Quand on évoque le nom de Karl Malone, les chiffres qui en découlent donnent le tournis et presque des frissons. On parle-là du 2e meilleur marqueur et du meilleur marqueur des lancers-francs de toute l’histoire de la ligue. Cela situe sur le talent et toute la dimension du joueur à qui on pourrait attribuer les yeux fermés pléthore de titres NBA mais que nenni. Malone n’a jamais remporté la NBA malgré trois finales disputées et deux titres de MVP sous le maillot de l’Utah.
L’histoire d’une quête perpétuellement vaine,
Toutes disciplines sportives confondues, il y a bien des champions, des génies absolus qui ont tout gagné dans leur vie sauf un titre, celui qui fait tache d’huile, l’obsession de toute une vie, le graal tant convoité mais jamais dompté. Telle est également l’histoire de Karl Malone, star éternelle de la NBA, l’un des joueurs qui individuellement ont donné à la NBA ses statistiques les plus folles et les dantesques. Et à y voir de près, il y a bien des raisons de déduire que le sort a été cruel vis-à-vis de l’ancien joueur des Jazz. Né le 24 juillet 1963, Karl Malone aura en effet passé toute son existence de joueur de la ligue à courir derrière un titre qu’il n’a jamais obtenu. Sa fille Cheryl Ford, elle, s’est imposée dès sa première tentative en WNBA avec le Detroit Shock, en 2004…
Décidément le sort, cette même saison, celle des dernières heures et lueurs du père, on n’imagine pas le titre NBA échapper aux « 4 Fantastiques » de Los Angeles. Avec un quatuor Payton-Bryant-Malone-O’Neal, les Lakers doivent nécessairement faire main basse sur le trophée. Ils ont d’ailleurs tout à disposition pour y arriver mais c’est sans compter sur les Pistons de Détroit qui vont donner une leçon de collectif, de générosité et d’abnégation à toute la Planète basket alors même qu’ils partaient avec la défaveur des pronostics. Déjà battu deux fois en Finales durant sa longue épopée à Utah, Karl Malone ne gagnera donc jamais une bague de champion. Une injustice volubile pour l’un des meilleurs 4 de l’histoire, considéré comme l’un des tous meilleurs ailiers forts que la NBA n’a jamais connus.
Une image de bad boy qui lui a souvent joué des tours,
Nous sommes en 1985 et Karl Malone est élu 13e choix de Draft par le Jazz. On était à une époque où l’intéressé ne joue pas encore les gros bras. Il arrive tout juste de Louisiana Tech avec des stats très correctes mais rien de bien clinquant : 18.7 points et 9.3 rebonds après trois années de collège. John Stockton, drafté un an plus tôt par Utah apprend vite à connaître le jeune homme. Avec ces deux-là, Jerry Sloan tient les parfaits exécutants du pick and roll. « Stockton to Malone » constituera le tube indémodable, le duo insubmersible, le tandem à l’incommensurable osmose du Jazz pendant 13 ans. Le génial passeur qu’est Stockton gave Malone de caviars qui ne se fait pas prier pour les transformer et les empiler comme de petits pains. « The Mailman » (le facteur) le pseudonyme qui va le suivre comme son ombre durant toute sa carrière n’a plus qu’à poster les missives. Elles arrivent convenablement à bonne destination sans coup férir. Les puristes diront que la formule n’était pas singulièrement sublimissime mais s’avérait diaboliquement efficace. Et c’est d’ailleurs elle, cette combinaison de feu qui enverra deux fois Utah en Finales NBA contre les Bulls. Mais malheureusement pour elle, la paire Stockton-Malone croise la route du meilleur basketteur de tous les temps. La désillusion était donc inéluctable. M.J. privera le fameux tandem et surtout Malone du précieux sésame.
Membre de la fameuse « Dream Team » de 1992 à Barcelone, Malone peut toutefois se consoler avec un titre olympique aujourd’hui légendaire (il fut aussi de l’aventure 1996 à Atlanta). Toutefois, vu qu’on ouvre les portes de l’histoire, à la vérité, ils ne sont pas bien nombreux à vouloir parler du bon vieux temps avec lui, car cette authentique grande gueule ne s’est pas fait que des amis sur le circuit… La faute à une image pas toujours digeste qu’il aura colportée aussi bien sur le parquet qu’en dehors tout au long de sa carrière et de chaudes empoignades physiques dont il aura été souvent l’instigateur et qui lui ont valu bien des ennemis. Bâti comme un déménageur, le natif de Summerfield (Louisiane) s’est montré capable des pires exactions tout le long de son cursus NBA. Sa spécialité : le dirty play qui fait mal, très mal, avec le genou ou le coude en avant. Avec notamment la tunique du Jazz, Malone a collectionné les paniers comme les mauvais coups, et Isiah Thomas en sera quitte pour 47 points de suture ! Rien qui permette de soigner la cote de popularité d’une franchise particulièrement mal-aimée outre-Atlantique.
