A la veille du deuxième match de l'équipe de France de rugby contre les Uruguayens, Roger Bourgarel a accepté de répondre à nos questions. Ancien international Français entre 1969 et 1973, cet ancien ailier avait été le symbole de l'équipe de France lors de sa tournée en Afrique du Sud en 1971, en plein apartheid. Sa présence, un temps contestée, avait été imposée par le président de la fédération Française de l'époque, Albert Ferrasse. Aujourd'hui Maire de la commune de Prunet, en Haute Garonne, Roger Bourgarel nous livre sa vision sur cette coupe du monde sur le sol Français, sur le niveau de nos bleus et sur l'arbitrage parfois contestable.
“Si l'équipe de France a des résultats, l'ambiance va devenir complètement folle ! “
Comment se sent un ancien international quand une coupe du monde de son sport favori débute sur le sol français ?
Très très crispé ! Il y a toujours la tension, on n'oublie jamais qu'on a été à leur place. C'est bien plus dur en tant que spectateur qu'en tant que joueur, car là je ne peux rien faire pour aider ! Même à mon âge c'est relativement difficile à gérer. C'est d'ailleurs pour ça que je ne me déplace pas au stade, car au moins quand je suis devant ma télévision, je peux m'en aller si ça ne va pas !
Comment ressentez vous l'ambiance générale en France ?
C'est incroyable ! Extraordinaire ! Si en plus l'équipe de France à des résultats l'ambiance va devenir complètement folle ! On est très partisans les français de manière générale, mais là c'est sur notre sol, on est favoris. Tout est fait pour qu'il y ait un engouement extraordinaire.
D'ailleurs, comment expliquez-vous la cote de popularité qu'à le rugby aux yeux du grand public, en tant que sport mais aussi d'un point de vue des valeurs que ce sport défend ?
Ca existe depuis toujours, mais ça a été exacerbé par le fait que l'événement ait lieu en France. Ce sport défend les valeurs de respect et de camaraderie qui sont des valeurs refuges en ces temps difficiles. Ce qui donne au Rugby une cote de popularité énorme.
Comment avez-vous vécu ce premier match contre les all black ?
Une première mi-temps difficile, mais au fur et à mesure que l'on avançait, nous avons été de mieux en mieux. En première période, le contexte a joué son rôle. Un premier match de coupe du monde, chez soi, contre les blacks, c'est très difficile. Arriver à la mi-temps en ayant un point d'avance c'était chanceux. Quand on (les joueurs) se rend compte qu'avec une première période difficile on est devant au score, on se rend compte de la marge que l'on peut avoir derrière.

” Matthieu Jalibert doit encore monter le curseur et montrer qu'il peut être aussi fort que Romain Ntamack !”
Quel est, selon vous, le secteur de jeu qui reste le plus perfectible ?
L'attaque ! En ayant perdu les automatismes acquis entre Antoine Dupont et Romain Ntamack, du fait de sa blessure, le jeu offensif en a pâtit un peu. Entre un Dupont très surveillé et un Jalibert (remplaçant poste pour poste de Romain Ntamack) qui ne voulait pas faire de bêtises, le jeu en a été diminué forcément. Il faut qu'il monte le curseur et qu'il montre qu'il peut être aussi fort que Romain.
Comment jugez vous la prestation de Damian Penaud qui occupe votre poste de prédilection de l'époque ?
Damian, c'est toujours pareil, il est capable de choses extraordinaires et de temps en temps de faire quelques fautes de présence. C'est dans son tempérament. Le jeu penchant principalement à gauche, car c'est plus facile pour des droitiers pour faire les passes. Ce qui fait qu'il a moins eu l'occasion de s'exprimer.
Les italiens ont proposé un très bon match, certes face à des Namibiens un ton en dessous, mais ne faut-il pas les craindre un peu plus que prévu ?
Attention, il ne faut pas les prendre à la rigolade ! Ce sont des adversaires dignes de confiance. Ils proposent du jeu du jeu du jeu ! Rien ne sera facile contre eux. Contre les Uruguayens, ce jeudi, cela devrait être plus facile, mais il faudra faire très attention aux italiens.
Grand dilemme pour tous les passionnés, faut-il préférer jouer l'Irlande ou l'Afrique du Sud en 1/4 de finale ?
Ca sera aussi difficile l'un que l'autre et de toutes façons il faudra battre tout le monde pour être champions. On a vu une équipe d'Irlande surprenante avec un jeu très offensif, contre un adversaire certes plus faible, mais tout de même. L'Afrique du Sud a un jeu plus physique, il faudra être près aux impacts.
Cela fait maintenant une cinquantaine d'année que vous avez porté ce maillot de l'équipe de France, comment percevez-vous l'évolution du Rugby depuis votre passage au très haut niveau ?
Pour moi, la grande différence a été le passage au monde professionnel. Nous on voyait le sport d'une façon différente, avec de l'engouement et de la camaraderie. On va dire que j'ai l'esprit d'un vieux, mais je ne pense pas que les joueurs actuels aient un esprit famille identique à nous. De notre côté on se retrouve toujours une fois par an avec les anciens du Stade Toulousain, je ne suis pas sûr que les joueurs actuels en face de même.
“Il y a encore un très gros manque d'équité dans l'arbitrage !”
Qu'avez-vous pensé de l'arbitrage du match Pays de Galle / Fidji ?
J'ai été très déçu ! On averti cinquante fois les Gallois sans sanction et la première faute que font les fidjiens, c'est dehors ! C'est catastrophique, c'est pas possible ! Moi j'étais triste pour eux car ils ne méritaient pas de perdre. Ce que l'on a vu ne peut que démontrer qu'il y a encore un très gros manque d'équité dans l'arbitrage. C'était un arbitrage britannique.
Est ce que vous voyez nos bleus champion de monde cette année ?
Je l'espère ! Il faut voir au fur et à mesure des matchs, mais au niveau du potentiel, il n'y a pas de problème mais il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Mais si l'on met en place le jeu correspondant à notre potentiel, on mérite alors d'être champions du monde.
Votre favori pour ce mondial ?
Eh bien les français quand même !! (rires) C'est une question à ne pas poser ! Mais il y a un élément qui sera important à prendre en compte malgré tout. Vu les contacts et les chocs qu'il y a à chaque match, il faudra compter avec les blessés pour juger des forces de chaque équipe au fur et à mesure des semaines.
Qui est le meilleur joueur du monde actuellement ?
Question inutile ! (rires)
Antoine Dupont sans aucun doute ! Il ne lui manque rien ! En défense, quand vous voyez qu'il va retourner les piliers adverses, vu son gabarit c'est incroyable. Sur ses coups de pieds, ça monte très haut et il va chercher la réception. il a tout pour lui, et c'est une chance énorme de l'avoir avec nous. Cette génération est très forte et il la porte à bout de bras !
Pour terminer, quel conseil pourriez-vous donner à l'équipe de France pour cette coupe du monde ?
Qu'ils jouent, qu'ils jouent, qu'ils jouent ! Je suis convaincu que la victoire passera par le jeu et ils sont capables de passer par le jeu.