Football

Lyon en fait-il trop avec Juninho ?

Ce mardi 28 mai 2019, l’Olympique Lyonnais a présenté son nouvel entraîneur, Sylvinho et surtout son nouveau directeur sportif, Juninho. L’arrivée des brésiliens suscite énormément d’engouement chez les supporters lyonnais. Mais est-ce de l’enflammade ou juste de l’optimisme ?

Entraineur du groupe professionnel de l’Olympique Lyonnais depuis décembre 2015, Bruno Génésio a annoncé qu’il allait quitter le club à la fin de l’exercice 2018/2019. En ce sens, les dirigeants ont décidé de frapper un grand coup en nommant Juninho en tant que directeur sportif et Sylvinho sur le banc des Gones. La nomination de Juninho a des allures d’opération (re)séduction. A en lire les réactions sur les réseaux sociaux, l’objectif reconquête est largement atteint.

Vu de l’intérieur, cette nomination peut être une très belle opportunité et surtout un joli rachat dans les cœurs des supporters. Mais de l’extérieur, l’excès d’optimisme peut faire chavirer les supporters des clubs rivaux vers une moquerie justifiée ou non. Nous sommes en juin, la réponse sur les terrains ne se fera que dans quelques mois ce qui laisse le temps au doute de prendre place dans les gradins lyonnais.

Passer du pâté au caviar

« Sah quel plaisir ! ». C’est ce que doivent se dire les supporters lyonnais en ce moment. En terme d’image, de communication et psychologiquement, cette nomination met du baume au cœur chez les Gones. Ils attendaient une grande nomination, ils l’ont eu. Après des mois, voire des années, de grogne, ils sont (enfin) entendus.

Les relations avec Bruno Génésio étaient plutôt tendues. Cela déteignait également sur l’entente entre le public et le grand patron de l’Olympique Lyonnais, Jean-Michel Aulas. En une nomination, le président lyonnais a balayé d’une main ferme les réticences lyonnaises. Le public passe donc d’un entraîneur froid, parfois même peu empathique à une doublette qui leur dit ce qu’ils ont toujours voulu entendre.

Interrogé par Le Progrès, Bruno Génésio a déjà adoubé ses remplaçants. « Juninho est quelqu’un qui va énormément apporter à Lyon car il est très intelligent et connaît bien le club. (…) J’ai vu Juninho et Sylvinho lundi matin. Sylvinho, que je ne connaissais pas, m’a fait bonne très impression. (…) J’ai fait la transition avec eux, je leur ai donné quelques informations. Je ne voulais pas m’immiscer plus que ça. Le club a pris une orientation différente, je pense que ça va fonctionner. (…) J’ai fait ce que j’avais à faire, j’ai laissé le club dans un état plus que correct pour que Juni et le staff fassent du très bon travail. (…) Ils ont aussi l’avantage d’avoir, à ma différence, une légitimité supérieure avec Juni qui fait qu’ils auront du temps. Le club est entre de bonnes mains. »

Le retour du Roi Lion

Juninho, c’est 344 matchs avec le maillot lyonnais. Juninho c’est 100 buts marqués avec Lyon dont 44 sur coup-franc. Juninho c’est surtout sept titres de champion de France. Le nom de Juninho est le symbole d’un Olympique Lyonnais qui marchait sur le football français et qui tentait de s’imposer en Europe avec de belles campagnes en Ligue des Champions. Juninho, c’est la nostalgie du paradis perdu.

Le retour de la Légende lyonnaise est d’une symbolique forte dans le cœur des supporters lyonnais. C’est comme si Pauleta revenait au PSG, Didier Drogba à l’OM ou encore Dagui Bakari au LOSC. Jusqu’à preuve du contraire, ces derniers n’ont pas les bagages techniques pour occuper le poste de directeur sportif mais sont une excellente vitrine pour le club.

C’est tout un symbole. Tout simplement. Jean-Michel Aulas avait besoin de regagner la confiance de son public. En plaçant le « Roi Lion » à cette place, JMA paraphrase un certain Général de Gaulle et son « Je vous ai compris » prononcé à Alger en 1958.

A Lyon, Juninho est une Légende. Mais en France, en Europe et dans le Monde, Juninho ne peut pas jouir d’une telle réputation. Il est certes, un très bon joueur qui a marqué de très jolis buts et des réalisations décisives. Mais il ne peut pas prétendre au titre de « légende mondiale ». Sa meilleure performance au concours du Ballon d’Or est une douzième place en 2005. Cependant, il n’est pas non plus un sombre inconnu.

