Une carrière sportive de premier rang implique moult contingences. Et si, à elle doivent se greffer de hautes études universitaires : le mérite se mue en véritable exploit. A ce titre, Hugues Fabrice Zango peut être considéré comme un cas à part, un sphinx. Panorama.
Une routine qui détonne
Pour le triple sauteur burkinabè, porte-drapeau du pays des hommes intègres aux JO de Tokyo, les journées du lundi au vendredi ne ressemblent en rien à celles de ses compères. En première partie de journée, loin des pistes, des chambres d’hôtel, des salles de sport; le natif de Koudougou arpente plutôt les allées du laboratoire Systèmes Electroniques et Environnement de l’Université d’Artois. Ce n’est qu’en soirée et surtout le week-end en l’occurrence à l’Institut National du Sport, de l’Expertise et la Performance (INSEP) que l’athlète tâte la flamme de la discipline et se forge le parcours de conquérant qu’il s’évertue à fignoler depuis quelques années maintenant.
Hyper performant parce que d’abord cérébral
C’est connu ! Hugues Fabrice Zango fait ses classes sous la houlette de l’ancien champion du monde de la discipline Teddy Tamgho. Et celui-ci n’hésite pas chaque fois qu’il en a l’occasion à l’adouber et à tresser des lauriers mérités à un boulimique du travail physique et un esthète de l’ingénierie électrique.
« Le fait d’avoir suivi des études lui permet d’intellectualiser l’entraînement, d’avoir une compréhension plus fine et une vision plus précise de son art. C’est un boulimique de travail, toujours à 200 %, et un scientifique. Il faut savoir parler sa langue », détaille le vainqueur des mondiaux de 2013 en triple saut. Catarina Lopes, la psychologue du champion corroborera ces dires quand elle qualifiera le poulain de Tamgho d’athlète «en quête perpétuelle de perfection». «Il a une facilité d’acquisition et il essaie de comprendre les exercices que l’on met en place. Il n’est pas un simple exécutant». Va-t-elle ajouter.
C’est dire que l’on a affaire à un sauteur très cérébral, qui casse les codes et dont les prouesses sportives sont quelque part une émanation logique de l’intellect qui gît en lui. Celui qui en parle le mieux et couche dans l’esprit de ceux qui l’admirent pour sa dextérité et sa clairvoyance, c’est lui-même.
«J’aime la recherche, je suis assez curieux. J’ai une soif de connaissance et je ne pouvais pas lâcher les études. Les études sans le sport, ça ne va pas, il y aurait une partie de moi qui manquerait. L’un me permet d’échapper au stress de l’autre, j’ai trouvé un certain équilibre».
Et pourtant, l’athlète a mis du temps à naître
Jusqu’à ses 18 ans, le fleuron désormais de toute une génération, le porte-étendard de toute l’Afrique que représente aujourd’hui dans l’imaginaire collectif Hugues Fabrice Zango végétait encore dans l’anonymat. Arrivé en France en 2015 avec un visa étudiant, le jeune majeur d’antan rêvait déjà très grand lui qui voulait à l’époque «amener le triple saut sur une autre planète» alors qu’il venait à peine de « s’ouvrir la porte du haut niveau». Toutefois, il n’hésite pas à rappeler chaque fois qu’il évoque son parcours qu’il est venu à l’athlétisme ‘’par hasard’’. Trois ans après des débuts de néophyte très encourageants, il intègre en 2018 la structure de l’ancienne figure de proue du triple saut français Teddy Tamgho c’est et là que tout s’enchaîne…
Des records qui se succèdent avec clinquant, des performances qui marquent les esprits et un sauteur qui se rapproche toujours un peu plus du pinacle.
L’homme des records
Le tout premier intervient le 27 janvier 2018 à Val-de -Reuil où le burkinabè établit un nouveau record d’Afrique en salle du triple saut avec une performance de 17,23m. Un an jour pour jour plus tard, le même record est amélioré de 35 centimètres. A ce chapitre toujours, le 28 juillet 2019, lors des championnats de France, Zango bat à son premier essai le record d’Afrique du triple saut avec 17, 50 m. Comme si cette prouesse-là était une motivation de tous les instants, il la descend encore une fois le 2 février 2020 en devenant le 4e meilleur performeur mondial de tous les temps pour un saut mesuré à 17,77m. Et pourtant, tout ceci n’était qu’un préambule. Le meilleur, l’indicible se produira le 16 janvier 2021 lors d’un meeting à Aubière. Hugues Fabrice Zango effacera des tablettes devant un public totalement acquis à sa cause les chiffres de son mentor. Les 17, 92 m de ce dernier seront pulvérisés. 18,07m rien que ça ! Personne auparavant n’avait atteint pareil seuil.
Après la médaille de bronze glanée aux mondiaux et aux JO, il est aujourd’hui légitime pour Zango de convoiter l’or dans ces deux compétitions majeures pour davantage étoffer un palmarès à qui il manque effectivement le graal. Ainsi il pourra continuer à marquer un peu plus de son empreinte le triple saut dans le monde dans les semaines, les mois et même les années à venir. Hugues Fabrice Zango n'est pas un athlète comme les autres, et c'est ce qui rend sa carrière unique en son genre.