Alors que le FC Sion peut toujours rêver d’un doublé Challenge League – Coupe de Suisse cette saison, Didier Tholot a accordé un entretien à We Sport pour revenir sur le projet du club valaisan, son départ incompris du Pau FC, la saison chaotique des Girondins de Bordeaux mais aussi livrer une analyse lucide sur l’évolution de son métier d’entraîneur. Interview. 

Revenu pour la quatrième fois au chevet du FC Sion, Didier Tholot savoure le très probable dernier challenge de sa carrière d'entraîneur. Passionnant quand il s’agit d’évoquer sa passion, l’entraîneur s’est confié à We Sport sur sa palpitante carrière. Toujours fort en gueule, le Forézien a évoqué, entre autres, ses aspirations pour le club valaisan, ses vérités sur son départ du Pau FC, ou encore son désaccord avec la communication – pour le moins détonante – de son homologue aux Girondins de Bordeaux, Albert Riera. 

« Après Pau, j’étais prêt à prendre du recul et puis le président Constantin m’a appelé »

We Sport : Bonjour Didier, pourquoi êtes-vous retourné au FC Sion ? 

Didier Tholot : Il me restait une année de contrat à Pau (Ligue 2), mais j’avais fait le tour. Je pense aussi qu’il y a un moment, il faut savoir s’arrêter. J’étais prêt à prendre du recul, et puis le président Constantin m’a appelé. Il y a eu une descente, une remise à plat du club, donc j’ai décidé que c'était le bon moment pour revenir ici où finalement, j’avais plutôt réussi à bien performer. 

Il n'y a pas une forme d’usure qui s'installe en reprenant pour la quatrième fois cette équipe ?

Je cherchais un dernier challenge, je pense que je ne vais peut-être pas continuer à entraîner pendant très longtemps. Après, ce n'est pas du tout le même effectif, il y a eu une très grosse refonte de l’effectif. C’est totalement différent de ce que j’ai connu précédemment ici. 

Le dernier challenge de votre carrière ? 

On verra. Aujourd’hui, je suis plus dans l’optique de profiter de ma famille après. Vous savez, je ne cours plus après la réussite. 

Sur le plan sportif, peut-on parler d’une saison idyllique pour le FC Sion ?

Au départ, elle n’était pas évidente parce que quand un club descend, il faut du temps pour digérer. On est très bien parti, on a fait un très gros ménage aussi. Il y a une très bonne mentalité dans ce groupe. Aujourd’hui, tous les signaux sont au vert puisque on a deux points d’avance en championnat ; on a eu également le bonheur d’avoir sorti les Young Boys de Berne en quarts de finale de Coupe de Suisse et donc on est toujours en lice pour remporter la compétition. Maintenant, le bilan, on le fera à la fin de la saison. On est très bien parti, mais nous n'avons encore rien fait.

C’est une équipe qui a pris trop de buts l’an passé, comment avez-vous fait pour remédier à cela ? 

On ne peux pas jouer au football en encaissant autant de buts (82). L’objectif, c’était de faire passer un message au groupe. Tu ne défends pas à 4, 6 joueurs, mais tu défends en équipe. C’est quand même plus facile de travailler sur ça que sur les mouvements offensifs, où c’est plus complexe à mettre en place. Et cela semble payer puisqu'on est l’une des meilleures défenses du pays (18 buts encaissés, 4e toutes divisions professionnelles confondues).

La Challenge League (D2 suisse), ça équivaut à notre Ligue 2 ? 

Je le pense, on a aujourd’hui 3, 4 équipes qui pourraient jouer le haut du tableau de la Ligue 2 française. 

Didier Tholot sur son départ du Pau FC : « Il y a eu une divergence d’opinion par rapport à la politique sportive mise en place, qui n'était pas celle que j’espérais »

Si l'on revient sur votre aventure au Pau FC, trois maintiens en Ligue 2 avec l’un des plus petits budgets du championnat, c’est très beau, non ?

Oui, c’est très beau au regard du budget et des infrastructures. Au-delà des résultats sportifs, il y a la satisfaction d’avoir aidé ce club à construire quelque chose. Je pense au centre d’entraînement, on a quand même fait en sorte d’avoir des moyens pour travailler qui sont beaucoup mieux. Je trouve que le bilan de mon passage est très correct. 

Quelles ont été les raisons qui ont amené à son départ ?

Il y a eu une divergence d’opinion par rapport à la politique sportive mis en place, qui n'était pas celle que j’espérais. Je pense que dans tout métier, on a besoin d’être heureux. À partir du moment où je sens que les choses ne vont pas forcément tourner, il était plus simple de se quitter et de surtout ne pas faire l’année de trop. 

Une divergence, vous parlez d’une politique sportive plus axée sur le trading ?

Oui après, il y a eu aussi des reproches qui m’ont été faits en disant qu’il fallait faire jouer beaucoup plus de jeunes. La formation des jeunes aujourd’hui, c’est sur le long terme et ça ne se fait pas en deux-trois ans. Je m'aperçois aujourd’hui qu’il y a pas plus de jeunes qui jouent au Pau FC, mais voilà, c’est comme ça. C’était une très belle expérience mais maintenant j’ai tourné la page. 

Il y a eu aussi le départ de Joël Lopez, un de vos proches ? 