Manque d’expérience

Comment juger un directeur sportif et son coach sans voir de match ? Pour le moment, Juninho et Sylvinho doivent travailler pour bâtir une équipe performante pour la saison 2019/2020. C’est bien évidemment trop tôt pour s’enflammer. Mais c’est également trop tôt pour les critiquer.

C’est le premier poste en dehors des terrains pour Juninho. Dans sa nouvelle carrière, il ne pourra pas compter sur un coup franc lumineux lobbant Victor Valdes pour briller. Il devra prendre les bonnes décisions et surtout trouver un terrain d’entente avec son patron. De plus, la Ligue 1 n’a pas la réputation d’être la plus facile à jouer. Juninho est retiré d u football français depuis une décennie et Sylvinho ne connait pas le championnat. Les difficultés du championnat sponsorisé par un marchand de meubles ne sera pas une partie de plaisir.

Revenir à ce poste et avec ce statut peut paraitre compliqué. Soit cela se passe très bien et il polit un peu plus sa statue en or dans le cœur des lyonnais. Soit cela se passe mal et il part sur une mauvaise note. Dans ce cas, il faudra soigner sa sortie afin de ne pas mettre en danger sa réputation dans la Capitale des Gaules. Sa première expérience peut avoir des allures de « casse-gueule ». Cependant, une autre légende avait pris le pari risqué de revenir sur ses terres avec de nouvelles fonctions (cette fois sur le banc) et a réussi à gagner trois Ligues des Champions. Cet homme, c’est Zinédine Zidane…

Objectifs très/trop hauts ?

Sa première expérience sera dans une équipe qui jouera le haut du tableau de Ligue 1 et qui disputera la Ligue des Champions sans passer les barrages. Pour un dépucelage, c’est plutôt risqué. Juninho et Sylvinho seront attendus au tournant avec des grosses performances à faire et un public assez exigeant.

Si l’OL termine en dehors du Top 3 français, cela sera considéré comme un échec. Une deuxième place est même largement jouable. Une élimination avant les huitièmes de finale de la Ligue des Champions sera considérée comme un échec. Une place en quart de finale est même jouable. L’objectif est de faire mieux que le prédécesseur Génésio (3e de L1 et 1/8 de C1).

Une semaine seulement après leur nomination, le duo brésilien a réalisé sa première performance sportive : ils ont arraché leur qualification en Ligue des Champions sans passer par les barrages. Certes, ce droit a été acquis uniquement grâce à la victoire de Chelsea en finale d’Europa League. Mais cela n’est pas négligeable. On dit merci qui ?

En dehors de son nom, Juninho devra prouver qu’il a la même mentalité de gagnant dans les locaux de l’OL que celle qu’il affichait sur le terrain. Aura-t-il le droit à l’erreur ? Aura-t-il droit à un sursis ? La patience pourra-t-elle avoir sa place dans les tribunes du Groupama Stadium ? La pression est donc sur ses épaules.

Communication à double tranchant

Pour appâter les supporters, il faut des actes. Mais comme la saison n’a pas encore commencé, il faut les attirer avec des mots. Et ça a l’air de fonctionner. « Le meilleur joueur de l'équipe est né le 3 août 1950. Il s'appelle Olympique Lyonnais ». Cette phrase a été lâchée par Sylvinho lors de la conférence de pression de présentation. Les propos sont jolis mais paraissent même trop belles. Cette phrase a été travaillée tel un politicien qui demande à voter pour lui. Mais ça marche.

Les mots seront-ils les mêmes si Sylvinho et Juninho venaient à commencer la saison avec six défaites ? Sylvinho pourra-t-il rester aussi politiquement correct lorsqu’il entendra les premiers sifflets ? Le public lyonnais semble monté tellement haut au niveau des sentiments qu’une redescente émotionnelle pourrait faire très mal.

Le public lyonnais n’est pas non plus crédule. Il se réjouit juste d’avoir un entraineur et un directeur sportif à leur écoute. Cependant, il ne va attendre qu’une chose : des résultats. Le Mercato va être compliqué et les bons coups seront à faire. Une chose est sûre, le public ne fera pas de cadeau en cas de contre-performance.

Comme en amour, les lyonnais vivent sur un nuage les premiers jours de leur relation avec Juninho et Sylvinho. Après une relation tumultueuse, le public devra construire une relation saine afin qu’elle ne se dégrade pas au fil des matchs. Pour le moment, tout va bien dans le meilleur des mondes. Le rectangle vert fera évoluer leur relation.

(Crédit photo : Twitter officiel de l’Olympique Lyonnais)

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