Michael Jordan et les Bulls, la tache noire d’une page lumineuse,
Au faîte de sa gloire, en 1997, King Karl cumule déjà 25 000 points et 10 000 rebonds. Rien que ça. Le Jazz lui se pointe en play-offs avec un record monumental de 64 victoires pour seulement 18 défaites. Il fallait le faire. La suite logique, c’était le sacre tant attendu un peu des vases-communicants. A titre individuel, ce premier titre de MVP de Malone n’est même pas contesté par Michael Jordan qui lui donne rendez-vous en Finales NBA. Dans une série fermée à double tour, KM qui a pris l’habitude de se rendre à la salle en bécane, se révèle le meilleur atout offensif du Jazz (23.8 pts) mais un Jordan pourtant malade vient calmer tout le monde à Salt Lake City lors du Game 5 (victoire des Bulls 90-88). La série sera bouclée par un 4-2.
Le remake a lieu un an plus tard avec les mêmes protagonistes. Malone n’a rien perdu de sa superbe. Sa dureté en défense et de son agressivité en attaque font toujours florès. Mais une fois de plus, Jordan et les Bulls imposent leur implacable domination. Le shoot de « MJ » sur la tête de Bryon Russell (façon de parler puisque celui-ci, pris à contrepied, est à terre) dans le Game 6 à Salt Lake City est photographié par les mémoires de l’histoire et passe à la postérité. Victoire 87-86 de Chicago. À Jordan la gloire éternelle, à Malone la traversée du désert. Il devra patienter six ans avant de retourner en Finales et de se reprendre à rêver concrètement du titre mais là encore, le sort lui opposera une fin de non-recevoir.
Le fidèle complice de John Stockton s’adjuge un nouveau titre de MVP de la Ligue au terme de la saison 1998-99 hachée par le lock-out suite aux revendications des joueurs qui réclament une amélioration globale des salaires. Malone est « tombé » à 23.8 points et 9.4 rebonds dans un championnat écourté (50 matches) mais il s’est montré le plus régulier dans une franchise qui n’a perdu que 13 rencontres. Le Jazz connaît un gros flop en demi-finales de Conférence contre Portland (2-4). C’est le début de la fin pour Utah qui disparaît des places fortes de la Conférence Ouest. Le double champion olympique passera encore quatre ans à Salt Lake City. Suffisant pour inscrire son nom dans le livre des records du Jazz. Points, rebonds, matches débutés, minutes jouées, lancers francs tentés et réussis : voilà autant de catégories frappées de son sceau éternel et qui l’érigent comme mythe indéboulonnable de la franchise.
Le Hall Of Fame,
Fin de saison 2003, John Stockton se retire avec comme corolaire Malone qui se questionne sur son avenir à Utah parce qu’ayant perdu son alter ego, son binôme de toujours, son complément, son autre lui. L’enthousiasme et la verve toujours dévolus à Utah s’effritent. Shaquille O’Neal saisit la balle au bond et lui fait un appel de pied pour venir à Los Angeles. L’intérêt le ravit et il cède aux sirènes. Impossible de dire non à une équipe sacrée trois fois de suite championne au début de la décennie. L’échec qui suit n’en est que plus cuisant. Blessé, Malone ne finira même pas la Finale contre Detroit. Remplacé par le très obscur Stanislas Medvedenko, « the Mailman » quitte la scène la mine assombrie après un troisième désastre. « Je me considérerai toujours comme un Jazzman », explique l’ailier fort bodybuildé qui avait plus d’ennemis que d’amis en NBA.
Aujourd’hui, on entend peu parler de Malone, et il a récemment refusé d’apparaître dans « The Last Dance». C’est toujours à Salt Lake City qu’on le retrouve de nos jours pour s’occuper des jeunes intérieurs du Jazz. Un rôle à mi-temps qui lui permet de continuer de chasser le gibier et de se balader sur un gros cube.
Tout juste est-il sorti de son camion de « facteur » pour recevoir la célèbre veste du Hall Of Fame. Ce jour-là, en larmes, il a ému toute la planète basket.
2e meilleur scoreur de toute l’histoire de la NBA derrière Kareem Abdul-Jabbar et devant Lebron James avec 36.928 points et meilleur marqueur de tous les temps des lancers-francs avec 9.787 réalisations, Karl Malone est un sphinx que le bataillon ne révère certainement pas autant qu’il le mérite…