Présenté cette année par la WWE comme un show trop grand pour une seule soirée, WrestleMania sera proposé cette nuit et dimanche en pleine crise du coronavirus. Mais la grande messe du catch américain se tiendra dans des conditions particulière en raison de l’épidémie de covid-19, à huis clos et filmé il y a quelques jours depuis le centre d’entraînement de la WWE. Une décision qui fait toujours débat chez les fans et les lutteurs.

Dernièrement, l'UFC a beaucoup fait parler dans le monde du sport en maintenant ses programmes malgré l'épidémie du coronavirus. L'objectif de Dana White était simple, proposer le choc entre Khabib Nurmagomedov et Tony Ferguson, qui devait se dérouler à huis clos le 18 avril prochain, finalement reporté une cinquième fois. Malgré tout, l'UFC 249 aura bien lieu, et le patron de la première compagnie de MMA au monde, déterminé à ne pas annuler son show, a surement été inspiré par son homologue dans le catch, Vince McMahon.

Depuis la propagation à grande échelle du covid-19, la WWE s'est efforcée de proposer trois fois par semaine ses programmes hebdomadaires sur le réseau américain : Raw et NXT sur USA Network, Smackdown sur la FOX. Dans le pire des cas, la compagnie a diffusé une émission spéciale tournée dans l'urgence le 18 mars, sans combats, retraçant plusieurs rivalités de NXT. Dans le meilleur, la WWE a continué de proposer ses spectacles comme si de rien n'était dans son centre d'entraînement, le WWE Performance Center, à huis clos, afin de promouvoir son show phare de l'année : WrestleMania. À cheval entre le sport et le soap-opéra, deux programmes touchés de plein fouet par l'épidémie de coronavirus, le catch a donc décidé de poursuivre son activité. Tout du moins la WWE.

 

« Notre travail consiste à apporter le sourire sur le visage des gens »

Une stratégie payante au début puisque la fédération de catch a vu ses audiences grimpées à la hausse en raison du surplus d'Américains devant leurs écrans. Cependant, l'effet de surprise est passé, et le public a peu à peu lâché la WWE comme le montre le nombre famélique de téléspectateurs pour RAW lundi dernier (1.9M). De quoi craindre le pire pour WrestleMania, événement habituellement très attendu par les fans de catch et même les novices de la discipline, se déroulant les 4 et 5 avril prochain au Performance Center, sans le moindre spectateur dans la salle et enregistré depuis une semaine.

Mais alors pourquoi la WWE veut à tout prix proposer son Superbowl ? À défaut de repousser l'événement, le renommer ou tout simplement l'annuler, Vince McMahon a au contraire décidé de l'étirer en le proposant sur deux jours, une décision s'expliquant par sa volonté de ne pas s'avouer vaincu par le coronavirus selon ses proches. « Je pense que si tu annulais l’événement, tu ferais une concession. Tu laisserais le coronavirus gagner. Et connaissant Vince McMahon, il ne le laissera jamais gagner, il est imbattable, il ne le permettra pas. Je pense que c'est bon pour l'espoir des gens. C'est bon pour le moral de tous ceux qui aiment le catch », expliquait Mark Henry, Hall of Famer de la WWE dans l’émission Busted Open.

Du côté des officiels, on met plutôt en avant le devoir que la compagnie a envers ses fans comme l'a avoué il y a quelques jours Triple H, dirigeant : « En ce moment, je pense que nous croyons – la WWE, nos talents, notre personnel, notre équipe – que le divertissement est une nécessité pour les gens. Nos fans sont avec nous toute l'année. Ils le font depuis des années, et nous avons un message à la WWE. Notre travail consiste à apporter le sourire sur le visage des gens du monde entier, et nous le croyons vraiment. Et en ce moment, peut-être plus que tous les autres moments que j'ai en tête, les gens ont plus que tout besoin de ces sourires. Alors vous savez, nous choisissons de continuer et d'essayer de pouvoir offrir ces sourires. » Une mission réalisée sans prise de risques pour les talents et l'équipe technique si l'on en croit Stéphanie McMahon : « Nous prenons toutes les précautions possibles. C'est aussi pourquoi vous ne voyez pas de talent ou d'autres personnes dans le public. Nous adhérons vraiment à toutes les directives que nous pouvons pour maintenir la santé et la sécurité de notre équipe et de nos artistes, précise la responsable de la marque WWE. Pendant tout type de longue période d'enregistrement, nous demandons à tous nos talents de rester dans la région d'Orlando et de ne pas voyager. Nous voulons avant tout fournir du contenu à nos fans, leur offrir une expérience digne de leur passion. Tout ce que nous faisons, nous le faisons en nous demandant “Comment pouvons-nous mieux servir nos fans?” ».

