L’European League of Football (ELF), seul championnat professionnel de football américain en Europe, a débuté sa troisième saison ce samedi 3 juin. Elle est marquée par les débuts de plusieurs nouvelles franchises dont les Paris Musketeers, seule équipe française en lice. À l’aube du premier match à domicile des Parisiens cette saison, Vincent Lemoine, safety des Musketeers, nous a accordé un entretien.

Comment en êtes-vous venus à intégrer les Paris Musketeers ?

Vincent Lemoine : J’ai découvert le football américain quand j’étais au lycée, et j’ai commencé à le pratiquer en 2011, en rentrant de deux ans aux États-Unis. Je suis passé par les Dragons de Paris, un championnat amateur au Canada mais aussi le Flash de La Courneuve, avec lequel on a gagné le championnat élite et été demi-finaliste de la CEF – la coupe d’Europe, et l’équipe de France de flag football. Après toutes ces expériences, j’avais redémarré la saison avec le Flash lorsque les Musketeers se sont créés. Je me suis dit que j’allais tenter ma chance et j’ai fait les sélections à la Défense Arena qui se sont bien passées. J’ai ensuite eu des contacts avec le coach, j’ai pu lui envoyer des vidéos de mes meilleures actions sur le terrain qui lui ont plu, et j’ai finalement pu intégrer l’équipe en décembre 2022.

Le contact avec l’équipe est donc assez récent…

VL : L’équipe s’est officiellement créée en septembre 2022, et les sélections ont eu lieu en novembre. C’est lors de ces sélections que j’ai eu des contacts et pu envoyer plus de vidéos. J’ai su aux alentours de Noël que j’allais pouvoir intégrer l’équipe et que j’ai pu commencer une première phase de préparation physique avant le début officiel des entraînements.

Vous avez donc dû composer avec une préparation assez courte ?

VL : À partir du moment où les joueurs ont commencé à être annoncés, on a eu un préparateur physique – Arnaud Vidaller – qui nous a contacté et qui a construit avec nous un programme de préparation physique basé sur de la musculation et du terrain, afin de nous préparer au mieux pour la saison. Cette phase, on l’a débutée fin février, début mars. Les entraînements avec l’équipe ont eux commencé en mai, même si on a eu quelques camps d’entraînements dès le mois d’avril.

C’est une préparation assez courte, notamment si on compare avec le championnat français où on démarre les entraînements dès septembre et où les matchs ne commencent pas avant janvier. Il y a une période assez longue pour travailler ensemble et préparer l’équipe. Là, la période est plus réduite car c’est encadré par la ligue, pour que toutes les équipes aient la même préparation. C’est pour ça qu’il y a eu quelques camps d’entraînements avant mai mais qu’ils étaient surtout réservés aux joueurs français. La ligue met des règles pour que certaines équipes ne commencent pas plus tôt car c’est un championnat professionnel, où les joueurs sont rémunérés, et il doit y avoir une équité entre les équipes.

Le roster compte beaucoup de joueurs français, notamment d’anciens joueurs de votre ancienne équipe, le Flash : est-ce un avantage pour trouver plus facilement des repères ?

VL : C’est évidemment un avantage car cela permet d’avoir déjà des automatismes. Il y a des joueurs avec lesquels j’ai pu jouer en défense, donc automatiquement on a connu des situations sur le terrain ensemble et on est plus à l’aise. Surtout que le Flash est une très bonne école avec de très bons coachs où on a appris les mêmes choses, donc on est sur de bonnes bases. De manière globale, étant donné que la plupart des joueurs sont français, il y a aussi pas mal d'affinités entre les joueurs. Même si tout le monde ne vient pas de la même équipe, on a tous plus ou moins joué les uns contre les autres ou on s’est déjà rencontré. Il y a une cohésion qui s’est créée rapidement et c’est un avantage assez fort.

Quels sont les objectifs de l’équipe pour sa première saison en ELF ?

VL : Les objectifs de l’équipe sont assez clairs. On est là pour gagner le championnat. Le roster de joueurs, mais aussi l’accompagnement mis en place par la franchise, sur le médical, la nutrition ou la préparation physique, tout est mis en place pour réussir et les ambitions de la franchise sont claires : on est là pour gagner et on met tout en œuvre pour que les joueurs soient dans les meilleures conditions pour le faire. Et c’est un objectif assumé.

Et vos objectifs personnels ?

VL : C’est ma première saison à ce niveau. Mon objectif, c’est d’être performant sur le terrain, de minimiser les erreurs et, si possible, d’avoir un maximum d’interceptions. Je veux aider du mieux possible l’équipe à aller chercher le titre.

Dans votre conférence, la conférence ouest, vous affronterez des équipes qui ont prouvé leur valeur lors des premières saisons. C’est une source de pression ou plutôt un moyen de vous mettre directement dans le rythme ?

