Ce Samedi 24 août, lors de la traditionnelle étape de Diamond League à Paris, le concours de triple saut a assuré le spectacle, avec des performances de très haut niveau. C’est finalement Will Claye qui l’emporte (18.06m) devant son compatriote américain Christian Taylor (17.92m), mais l’événement de la soirée à eu lieu quelques minutes après. 

Teddy Tamgho, champion du monde 2013 et recordman du monde en salle, prend la parole “j’arrête ma carrière sportive. C’est le moment de ranger les pointes et de passer à autre chose”. 

Enfant terrible de l’athlétisme français au parcours complexe, décrié mais adulé, Teddy Tamgho annonce sa retraite, coup de projecteur sur ce sportif d’exception.

Le parcours contrarié d'un champion 

Né à Sevran, c’est à l’âge de 13 ans que Teddy Tamgho commence l’athlétisme au Dynamic Aulnay Club, un talent inné pour les sauts, il s’essaie à la perche avant de se mettre au triple saut. En 2007, il rejoint le centre d'entraînement d’excellence de l’Insep, l’aventure commence. C’est en Pologne, lors des championnats du monde junior à Bydgoszcz que Teddy Tamgho connaît son premier podium international en étant sacré champion du monde junior avec un saut à 17.33m. En 2010, il s’adjuge le titre planétaire en salle à Doha et établit par la même occasion un nouveau record du monde, après une erreur de parcours l’année passée aux Mondiaux de Berlin où il ne termine que 11ème (16.79m). 

Puis, en 2011, lors des championnats d’Europe en salle à Paris, devant son public, contrarié par son début de concours (ce même concours où on lui doit son fameux “la vie d’ma mère c’est pas comme ça la vie”) il s’envole pour retomber au delà de son propre record du monde : 17m92 à deux reprises. Cette marque est, encore aujourd’hui, l’actuel record du monde en salle. 

Le début des galères commencent pour Tamgho, alors annoncé favori pour les Mondiaux de Daegu, il se blesse quelques semaines auparavant lors de l’échauffement pour les qualifications des Championnats d’Europe Espoirs d’Ostrava, fracture de la cheville droite. S’en suit une seconde opération pour une excroissance osseuse, qui le prive du rêve olympique et des JO de Londres 2012. Mais Teddy Tamgho repart au travail, reculer pour mieux sauter, avec en ligne de mire les Mondiaux de Moscou l’année suivante.

Moscou 2013 : le sacre

Après un an et demi loin des sautoirs, il réalise les minimas pour Moscou, au meeting de Besançon, avec un saut à 17.30m. Son aventure moscovite commence lors des épreuves de qualifications, c’est avec une marque à 17m41 qu’il domine le concours devant Christian Taylor, le nouveau leader du triple saut. Le 18 août 2013, Tamgho rentre en piste pour disputer la finale des championnats du monde, sa finale. Et c’est finalement avec un autre américain, Will Claye et le cubain Pichardo qu'il doit batailler. Il se contente d’un premier essai à 17.65m, avant de mordre à deux reprises des sauts au-delà de l’historique record du monde de la discipline (18.29m). il faut attendre le 6ème et dernier essai pour vivre la sensation de ces championnats du monde : un saut à 18.04m qui lui permet de décrocher le sacre mondial et d’entrer dans le cercle très fermé des sauteurs au delà des 18m. Ce titre mondial fait alors de lui le 5ème athlète français champion du monde, et inscrit son nom auprès des légendes tricolores (Marie-José Pérec, Stéphane Diagana, Eunice Barber et Ladji Doucouré). Moscou 2013 devait marquer le début de sa carrière internationale et promettait alors des médailles par dizaines. Moscou sera finalement l’apogée de sa carrière.

Le sort s'acharne

En effet,  Teddy va peiner à conserver sa place de leader de la discipline, et connaît une nouvelle blessure quelque mois plus tard (fracture du tibia gauche). Après la convalescence et la rééducation, il rechausse les pointes à Doha le 15 mai 2015. Il s'élance, avant de marquer un temps d’arrêt dans sa course, accompagné d’un cri de douleur, rupture du tendon d’Achille. Tamgho manquera les championnat du monde de Pékin. En février 2016, il tente un come back qu'il réussi puisqu’il décroche le titre national, 5 ans après. En quête des minimas olympiques pour Rio 2016, alors qu’il avait déjà manqué les JO de Londres, il participe au Championnat de France à Angers. 6ème et dernier essai, un bond à 17m15, synonyme de minimas pour les JO. Jusque là le scénario était plus que parfait. Mais, c’est sur ce même saut qu’il ne se relève pas, et sort sur civière sous l’ovation d’un stade assistant à ce nouveau coup du sort. Fracture du fémur, l'empêchant une nouvelle fois de réaliser son rêve olympique. Rêve qu’il ne réalisera donc jamais. 

Depuis Tamgho a tenté de nombreux retour sur le devant de la scène, mais les performances n’ont pas suivi, lui qui a fait tremblé le record du monde de Jonathan Edwards et qui fut le premier à clamer haut et fort qu’il pouvait passer la barre des 19m. Il décide donc de ranger les pointes. A l’heure de cette annonce, Teddy Tamgho, malgré son palmarès, nous laisse sur un goût d’inachevé avec un certain sentiment d’injustice, légitime de penser qu’il aurait très certainement mérité mieux sans toutes ses blessures. Tamgho a “voulu toucher les limites de l’humain” mais là, être humain ne suffisait pas, il fallait être surhumain. 

Et maintenant

A 30 ans, Teddy Tamgho a mûrement prit sa décision “c’est le moment d’officialiser, de passer de l’autre côté. Je pars le coeur léger” et ne retient que le positif “il ne me reste que les enseignements, les réussites, les victoires. J’ai grandi en tant qu’homme.”

Passer de l’autre côté et devenir coach, c’est sa nouvelle mission. Il rebondit désormais en transmettant ses savoirs, pour qu'un jour, les élèves dépassent le maître Tamgho. Depuis quelques temps maintenant, il est à l’origine de la TeamT, une structure d'entraînement qui compte déjà plusieurs jeunes talents : Rouguy Diallo, Melvin Raffin, Ilionis Guillaume … et également plusieurs succès : le titre mondial junior pour Diallo en 2014, la médaille d’argent de Guillaume aux championnats d’europe junior de 2017, le record du monde junior en salle pour Raffin..). Il passe donc le relais aux générations futures qui devront être à la hauteur, et porter la TeamT jusqu'au sommet de l'Olympe.

Une seule certitude, nous n’avons pas fini d’entendre parler de Teddy Tamgho, pour notre plus grand bonheur. 

Alors M. Tamgho, un immense merci !