 

« Le pay per view pèse beaucoup plus lourd que la billetterie »

Derrière cette action louable se cache toutefois une réalité économique. Enregistré il y a quelques jours, la 36e édition de WrestleMania ne sera donc pas en direct pour la première fois de son histoire, mais le programme sera néanmoins proposé en pay per view (paiement à la carte) et sur le WWE Network (service de vidéo en streaming sur abonnement créé par Vince McMahon) dans les foyers du monde entier, pour un montant compris entre 9,99$ et 59,99$ selon les opérateurs. Une stratégie qui va permettre à la compagnie de Stamford de limiter la perte colossale de revenus suite à l'épidémie de coronavirus pour un show qui avait réuni plus de 80 000 spectateurs l'an dernier, et qui est commune à celle employée par l'UFC. Dans L'Équipe cette semaine Stéphane Chaufourier, patron de la salle Atch Academy et promoteur du 100% Fight, a notamment évoqué l'importance d'un tel choix dans cette période d'austérité  : « Les États-Unis et l'UFC en particulier sont prêts depuis des années à faire du pay per view, c'est ce qui remplit les caisses. Ils peuvent se permettre de faire des événements à huis clos. Ce n'est pas l'absence de 10 000 ou 20 000 personnes à 100 ou 150 balles le billet qui va plomber leur recette. Le pay per view pèse beaucoup plus lourd que la billetterie. » Un constat partagé par Fernand Lopez, patron du MMA Factory et directeur sportif d'une organisation afro-européenne de MMA : « Aujourd'hui le modèle est sur la diffusion, les droits TV et le pay per view (et plus sur la billetterie, NDLR). »

WrestleMania 36 étant « trop grand pour une seule soirée » selon le slogan trouvé à la dernière minute pour annoncer que la folie des grandeurs de la WWE n'avait pas été atteinte par le coronavirus, la première compagnie de catch au monde diffusera donc son grand programme de l'année malgré les conditions particulières et les critiques. Car du côté des fans, on souligne l'imprudence de cette décision dans un contexte de pandémie et la frustration de ne pas pouvoir participer à l'événement dans quelques mois, et en interne, le choix de Vince McMahon fait également jaser. Plusieurs talents ont refusé de prendre part au tournage de WrestleMania en accord avec la WWE, à l'image de Roman Reigns, immunodéprimé après sa bataille contre la leucémie. « Tout ce que vous savez, c'est ce que vous pensez. “Oh, sa santé, ceci cela“ , mais vous ne savez pas ce qui se passe d'autre dans ma vie. Vous ne savez pas si j'ai des enfants en bas âge. Vous ne savez pas si j'ai de famille dans mon foyer, une personne plus âgée. (…) Pour tous mes fans, je suis désolé de ne pas combattre cette année, participer au show et divertir… Mais parfois certaines choses sont plus importantes que d'autres et j'ai dû faire un choix pour moi et ma famille », s'est-il justifié sur Instagram.

 

WrestleMania, le dernier gros show de la WWE avant longtemps ?

Triple H, vice-président exécutif de la WWE, a avoué dans la foulée que la fédération n'obligeait personne à participer à WrestleMania cette année : « Tous nos talents sont là volontairement. Donc, dès le départ, s'ils ne veulent pas faire partie du show, s'ils sentent qu'il y a un risque – pour une raison quelconque, que ce soit eux-mêmes ou quelqu'un autour d'eux – ils ne doivent pas être ici. Rien ne leur est reproché pour cela. Nous ne voulons pas prendre de risques là-dessus, et avec Roman ayant une condition préexistante qui le rendrait plus vulnérable à quoi que ce soit, c'est compréhensible. »

Roman Reigns, programmé dans l'un des main-event pour affronter Goldberg avec le titre Universal en jeu, ne sera donc pas présent. Pour sa part, Brock Lesnar a bien pris part aux enregistrements organisés les 25 et 26 mars, mais le champion de la WWE en aurait profité pour critiquer avec virulence Vince McMahon d'après Slice Wrestling, lui reprochant en face sa cupidité et son absence de discernement dans l'organisation du show, sans se soucier selon lui de la santé du personnel. Jamais la route vers WrestleMania n'aura autant fait parler dans les médias et en interne, mais cela pourrait bientôt être de l'histoire ancienne puisque plusieurs États du pays ont pris des mesures de confinement, dont la Floride, où se trouve le Performance Center servant à enregistrer les programmes à huis clos. La WWE pourrait donc suivre le mouvement à contrecœur en suspendant son activité pour une durée indéterminée, comme l'ont déjà fait la plupart des organismes sportifs à travers le monde. Quand la réalité rattrape la fiction.

 

A lire aussi : Jeff Hardy et la WWE, le rendez-vous de la dernière chance

Suivez-moi sur Twitter : @BernardCls

 

(Image principale : WWE)