Cette année les 3 Grands Tours nous ont offert que peu de suspense concernant le classement général. Egan Bernal a remporté de manière assez tranquille le Giro. Tadej Pogacar a écrasé le Tour de France dès la première étape de haute montagne. Primoz Roglic n'a fait qu'une bouchée de la Vuelta. Les Grands Tours de cette année n'ont pas été intéressants concernant le classement général. On est loin des émotions que le Tour 2010, la Vuelta 2012, le Giro 2018 ou encore le Tour 2019 nous ont procuré. Alors qu'est-ce qui fait réellement un bon Grand Tour ?

Il est de plus en rare aujourd'hui qu'un Grand Tour se joue dans les derniers jours. Les plus nostalgiques d'entre nous se remémore sans aucun doute le Tour de France 1989. Cette année le Tour s'est gagné lors de la dernière à Paris pour une poignée de seconde. Plus récemment le panache d'Alberto Contador ou de Nibali ont permis de renverser des Grands Tours dans les ultimes étapes. À l'heure des armadas du Team Emirates, d'Ineos ou encore de Jumbo l'époque des Grands Tours spectaculaires semblent lointain. Même si le Tour 2019 est là pour nous rappeler que tout est encore possible dans le cyclisme moderne. Un autre scénario interessant est un coureur partant en échappé et se retrouvant à jouer la gagne au final à l'instar de Thomas Voeckler en 2011 ou Thomas de Gendt sur le Giro 2012.

Thomas Voeckler sauvant de justesse son maillot jaune au sommet du Galibier lors du Tour 2011

Le Tour 1989 était le Tour du bicentenaire de la révolution française. Certes ce n'est pas ce qui a permis de rendre la course meilleure mais cela a contribué à lui donner une identité unique. Le parcours a visité certains endroits et même les graphismes télévisés de l'époque y ont adhéré. Donner un thème à la course ancre l'épreuve dans l'histoire sans rentrer dans le nationaliste. Plus récemment le Giro a célébré en 2011 les 150 de l'unification italienne. Il est clair qu'un Grand Tour ne peut pas avoir un thème chaque année mais lorsque cela est possible il est important de combiner l'aspect culturel avec le sport.

L'autre élément important qui va faire un Grand Tour est son parcours. Le parcours doit surprendre les suiveurs, les tenir en haleine. Il est aujourd'hui inimaginable pour les organisateurs de constituer une première semaine essentiellement en plaine. Les organisateurs du Giro et de la Vuelta n'hésitent pas à inclure une arrivée au sommet dès les premiers jours de courses. Les organisateurs du Tour ont également arrêté de faire le jeu des sprinteurs et rouleurs comme en témoignent les deux premières étapes du Tour 2021. Les longues étapes de plaines n'intéressent pas. Aujourd'hui, le téléspectateur veut du spectacle et les organisateurs l'ont bien compris. Chaque année c'est la course à celui qui aura l'ascension la plus dure. Le Col de la Loze sur le Tour 2020 a fait un carton. L'Angliru et le Mortirolo sont devenus en quelques années des montées incontournables sur les Grands Tours.

Justement venons-en aux classiques. La nouveauté a toujours quelques choses d'excitant. Cependant quoi de mieux que d'emprunter les routes de légendes. Le Galibier, le Tourmalet, l'Alpe d'Huez, le Ventoux sont aujourd'hui devenus des montées qui reviennent régulièrement sur les routes du Tour et qui en font sa légende.

Alberto Contador en pleine ascension de l'Angliru lors de sa dernière Vuelta en 2017

Un autre élément important est l'équilibre entre les contre-la-montre et les étapes de montagne. Autrefois permettant de réduire les écarts, les contre-la-montre sont devenus un moyen d'ancrer définitivement sa domination sur un Grand Tour comme Chris Froome lors de ses victoires sur le Tour. Les organisateurs l'ont bien compris. C'est pourquoi les contre-la-montre ont tendance à se dérouler sur des parcours plus courts et/ou techniques ces dernières saisons.

Pour rendre également un Grand Tour plus attractif, il serait également intéressant de remettre en cause les bonifications à l'arrivée. Une victoire de quelques centimètres au sommet se transforme en un gain de six secondes. Certes ce n'est pas grand chose mais quand on voit que Tadej Pogacar a remporté 3 étapes sur le Tour 2020 cela commence à chiffrer.

Pour améliorer l'intérêt des Grands Tours durant les 3 semaines de course, il faut revoir le système de classement de la montagne et par points. Les maillots devraient être quelque chose que les coureurs doivent aller chercher plutôt que de les collecter comme une sorte d'offre “tout est permis” lorsqu'ils gagnent des étapes. Il faut rendre le classement de la montagne aux attaquants. Lors de ses 2 victoires sur le Tour, Pogacar s'est également adjugé le classement de la montagne sans réellement le jouer. L'époque d'Anthony Chartreau et Thomas Voeckler semble lointaine.

Anthony Chartreau, meilleur grimpeur du Tour 2010

Un héros national est-il important sur un Grand Tour ? Certainement. Même si cela est un peu chauvin, rien n'est plus beau de voir un public encourager sa superstar national. La passion des français pour Thibaut Pinot et Julian Alaphilippe sur le Tour 2019. Ou encore les italiens sur le Giro 2021 avec la surprise Damiano Caruso. Ce n'est peut-être pas le facteur le plus important mais cela rajoute un petit quelque chose.

Alors qu'est-ce qu'un bon grand tour ? La réponse à la question n'est pas évidente. En réalité c'est la combinaison de plusieurs facteurs qui permet d'avoir un bon crû. Une bataille jusqu'au dernier moment pour le maillot de leader permet de nous tenir en haleine durant les trois semaines de compétition. Le parcours est également un facteur clé, celui-ci doit être rythmé et permettre une course de mouvement. L'histoire du parcours permet également de susciter un intérêt supplémentaire. Enfin la course ne doit pas se résumer à une bataille pour le classement général, il y a avoir des courses dans la course. J'entends par là une bataille pour prendre l'échappée, la victoire d'étape et les classements annexes.

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