En cette semaine de “classico” entre l'OM et le PSG, nous vous proposons de partir à la découverte d'une journaliste correspondante au PSG pour Goal.com : Sabrina Belalmi. Vision du journalisme, football, passion, elle nous en dit un peu plus.
Bonjour Sabrina, tout d'abord merci de nous accorder cette interview. Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel tout d’abord ?
J’ai un parcours atypique. J’ai toujours voulu devenir journaliste mais après être rentrée d’Angleterre, fraîchement diplômée, j’ai pris un job alimentaire en attendant de m’établir dans le métier. J’ai travaillé dans la mode, j’ai eu un poste important mais je me suis rendue compte que je m’éloignais de mon rêve. J’ai donc tout plaqué pour recommencer à zéro : stages, piges pendant de nombreuses années…Puis le poste que j’ai actuellement, correspondante PSG pour Goal.com.
Le football était-il donc une évidence ?
Complètement. J’ai grandi dans une famille de 8 enfants (mes cousins/cousines) où tout le monde ne jurait que par le foot. Alors que je voulais regarder le Club Dorothée, je devais me taper les matches enregistrés de la veille pour des analyses tactiques pour mon cousin qui était entraineur adjoint d’un petit club. Je détestais ça au début mais j’ai baigné dedans. En 98 j’ai suivi l’équipe brésilienne, en tant que fan, et j’ai découvert qu’il y avait vraiment des gens payés pour suivre du foot. C’était à ce moment-là l’évidence. Puis j’ai moi-même joué en club, 2 années seulement. A l’époque c’était difficile de trouver des clubs de foot féminin. Et je me suis rendue compte que je préférais jouer en un-contre-un dans ma cité. Dribbler et feinter était plus kiffant que courir des kilomètres entiers. Mais bon…j’étais jeune.
“Un bon défenseur est aussi agréable à regarder qu'un bon attaquant”
Quel est d’ailleurs votre poste favoris si vous jouez/regardez un match ? Peut-être le poste de Cantona …
Mon regard a beaucoup changé. Au début je n’avais d’yeux que pour les attaquants comme à peu près tout le monde. Mais au fur et à mesure on se rend compte de l’importance de tous les postes. Un bon défenseur est aussi agréable à regarder qu’un bon attaquant. Et aujourd’hui les très bons milieux offensifs ont un impact considérable sur le jeu. Plus qu’un poste c’est le style du joueur qui m’intéresse. Ayant abordé le football dans la rue, il est clair que je suis plus sensible aux dribbleurs, aux beaux gestes techniques surtout quand ils sont exécutés comme si c’était un geste facile.
Au fait, pourquoi aimez-vous autant le sport anglais ?
J’ai baigné dans le foot anglais. Cantona était la référence à l’époque et celui qui m’a fait aimer le foot puis je suis très vite tombée amoureuse de l’équipe. Pas difficile à l’époque vu les joueurs. Que ce soit la « Class of 92 » (terme qui désigne six joueurs emblématiques de Manchester United : David Beckham, Ryan Giggs, Paul Scholes, Nicky Butt et les frères Neville, NDLR) ou bien CR7 et Rooney, chaque époque a eu son lot de joueurs de classe mondiale. Puis j’ai habité en Angleterre et je suis en admiration devant leur culture football. J’habitais pas loin du Villa Park (Birmingham, Angleterre, NDLR) et j’y allais pour voir les grosses affiches puis je me suis laissée emporter par l’ambiance de là-bas. La Premier League est fascinante car il est difficile de prédire un score ou un résultat en avance tant le championnat est homogène. Chaque équipe a une réelle chance et j’aime beaucoup cette philosophie. Après, comme partout il y a des défauts…
Pensez-vous qu’il est plus facile d’être journaliste en étant fan d’un club étranger plutôt qu’un club français ?
Plus facile je ne sais pas. Mais en tout cas je suis très neutre. Lors de mon entretien on m’a demandé si j’étais supportrice du PSG. J’ai répondu en toute franchise que non, croyant que la réponse allait me coûter le poste, puis finalement il s’est avéré que mes boss préféraient avoir un regard neutre. Tous les suiveurs du PSG ne sont pas supporters du club et beaucoup aiment d’autres clubs français. Cela ne les empêche pas d’avoir un avis objectif, ce n'est pas si difficile que ça en vérité. Même moi j’arrive très bien à être objective sur le parcours de Manchester United.
