WeSportFR est parti à la rencontre d’un sport trop peu médiatisé en France. Pourtant, la Pelote Basque compte aujourd’hui parmi ses rangs de multiples champions ! Nous avons donc fait le choix de donner la parole à Robert Rolfo, secrétaire de la ligue Occitanie, visage emblématique de la pelote Toulousaine, et Bastien Quintana, coach du pôle espoir au sein du CREPS de Toulouse.

 

Qu’est que le pôle espoir de la pelote basque toulousaine ?

 

Robert Rolfo nous explique en quelques mots :

Nous avons actuellement un pôle espoir et un pôle France qui sont solidement implantés au sein du CREPS de Toulouse, avec nos 11 athlètes au pôle France, 15 au pôle espoir qui sont encadrés notamment par Bastien Quintana et Aline Lesage en préparation physique.

Cette structure est l’aboutissement d’une histoire qui remonte aux écoles de Pelote sur la région Toulousaine. A l’époque une classe de sport-études a été ouverte au collège de Château de L’Hers ouverte par Jean-Claude Sanz, qui a été boostée par un champion Armand CORDOBES que j’ai remplacé par la suite à l’entraînement. En 1994 une section sportive a été créée, menée à la labélisation en 2000. De nombreux titres de champions du monde ont été remportés depuis 1984 en catégorie junior, quasiment chaque année depuis. La région Midi-Pyrénées a participé avec ses quelques éléments, notamment avec Thierry Borde en 1984 ! Nous avons eu des médailles d’argent et bronze en catégorie espoir palacorta, mais jamais l’or jusqu’en 2004 grâce à Thomas Iris et Sylvain Brefel, dans la catégorie Paletacuir.

Actuellement nous sommes en préparation pour les championnats du monde en octobre 2018 à Barcelone, 8 joueurs du pôle y participeront ! Nos espoirs obtiennent de très bons résultats comme Enzo Pellegrini qui a remporté une médaille des championnats du monde de Buenos Aires en 2017 en catégorie de moins de 22 ans.

Bastien Quintana :

On recrute dès la 3éme, les espoirs rentrent au pôle en seconde pour la quitter 4 années après ! Il faut savoir qu’ils font leurs années de lycée en 4 ans pour répondre au problème de double projet. Ils ont des horaires adaptés, c’est-à-dire autant d’heures de cours que d’entraînements dans la journée, c’est donc impossible à réaliser en 3 ans. Ils font le choix scolaire d’avoir leur bac en 4 ans. Hormis les quelques exceptions des jeunes qui ont sauté des classes ou redoublés, on les a généralement entre 15 et 18 ans. Cette année nous avons 11 garçons et 4 filles ! On a atteint l’effectif maximum dans la structure actuelle, on commence à toucher nos limites de capacité d’accueil. La pelote se développe, on a une capacité à évoluer au plus haut niveau, mais malheureusement on arrive à un stade où les limites sont atteintes niveau encadrement, installation et logistique et surtout financière.

Avec quels moyens ? Avec quelles finances ?

 

Robert Rolfo :

Une grande partie des finances provient de la Fédération française de Pelote Basque, du conseil régional d’Occitanie et de la direction régionale du CDS, à hauteur de 36000e par an !

Bastien Quintana :

Il y a une participation des parents des espoirs pour couvrir les frais d’hébergement et d’installation au CREPS, soit 5000€ par jeune ! Cela comprend évidemment les repas, les soins médicaux. Les parents savent qu’ils débourseront 20000€ sur les 4 années de scolarité de leur enfant ! Les jeunes sont conscients qu’ils rentrent au pôle pour réaliser leur rêve sportif, mais pas pour réaliser un rêve professionnel, même si certains l’ont dans un coin de leur tête. On n’en parle pas car je ne peux pas me permettre de leur mettre cet objectif là en tête, nous savons que les chances sont très maigres et très sélectives.

Le budget est certes important pour pouvoir faire nos activités, mais il est malheureusement insuffisant. En termes de matériel c’est léger, il y a les déplacements pour les stages, on ne peut pas aller bien loin… Au départ nous étions qu’une section sportive, nous avons pris le risque de devenir pôle au sein du CREPS qui nous a accueilli d’une manière bienveillante, merci à eux.

