Comment pouvait-il en être autrement ? Revenu sur la terre de ses premiers exploits, Johannes Boe a survolé le sprint homme, hier au Grand Bornand. Impeccable derrière la carabine, il a tout explosé sur son passage, retrogradant son premier adversaire et ami dans la vie Sturla Laegried à plus de 17 secondes. Benedikt Doll a également fait le plein mais a lâché pratiquement 40 secondes sur les skis. Il y a clairement un monde d'écart cette saison entre Boe et les autres. 

Il avait remporté les deux premiers sprints de la saison, à Kontiolathi et Hochfilzen. Comme le veut l'adage, jamais deux sans trois pour Johannes Boe. Plus que par superstition, c'est grâce à sa forme incroyable que le Norvégien a fait la différence, hier. Un récital, un de plus. Au vu de son début de saison, seule une impensable crise de confiance pourrait le faire tomber de son piédestal. Que ce soit sur les skis ou sur le pas de tir, il ne laisse que des miettes aux autres.

La poursuite.. Une formalité? 

Cela devrait une nouvelle fois être le cas demain, lors de la poursuite homme. En effet, si Laegried et Doll ont tenté tant bien que mal de s'accrocher, le reste de la meute paraît déjà bien loin. Chez les favoris, Ponsiluoma a confirmé qu'il était l'un des seuls à “rivaliser” avec Johannes sur les temps de glisse, mais sa faute au tir lui a coûté cher. Il s'élancera avec pratiquement une minute de retard. Son compatriote, Samuelsson, auteur de trois fautes, a sans doute tirer un trait sur la cérémonie des fleurs, avant même de s'élancer. Lui aussi, pourtant, fait partie du gratin sur la piste. Mais son inconsistance au tir lui coûte cher.

Chez les Français, à noter les belles courses de Fabien Claude et Quentin Fillon Maillet, une faute chacun, qui s'élanceront 7ème et 8ème à respectivement 1min02 et 1min10 du leader de la Coupe du Monde. Déjà loin, très loin… Au Grand Bornand, l'anneau de pénalité s'exécute en une quinzaine de secondes, on vous laisse imaginer combien de fautes devrait faire Boe (en espérant que nos frenchies fassent le plein), pour qu'il y ait match. Et cela vaut pour l'ensemble des biathlètes. Seul Laegried semble en mesure, demain, de contester la victoire finale au cadet des frères Boe. Pour le reste, il faudrait la course d'une vie ou presque, en espérant voir le vainqueur du gros globe 2019,2020 et 2021 passer à coté sur le pas de tir.

Le glouton 

Malheureusement, depuis le début de saison, l'histoire se répète. Johannes a remporté les trois sprints qu'il a disputé, et plus globalement, il n'a laissé échappé la victoire qu'une seule fois : lors du premier individuel, première course de la saison, en Finlande. Passé à coté de son tir (quatre fautes), il n'avait terminé que 12ème. Depuis, il n'y a plus de suspens. Personne ne fait le poids. 5 victoires en 6 courses individuelles, en y ajoutant deux succès collectifs lors des relais, et le voilà parti sur des standards historiques. Avec déjà 79 points d'avance au classement général sur son dauphin Laegried, il plane. Pire, Emilien Jacquelin, troisième compte 200 points de retard ! Comment espérer quoi que ce soit dans ces conditions? Johannes est trop fort. Même Fillon Maillet, tenant du titre, 7ème du général à 275 points, paraît défaitiste.

Avec sa 60ème victoire en carrière, Boe paraît facile. De plus, il est en terrain connu : c'est ici, en France, en 2013 qu'il avait lancé sa carrière avec fracas. Depuis ? 7 victoires en 11 courses, et l'impression d'être à la maison. Et il y a fort à parier qu'il remette ça, dès demain..

Les Français veulent faire bonne figure

Et nos Bleus dans tout ça ? Si, comme dit précédemment, Fillon Maillet et Fabien Claude ont limité les dégâts, Emilien Jacquelin, premier tricolore au classement général, a flanché sur le debout, alors qu'il était bien parti : « Je suis forcément déçu quand je vois mon résultat et mon tir debout. Sur le tir couché, il y a eu un peu trop d’engagement sur cette balle ratée. C’est une erreur qui arrive quand on ose et quand on met les choses en place. Parfois, on prend des risques et il faut l’accepter. Par contre sur le tir debout, quand je m’installe, je sens qu’il y a un peu de tremblements, pas grand-chose, mais suffisamment pour mettre un grain de sable dans la machine. J’arrive à rester calme sur les deux premières balles et concentré sur mon travail. Alors que les deux balles suivantes, je rentre dans de la crispation au lieu de rester naturel.

Le fait de courir en France de vouloir bien faire, j’en ai oublié de rester calme, ce qui coûte très cher. Je m’en veux parce que je suis capable de faire bien mieux. Pour finir sur le positif, sur les skis, je sais que j’ai tout pour jouer devant, j’ai un très bon temps de ski malgré les trois tours de pénalité. Il faut remettre des choses en place et retrouver de la simplicité. Je vais partir loin pour la poursuite, ce sera l’occasion de retrouver du naturel dans mon tir. Et sur la piste, je vais continuer ce que je sais faire pour grappiller le plus de place possible et ne pas trop perdre de points au classement général. » Il semblait dépité, au micro de la chaîne l'Equipe, juste après sa course.

Pour le tenant du titre, les sensations reviennent petit à petit. En difficulté sur les skis lors des deux premières étapes de la Coupe du Monde, QFM retrouve des couleurs, au meilleur moment, puisqu'à domicile : « Il y a du positif. C’est sûr que le résultat ne me convient pas tout à fait, parce que j’espère mieux, notamment avec les résultats que j’ai eus l’an dernier. J’espère mieux qu’un top 10. C’est frustrant mais je prends plaisir, je suis satisfait de mon approche au tir, malgré la faute, je suis content de mon ski, qui n’est pas excellent. Je ne suis pas déçu de ma performance, je fais avec les armes du jour. » A confirmer demain, pour espérer rentrer dans la cérémonie des fleurs.

Pour Fabien Claude, après un début de saison en dents de scie, cette 7ème place fait du bien au moral, même s'il en attendait plus, ici au Grand Bornand :  « Sur les skis, je me sentais bien. Je fais une belle course, j’ai eu un peu de mal à finir, dans le 2, j’en ai mis beaucoup. Ce que tu mets à un moment, tu le gagnes, mais tu le perds à la fin… Je suis content de ma course, avec un petit regret sur la 4e debout parce que je sais que c’est souvent cette balle, la dernière ou celle d’avant, où j’accélère un peu. C’est dommage. Je fais 7e, je ne coche pas mon objectif de carrière qui est de faire un podium au Grand-Bornand, mais j’ai une belle poursuite devant moi, je vais tout faire pour aller la chercher. »

Derrière les deux Norvégiens, il y aura un coup à faire demain pour espérer monter sur la boîte. Portés par le public, les Français nourrissent naturellement de grandes ambitions, et le week-end qui arrive (poursuite, mass start) promet d'être palpitant.

Si les Bleus espèrent évidemment faire bonne figure devant leurs fans, un homme attire toute la lumière : Johannes Boe. Une nouvelle fois intouchable sur le sprint, le Norvégien semble parti pour faire un carnage, ce week-end encore. Quelqu'un pourra-t-il le détrôner? Un Français réussira t-il a monter sur le podium, à domicile? Réponse dès demain 12h10 pour une poursuite qui, on l'espère, tiendra toutes ses promesses. 

Crédit photo : le Dauphiné Libéré