virage, Julia Simon devant L'Equipe, mais aussi Arthur Fils sur Eurosport.

Dernières publications

En haut