Françoise Clar, maman d’un jeune champion Pelotari et bénévole impliquée nous explique : 36.000 euros par an, pour 15 jeunes c’est très limite. On va vite butter sur un problème aux vues des intention du pôle. Pour rester Pôle, il faut des médailles car ça nous valorise ! Heureusement nos jeunes sont exemplaires, depuis le tout début, tous nos jeunes ont eu leur bac à 1 ou 2 exceptions depuis 2000. Il y a du bac pro, une filière technologique, SCES, STMG, un bac pro vente ! Certains sportifs font le choix de suivre une scolarité normale, dans un lycée autre que celui qui est prévu avec les horaires aménagées, c’est le cas d’une de nos filles, Marjolaine Malgeri, qui est lauréat du prix du concours de la résistance. Elle est brillante.

Pour ce qui est du financement, je parle en connaissance de cause ! Au-delà des 5000€ annuel à débourser, il faut aussi compter les déplacements. Sur l’année dernière, j’ai fait 30.000 kilomètres pour assurer les transports de mon fils, à ma charge complète.

 Bastien : Un joueur est en droit de refuser la présélection pour le mondial car tout est à ses frais, ils sont trop élevés pour les chances qu’il a d’être pris. S’il est sélectionné, la fédération prend tout à charge, le logement, le matériel, le déplacement en parti pour les entraînements, par contre pour les compétitions tout est pris en charge !

 

Un statut professionnel ?

 

Mais qui sont les pelotaris, existe-t-il un statut professionnel ?

« Ils sont TOUS amateurs au pôle toulousain sauf Sylvain Brefel » nous précise Robert Rolfo. « Sylvain a été champion du monde professionnel en 2015 !  Pour être professionnel il faut que le joueur soit repéré sur les circuits et perfectible sur ses prestations ! »

« Il n’y a pas de circuit professionnel dans les disciplines pratiquées au pôle de Toulouse en France » Rajoute Françoise Clar. « Le Circuit pro est beaucoup plus développé en Espagne par exemple, notamment dans la catégorie Paletacuir et Palacorta où nos français excellent de plus en plus depuis 15/20 ans. Nous n’avons pas les mêmes moyens financiers, les Pelotaris Argentins et même Cubains se paient des voyages en France pour pouvoir nous affronter. »

 

Un Sport Mixte ?

 

Robert Rolfo nous en dit un peu plus à ce sujet :

« La pelote est à l’origine un sport exclusivement masculin, les premières féminines sont arrivées vers les années 1980 dans notre collège sport-étude de l’Hers, grâce à ce professeur d’éducation physique Jean-Claude Sanz. Nous avions décidé dès le départ d’avoir un recrutement paritaire et mixte, dans la première classe il y avait le même nombre de filles que de garçons.

Les filles ont d’ailleurs de très bons résultats, des titres de championnes de France, en national A et B, Junior, cadettes, quelques participations au mondial qui n’ont malheureusement pas eu les mêmes résultats que chez les garçons. Actuellement il y a 4 filles au pôle espoir de Toulouse ! »

 

A l’aube du Championnat du monde Absoluto 2018, le pôle France s’entraîne seul !

 

Bastien Quintana : On s’est retrouvé seul d’une saison à l’autre sans entraîneur. Heureusement, nous avons su conserver les créneaux d’entraînements et les installations sont toujours à notre disposition. C’est la préparatrice du pôle espoir qui nous prépare nos séances bénévolement, et qui se rend parfois sur place sur son temps libre, merci à elle.

On est un groupe de 10 joueurs solidaires, il y a beaucoup d’échanges entre nous, on progresse ! Puis il y a Robert qui veille sur nous ! On espère que ce soit qu’une année de transition.

Le conseiller technique national Ramon Eguzkiza s’est engagé à nous trouver un entraîneur, nous lui faisons confiance, nous savons que ce n’est pas simple ! On prépare Barcelone de la meilleure façon.

Françoise : Sur les 15 présélectionnés dans les disciplines de cuir, 8 viennent du pôle France ! 8 sur 15 !

L’année dernière à Anglet, sur la catégorie Paletacuir, 3 pelotaris sur 4 venaient du pôle, et 2 sur 4 en Palacorta ! Ça montre une excellence de notre structure.