Et pourquoi aimez-vous le sport, en général ?
Je ne vais pas être originale, mais pour les émotions que ça procure. Des émotions brèves mais intenses. J’ai été journaliste en informations généralistes et je n’ai vraiment pas aimé, ça a même été le contraire, je ne regarde plus aucune chaîne d’infos. Il y a en revanche des sports que je préfère pratiquer que regarder. Mis à part le foot, j’aime aussi la boxe que j’ai pratiqué 3 ans plus jeune et la F1 même si j’avoue ne plus avoir le temps de la regarder.
“J'ai failli tout lâcher à un moment donné, insatisfaite de la profession”
Vous avez travaillé pour BeINSports et SFR, on peut dire que votre rôle à Goal est complètement différent depuis maintenant un an ?
J’ai l’impression, avec ce rôle à Goal, d’être enfin une journaliste. Au début de ma reconversion j’ai vite déchanté. On a cette vision du journaliste, qui part à la rencontre des gens, toujours à droite et à gauche, mais au final j’étais scotchée derrière un écran d’ordinateur, à monter des interviews ou des sujets pour d’autres. J’ai même failli tout lâcher à un moment donné, insatisfaite de la profession. Aujourd’hui je m’épanouis pleinement et même si c’est très fatigant car je gère toute seule le PSG, je n’échangerais mon poste pour rien au monde. Je me forme à la meilleure école et je côtoie les coulisses d’un club, et pas n’importe lequel.
Peut-on dire que vous avez « échangé vos postes » avec Loïc Tanzi l’année dernière ?
Pas vraiment. J’ai repris son poste, c’est sûr, mais chez SFR Sport je ne faisais qu’une chronique, une fois par semaine, dans une émission tandis que lui est partie intégrante de l’émission.
D’ailleurs, est-ce qu’on est venu vous « chercher » ? Et est-ce particulièrement le rôle de correspondante qui vous a intéressée ?
Non j’ai postulé, après que quelqu’un m’a taguée sur la candidature en question (je ne l’avais pas vue). Ce qui m’a intéressée c’est ce que je quémandais depuis quelques temps : être sur le terrain. Pour moi c’est primordial dans ce métier. Parler aux différents acteurs pour comprendre. Ce n’est pas sur son canapé qu’on apprendra pourquoi tel ou tel a fait un mauvais match. Même si ça ne l’excusera pas, on a les tenants et les aboutissants et ça nous aide dans la compréhension de beaucoup de choses. C’est une force d’être sur le terrain et peu peuvent se le permettre de nos jours.
Suivre une équipe en particulier, est-ce une manière différente de faire du journalisme, par rapport à ce que vous faisiez avant ?
Oui, complètement. On connaît (et comprend) les rouages de tout un système, tout un club. Que ce soit le sportif ou l’extra-sportif d’ailleurs. Et tout y est intéressant, que ce soit la gestion humaine ou la sportive.
D'ailleurs, remarquez-vous au fur et à mesure des différences dans votre métier entre vous qui suivez le club à l’année, et vos collègues qui suivent la Ligue 1 en « général » ?
Je suis plus en contact avec les « suiveurs » du PSG donc il m’est difficile de répondre à cette question. Peut-être que ceux qui suivent la Ligue 1 en général ont moins le temps et l’opportunité de s’établir réellement dans un club mais encore une fois, il est difficile de répondre à cela.
Observez-vous des différences de traitement de l’information entre les médias français, et brésiliens par exemple, si on pense à votre collègue Isabela Pagliari ?
Chaque pays a ses mœurs en termes de journalisme. Les Brésiliens aiment beaucoup les tabloïds (journaux à scandale, NDLR) comme les Anglais et, bien sûr, la moindre information sur les Brésiliens va être importante pour eux. Je ne parle pas de Neymar car lui est important pour le monde entier…En France on est encore relativement dans une presse sérieuse si on compare à d’autres pays voisins mais même si les gens se plaignent d’un format plus tabloïd, il n’empêche que les chiffres démontrent que c’est ce que les gens aiment lire, et dans tous les médias. Il y a une certaine hypocrisie à ce niveau je trouve.