VL : Le niveau de la conférence est assez relevé. Quand on regarde ce qu’a fait Hambourg (finaliste en 2021 et 2022, ndlr) ou Francfort (champion en 2021, ndlr) ces dernières saisons, on sait qu’on va avoir des matchs difficiles. Maintenant, je pense qu’on a fait ce qu’il fallait lors du recrutement pour amener du talent dans le roster. L’équipe est très talentueuse et a les moyens d’aller loin. Cela va dépendre du cœur qu’on va y mettre, de la manière dont on va répondre face à l’adversité. C’est ça qui fera la différence à chaque match, qu’on doit jouer comme une finale. Si on veut aller au bout, il va falloir passer par ces étapes difficiles. On sait qu’aucun match ne sera facile, aucun déplacement ne sera simple, et à tous les matchs on devra se donner à 100 %. À aucun moment on ne pourra se permettre de ralentir le rythme, car ce seront des erreurs qu’on va payer.

Selon vous, qu’est-ce que les Paris Musketeers vont apporter au football américain en France ?

VL : L’équipe va avant tout apporter de la visibilité. Elle va montrer qu’en France, on a du talent, on a des joueurs qui ont les moyens de se battre au plus haut niveau. Cela va apporter de la visibilité à un sport qui est encore petit en France en comparaison du rugby ou du tennis. D’une certaine manière, cela va aussi permettre de rassurer les parents qui hésitent à inscrire leurs enfants. En voyant qu’il y a un débouché professionnel, cela peut rassurer. Si c’est professionnel, cela veut aussi dire que la fédération sera plus à même de former des coachs ou d’organiser des tournois.

Par rapport aux jeunes, cela sera aussi bénéfique. Aujourd’hui, les vitrines du football américain sont la NFL, la NCAA et la CFL. Les meilleurs joueurs ont donc tendance à avoir pour objectif de s’exporter en Amérique, mais si on arrive à faire une ligue suffisamment compétitive et attractive, on va pouvoir garder ces talents en France et développer notre sport pour, un jour, pourquoi pas rivaliser et proposer des formations adéquates à nos athlètes.

À terme, les jeunes peuvent-ils avoir comme objectif de jouer en ELF ?

VL : J’aimerais bien, c’est un objectif qui aurait du sens. Je vois beaucoup de jeunes qui vont jouer au Canada en sortant du lycée, avec l’objectif d’intégrer le niveau universitaire canadien et si possible d’aller toucher la NCAA ou la CFL. Si l’ELF arrive à se développer aussi bien que ce qu’elle fait depuis sa création, en augmentant le nombre de franchises et la visibilité, il y a des chances que les joueurs français aient pour objectif d’intégrer une équipe de la ligue. On voit qu’il y a déjà des passerelles entre l’ELF et la CFL ou la NFL, donc, même si cela va sûrement prendre du temps, j’espère que ça arrivera.

On peut aussi envisager que des jeunes découvrent le football américain grâce à l’ELF ?

VL : C’est possible. En tout cas, on voit que des moyens sont déployés pour cela. À Paris, les matchs des Musketeers auront lieu au stade Jean Bouin, un stade connu dans la région et sur lequel il y a une certaine attractivité. Cela peut rapidement attirer des gens à venir pour découvrir ce sport, à avoir du spectacle. J’espère que les nouvelles générations joueront au football américain en ayant accès facilement aux rencontres de la ligue, à la télé ou sur internet, pour que cela devienne leur référence et que ce soit leur premier point de repère sur ce sport. Si la passion peut se créer à partir de l’ELF, cela peut être bénéfique pour toute l’Europe.

La création des Musketeers peut aussi permettre de donner plus de moyens au football américain en France ?

VL : Tout ce qui va amener de la visibilité sur ce sport aura des retombées positives pour les équipes. Pouvoir avoir une équipe professionnelle va augmenter le nombre de licenciés à la Fédération française de football américain (FFFA), ce qui va mécaniquement augmenter la part allouée à ce sport. Dès qu’il y a des débouchés professionnels, y compris à l’international, cela donne de la visibilité et cela attire du monde, et potentiellement des financements. Cela permet aux équipes d’aller négocier des créneaux d’entraînements, de lancer des équipes dans des villes où il n’y a pas forcément d’attrait pour ce sport. Il faudra laisser le temps, car l’ELF reste indépendante du championnat français. Il y a des accords qui existent avec la FFFA, dans l’idée de promouvoir ce sport en France, et j’ai bon espoir que la situation s’améliore durablement.

Dans un futur peut-être lointain, peut-on envisager la création d’une seconde équipe française en ELF ?

VL : Ce serait une bonne idée, car il y a suffisamment de talent en France pour avoir deux équipes. Il y en a déjà deux en Espagne et en Autriche, encore plus en Allemagne… Cela aurait du sens, et cela améliorerait la représentativité de la France sur l’échelle européenne. Après n’allons pas trop vite, il faut déjà attendre un peu pour assurer la stabilité de l’équipe avant de penser à en créer une seconde.

Crédit image en une : FFFA