On n’a pas d’entraineur, on n’a pas de moyens ! Tout est au frais du joueur, il n’y a pas de remboursement de déplacements pour le pelotari, car les préparations sont faites dans le Béarn ou le Pays Basque. Il faut payer le transport, le logement, personne ne paye rien ! Bastien est au pôle France qui a joué une finale de National A l’année dernière, il est salarié du comité départemental de Haute-Garonne, détaché du pôle à la ligue, il été en formation pour obtenir son Diplôme d’état d’entraîneur ! La semaine de la finale ils n’ont pas pu s’entraîner parce qu’ils travaillent tous à côté, on ne voit pas ça dans les autres sports.

Simon Briand, vice-champion du monde de palacorta moins de 22 ans à Biarritz en 2016, est étudiant en bio, et pour se payer ses déplacements, il sera bientôt maçon. Il n’a pas le choix. Vous vous rendez compte ?

Bastien : On a eu un long moment sans compétition, j’ai dû prendre mon téléphone et organiser un tournoi moi-même, mes parents ont nourri les joueurs, sinon c’est impossible financièrement ! Avec un peu plus d’attention et de considération, on arriverait à avoir au moins un entraîneur.

La pelote, une grande famille ?

 

Robert :  Les joueurs sont très solidaires entre-deux, les plus grands prennent les plus jeunes sous leurs coudes pour les encourager !

Bastien Quintana intervient :  C’est vrai, c’est une famille ! Lors de ma finale le mois dernier, beaucoup ont fait le déplacement pour m’encourager. Ils ont fait deux heures de route juste pour me soutenir, et surtout payer 15€ l’entrée ! Nous n’avons pas de budget photographe, c’est un père de famille qui le fait gratuitement, Françoise s’occupe du compte twitter également. Les parents, les frères, les cousins sont à la buvette, aux fourneaux, font le taxi pour les enfants.

C’est un esprit qui nous pousse au quotidien !

Françoise : Les entraînements se font en fonction des disciplines. Enzo Pellegrini ( vice-champion du monde de Trinquet de paletacuir -22 ans)  s’est souvent entraîné seul, il n’y avait plus de créneaux sur le Trinquet car les filles l’avaient monopolisé par besoin à ce moment-là. D’ailleurs sur leurs 2h d’entraînement, elles laissaient 1h à Enzo pour qu’il puisse s’entraîner, toujours dans cet esprit de solidarité. Bastien faisait les lancers, les filles ramassaient les pelotes, on n’avait pas le choix. 

Robert : La ligue Occitanie c’est un peu la nouvelle frontière de la pelote, c’est un sport en développement. Quand j’ai commencé à jouer il y avait moins de 200 licenciés, aujourd’hui il doit y en avoir un peu plus de 2000. On a pas mal de jeunes, on progresse ! Mais le frein reste les coûts des installations. Un mur à gauche coûte environ 1.5M !

Bastien : On prend beaucoup de plaisir, c’est un sport qui est apprécié par les novices. J’interviens dans les collèges entre midi et 14h pour expliquer tout ça. C’est un sport qui plait très vite, il fait l’unanimité. C’est assez ludique d’ailleurs, un mur et une balle en mousse ou caoutchouc, c’est suffisant pour s’initier.

 

Un sport qui n’est plus olympique.

 

Robert : La pelote a été 3 fois olympique ! 1924 à Paris, 1968 à Mexico et en 1992 à Barcelone. Toujours dans les pays où il y a une pratique. On aurait bien aimé qu’en 2024 à Paris la pelote revienne, mais ça me semble difficile.

 

Note de la rédaction :

 

La Pelote Basque est un sport, non un loisir. En tant que média, nous ne comprenons pas comment ce sport peut rester sans réelle médiatisation malgré leurs résultats exceptionnels. Vous, lecteurs, étiez-vous au courant qu’une coupe du Monde allait se jouer en 2018 ? Pourtant, ces champions s’entraînent dur au quotidien, ne méritent-ils pas un minimum de reconnaissance nationale ? Est-il normal que des sportifs de haut niveau doivent avoir un emploi à côté pour pouvoir subvenir à leurs besoins, pire encore, pour pourvoir jouer leurs compétitons ?

WeSportFR parlera de la compétition mondiale en octobre prochain, restez à l’écoute, la Pelote Basque risque encore de rafler quelques médailles.