“J'aime les joueurs francs qui n'ont pas peur de parler parce que ça va alimenter des polémiques, mais tout simplement parce que ça nous rappelle que ce sont des hommes.”
Trouvez-vous que les clubs/joueurs ont de plus en plus de mal à parler à la presse et sortent des discours attendus ?
Oui et c’est le cas partout. On veut éviter les polémiques donc on formate les discours des joueurs mais au final, à force, on fait le contraire car le moindre mot plus haut que l’autre va entrainer une tornade médiatique. Comme tout le monde j’aime les joueurs francs, qui n’ont pas peur de parler pas parce que ça va alimenter des polémiques mais tout simplement parce que ça nous rappelle que ce sont des hommes. Le foot est un sport populaire et les joueurs devraient être proches de ceux qui déboursent pour leur permettre d’avoir leurs salaires confortables. En Angleterre j’ai vu des personnes se priver de choses pour se payer l’abonnement de leur équipe favorite. Les discours lisses les déshumanisent.
J’imagine qu’un lien différent peut se tisser avec un club / des joueurs / entraineur /staff lorsqu’on le suit quasi quotidiennement, sans pour autant (bien évidemment) tomber dans le copinage ou le « supportérisme » ?
Évidemment ! Notre conscience professionnelle reste notre guide. On peut apprécier tel ou tel joueur (ou entraineur ou staff) mais du moment où on écrit, on est journaliste. On met de côté nos sentiments, qu’ils soient bons ou mauvais d’ailleurs. De toute façon, de nos jours, tout est scruté. Je pense que ce serait flagrant si c’était le cas. En revanche, je profite de cette question pour rappeler qu’un journaliste n’est pas obligé d’aimer l’équipe qu’il suit. On m’a déjà reproché de suivre le PSG alors que je ne cache pas mon amour pour United. Je m’éclate à suivre le PSG mais ça reste mon travail ! Je ne suis pas de la vieille école qui interdit aux journalistes d’afficher leurs préférences car j’estime que l’on fait un métier par vocation, passion. On a tous une histoire avec un club qui nous a amené à aimer ce sport. Le nier ou le cacher n’est pas nécessaire pour moi. Mais encore une fois, si supporter le club qu’on suit professionnellement n’est pas une faute, ne pas le supporter ne nous rend pas moins légitimes.
Si on parle du PSG, le changement d’entraineur était-il une nécessaire pour atteindre encore un palier, particulièrement lorsqu’il choisit d’être plus proche des joueurs ?
Je trouve la gestion humaine de Tuchel avec ses joueurs très intelligente. Plus moderne. Pour moi c’est celle que l’on doit adopter car les talents d’aujourd’hui font partie d’une nouvelle génération, qui ne marche pas avec la peur et les réprimandes. Le collectif avait besoin d’un homme chaleureux qui sache aussi imposer ses règles. Tuchel est parfait dans ce rôle…pour le moment. Là ça reste le début de l’aventure, et elle commence très bien pour lui. On verra comment il gérera l’équipe quand elle sera dans le dur.
Aussi, est-ce que vous misez sur un joueur en particulier pour cette année ?
Le problème récurrent de cette équipe a été que l’on misait sur un joueur en particulier. Tuchel essaie de mettre le collectif en avant, et petit à petit il y arrive. Je pense que c’est la clé pour cette équipe, ils ont toujours eu les individualités, il faut maintenant passer à l’étape supérieure. Sinon sans surprise, quand tu as un Neymar et un Mbappé dans l’équipe, tu te dis que s’ils continuent sur leur lancée, ça peut faire très très mal.
Enfin, que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
D’être heureuse dans ce que je fais. De continuer de m’épanouir, de ressentir la même joie à chaque rencontre (bon je l’avoue, il y a des matches dont je pourrais me passer). D’être saoulée des trêves internationales parce que ça me manque. Et pourquoi pas, de suivre un club anglais.
Sabrina, merci pour le temps que vous nous avez accordé.