Ce soir à 18H30, le Portugal s'arrêtera l'espace d'un moment de respirer. Les deux principales écuries du pays s'affronteront dans le plus grand duel du football lusitanien. Le sud contre le nord, le rouge contre le bleu, l'aigle contre le dragon. Retour sur les origines et l'histoire d'une rivalité sportive mythique entre Benfica et Porto.
A l'origine de la détestation

Les positions géographiques des deux cités concernées, à savoir Lisbonne et Porto, nous donne un premier indice sur les fondements de cette confrontation. Alors que Benfica représente globalement le sud du pays, Porto représente le nord. Et si l'on peut penser que la taille relativement restreinte de ce pays facilite l'unité nationale, il n'en est rien. Le Portugal a toujours été marqué par une profonde division entre les régions du nord et celles du sud, articulée autour d'une opposition entre ses deux principales cités. Alors que la nation portugaise se forma dans le nord, les maures occupèrent longtemps durant le sud du pays. De quoi séparer distinctement le territoire en deux.
C'est là qu'intervient la dimension historique. Dés l'accession au trône de D. Manuel 1 en 1469 et le développement de l'empire colonial portugais, on assiste à une centralisation de tous les pouvoirs à Lisbonne. La cité exerce une suprématie absolue sur toutes les autres municipalités. Une tendance que l'on retrouve plusieurs siècles plus tard, lors de la prise de pouvoir du dictateur Salazar en 1926. Le régime autoritaire, se rapprochant du fascisme, concentre à Lisbonne les pouvoirs économiques, politiques et culturels. Isolant ainsi complètement le reste du territoire. Un système qui fut clairement favorable aux clubs de football lisboètes et notamment au plus populaire d'entre eux : Benfica. Le régime, proche du club, utilisa fréquemment les victoires des Aigles pour gagner la confiance des foules et faire oublier à celles-ci la misère du pays.
Le comble ? La couleur du club, le rouge, est celle du communisme, antagonisme du fascisme. Face à cette hégémonie lisboète, une seule cité fit face : Porto. S'autoproclamant avec fierté barrière du nord et modèle de résistance au régime, le FCP se présenta volontiers en anti-salazariste. Cette division historique donne lieu à des surnoms dénigrants pour qualifier l'adversaire (comme “les maures” pour Benfica.) Le développement industriel et politique de la ville de Porto renforça l'animosité entre les deux cités. Aux rivalités géographiques, historiques et politiques que nous venons d'éluder, s'est alors ajoutée la rivalité footballistique.
Une dimension sportive
Le but de Kelvin à la 90+2ème minute face à Benfica en 2013, donnant quasiment le titre aux Dragons. Historique.
La première confrontation entre les deux ennemis advient le 28 avril 1912 à Porto, devant 900 spectateurs. 237 volcaniques rencontres suivront. Le record d'affluence sera battu le 4 janvier 1987 avec quelques 135 000 spectateurs à l'Estádio da Luz. De nombreuses tollés furent infligées des deux côtés. Benfica remporta la plus large d'entre elles en 1947, en fracassant le FCP 12-2 en championnat. Plus récemment, en 2010, Porto a atomisé les lisboètes 5-0, dans une légendaire rencontre. En 2011, les bleus et blancs remportèrent le championnat sur le terrain de l'Estádio da Luz. Un épisode inédit, rendu épique lorsque que le personnel du stade éteignit les lumières et enclencha l'arrosage automatique pour empêcher la fête portista d'avoir lieu. Rendant celle-ci d'autant plus singulière et unique.
En 2013 à l'Estádio do Dragão, Porto bat Benfica 2-1 grâce à un but de Kelvin à la 90+2ème minute. Cette victoire acquise lors de l'avant-dernière journée de championnat donne quasiment le titre aux Dragons. L'un des moments les plus glorieux de l'histoire moderne du club. L'année dernière, le FCP s'est vu quasi-assuré de remporter le championnat après une victoire 1-0 à Lisbonne Finalement, les raclées et autres victoires particulières obtenus des deux côtés, ont creusé et intensifié la rivalité Benfica-Porto. Jusqu'à atteindre le milieu des supporters, où des tensions sont continuellement palpables.
Un violent duel de supporters

L'impressionnant palmarès des deux formations accentue la rivalité qui les anime. Benfica est l'équipe la plus titrée nationalement, avec le plus grand nombre de championnat, coupe du Portugal et coupe de la ligue remportés. Porto s'illustre par son vertigineux palmarès international (7 trophées contre 3 côté Benfica.) Les deux institutions se partagent également les records les plus prestigieux. Benfica est le club possédant le plus de socios au monde et ayant été le plus de fois bi-champion et tri-champion national. Porto est la seule équipe à avoir remporté le championnat à cinq reprises consécutives, et est le recordman des victoires en Supercoupe. Le bilan des confrontations entre les deux formations est équilibré : 92 victoires pour Porto (343 buts marqués) et 86 succès pour Benfica (375 réalisations inscrites.)
En 2008, des membres du groupe d'ultras benfiquista No Name Boys (non officiel) ont été accusés d'avoir attaqués un bus des Super Dragões (ultras portistas) venus faire le déplacement pour un match de hockey-sur-patins. De nombreuses scènes de guérillas, provoquant des dégâts humains et matériels, ont été observables avant certains clássicos. Plusieurs chants du FC Porto se distinguent par leur extrême violence. Comme celui intitulé “j'aurais aimé que l'avion de Chapecoense (qui s'est écrasé en 2016) soit celui de Benfica.” Un climat de tension, parfois de haine, s'est installé. Et a gagné bien d'autres disciplines où de nombreux supporters se rassemblent lors des confrontations entre les deux clubs. Hockey-sur-patins, basket-ball, handball, équipes de football réserve ou jeunes, etc…
Conclusion
Vous l'aurez compris, pour n'importe quel amateur de football, il est absolument impensable de manquer le clássico Benfica-Porto. De surcroît lorsque que l'on connaît les enjeux sportifs, historiques, politiques et sociaux se cachant derrière cette rivalité. RMC Sport diffusera la rencontre de ce soir. Les deux formations, respectivement 2ème et 3ème au classement, sont au coude à coude. De quoi nous promettre 5400 secondes de jeu époustouflantes. Une question de fierté.