Après, ma décision de partir n’a rien à voir avec le départ de Joël même si je regrette son départ, car c’est quelqu’un de très compétent. Quand je prends la décision de partir, je n'ai, quoiqu'on n'en dise, aucun contact avec Sion qui était alors en train de jouer les barrages. S’il s’était sauvé, l’entraîneur précédent serait resté en place. C’était une décision mûrement réfléchie de m’arrêter. À mon âge, je sais ce que je veux et ce que je ne veux plus.

Vous suivez toujours l’actualité du Pau FC ? 

Bien sûr ! Il y a pas mal de joueurs ou de membres du staff qui sont encore en place. Mais comme je suis Bordeaux et Saint-Etienne. Ça fait partie des histoires de ma carrière. 

Votre meilleur souvenir dans le Béarn ?  

Ce sont paradoxalement les six premiers mois de la première partie de saison où c’était très très compliqué. Tout le monde nous voyait descendre et d’avoir réussi à obtenir le maintien en Ligue 2, c’est vraiment mon meilleur souvenir. 

Et le pire ?

Je dirais l’incompréhension par rapport à mon arrêt. Que l’on dise que je ne suis pas forcément un mec honnête et que j’avais tout planifié, ça m’a beaucoup emmerdé. Je n'ai pas l’habitude de faire des cachotteries quand je prends des décisions.

« Je pense que les joueurs de Bordeaux n’ont toujours pas digéré la non-montée de la saison dernière »

Vous avez parlé de Bordeaux comme de votre club de cœur, quel regard portez-vous sur leur saison ? 

Elle est compliquée parce que l’année passée, ils ne sont pas passés loin de faire la remontée immédiate. Je pense que cet échec est encore dans les têtes. Il y a eu un nouvel entraîneur. Le temps que les choses se remettent en route, on perd des points. Et ce temps-là, dans une Ligue 2 aussi serrée, ce n'est pas évident. 

Et Albert Riera ? 

Je n’aime pas trop sa communication. Je pense qu’on fait tous le même métier et qu’à un moment donné, ça se respecte. On n’a pas le même point de vue manifestement. On a déjà assez de monde qui nous flingue et on n'a pas besoin de se tirer dans les pattes entre nous. 

Sa communication dessert les Girondins de Bordeaux ? 

Je ne suis pas là pour donner des leçons. Je crois que j’ai prouvé que si je prenais un club de Ligue 2, j’étais capable de le faire monter puisqu’on m’a toujours dit que j’étais un entraîneur catalogué pour le maintien. Je ne juge pas, mais je n'aime pas. Le top 5 ? Je pense qu’ils peuvent le faire mais avant de s’occuper des autres, il faut d’abord regarder chez soi. 

C’est un regret de ne pas avoir entraîné Bordeaux ? 

Ç'a été un regret un moment, ça l’est plus aujourd’hui. De toute façon, il n’y a jamais eu de contact ou de porte ouverte pour que je vienne entraîner Bordeaux. 

Votre regard sur cette saison de Ligue 2 ?

Elle est très particulière avec les barrages d'accession et les quatre descentes, cela laisse vraiment peu de places au ventre mou. Je pense que c’est l’une des raisons qui expliquent que la différence de points est aussi minime. Sincèrement, je pense que ça va vraiment se dénouer lors de la dernière journée. 

Vous avez des favoris pour la montée ?

Je trouve qu'à Caen, il y a quelque chose d’intéressant qui se met en place depuis l’arrivée de Nicolas Seube. Auxerre, c’est aussi intéressant même si ça marque un peu le pas ces dernières semaines. Saint-Étienne, c’est aussi très solide avec un public qui répond présent. Il y a aussi Angers. Je pense que ces trois-quatre clubs ne devraient pas être loin de la montée. 

« Mon plus gros défaut dans ce métier, c’est de ne pas avoir été carriériste »

C’est plus difficile d’entraîner aujourd’hui ? 

C’est surtout que le métier devient de plus en plus précaire. (Il soupire) Quand je vois Grenoble qui enchaîne cinq défaites, on vire l’entraîneur. Idem pour les Young Boys de Berne où malgré leur place de leader, l’entraîneur a été écarté après quatre défaites. J’ai vraiment le sentiment aujourd’hui qu’une simple série de quatre défaites peut te coûter ta place alors que le bilan, tu dois le tirer à la fin de la saison. 

Vous parlez beaucoup de valeurs, ce sont ces principes qui vous ont guidé dans votre carrière ?

Je pense que mon plus gros défaut dans ce métier, c’est de ne pas avoir été carriériste. J’ai fait des choix humains, d’hommes. Quand j’ai été adjoint de Claude Makélélé à Bastia, j’aurais pu prendre sa succession, je ne l’ai pas fait par respect. Mais sincèrement, je n’ai pas de regrets : mes choix, je les ai faits avec le cœur donc ça me va très bien. (Il hésite) Peut-être à Sion où j’aurais aimé avoir un peu plus de temps à un moment donné pour en faire un Young Boys de Berne. Je pense aussi au fait ne pas avoir entraîné mes clubs de cœur (Bordeaux, Saint-Étienne) qui correspondent pourtant à mes valeurs. 

Enfin, c’est quoi l’image que vous aimeriez que l’on retienne de vous ? 

L’image d’un mec qui ne lâchait jamais rien mais qui ne se prenait pas pour un autre.