L'un tourne à 25.5pts, 5.2rbds et 4.4asts de moyenne et est l'arme offensive numéro une de la meilleure équipe NBA. L'autre avec ses 27.9pts depuis le début de saison, agrémentés de ses 5.2rbds et 5.1asts réalise tout simplement la meilleure saison de sa carrière, au sein d'une franchise que l'on attendait absolument pas leader à l'Est au All-Star Break. Pourtant, Devin Booker et DeMar DeRozan ne sont que très peu cités au moment où un titre revient sur toute les lèvres : MVP. Si la blessure de Kevin Durant semble lui enlevé tout espoir de décrocher le gros lot, si Steph Curry s'essouffle malgré une saison exceptionnelle, Joël Embiid, Nikola Jokic, Giannis Antetokounmpo voire Ja Morant sont parfois plus mis en avant. A juste titre, tant leurs saisons respectives forcent l'admiration. Mais pourquoi délaisse-t-on aussi systématiquement les deux meilleurs joueurs des deux meilleures équipes, définition même d'un MVP en règle générale?
Booker, leader d'un collectif hors-norme
CP3. Voilà peut-être (sans doute) la raison principale de son absence dans la course au trophée de meilleur joueur de la saison. Si l'ancien de Kentucky réussi à aligner saison de haute voltige / résultat collectif (car il n'est pas au niveau individuel de sa meilleure saison en NBA), il le doit également au Point Gold, qui, comme le bon vin, se bonifie avec l'âge. Résultat, difficile de sortir son épingle du jeu, puisque c'est tout un collectif qui marche sur la ligue. Avec près de 11 passes par match, Chris Paul est le véritable chef d'orchestre de la troupe d'Arizoniens, tandis que Booker n'en est “que” le leader au scoring. Si l'on compare certaines de ses statistiques à ses premières années en NBA, D-Book n'a pas forcément gagné en standing : deux passes de moins qu'en 2018-2019 par exemple, 1pt de moins en moyenne que cette même année-là, un pourcentage global au shoot légèrement inférieur aux deux précédentes saisons.
Mais certains points sont à relativiser: lors de ses débuts, et jusqu'à la saison dernière, les Suns n'avaient aucune ambition collective, et tous les ballons passaient par le natif de Grand Rapids. Alors forcément, les moyennes de points et de passes étaient plus élevées. De plus, avec l'arrivée de CP3, moins de ballons arrivent entre ses mains, il faut donc d'avantage les rentabiliser. Et c'est ce que Booker fait à merveille. Avec 37.2% de réussite derrière l'arc, il est au niveau de sa meilleure saison sur cette ligne statistique, datant de 2017-2018. Il perd moins de ballons que les années précédentes (2.4 en moyenne), prend plus de rebonds (5.2, jamais il n'en avait pris autant), et réalise une interception par match, là aussi total le plus élevé. En somme, Booker s'est plié au collectif, tout en ayant augmenté son volume de jeu. Il n'est plus le dépositaire du jeu, mais se montre dans d'autres domaines, tout en restant extrêmement efficace au shoot.
Pour s'en rendre compte, il n'y a qu'à regarder certaines de ses prestations, et notamment lors des matchs qui comptent : 38pts à 14/23 pour une victoire contre les Bulls, 43pts à 16/28 lors de la démonstration à Utah, 48pts à 18/33 lors de la balade contre les Spurs, 35pts à 14/21 au shoot lors d'un succès contre Cleveland. Et cette liste pourrait encore être longue, tant Booker semble sur un nuage.
Avec de telles statistiques, personnelles et collectives, nul doute qu'il aurait été un candidat crédible au titre de MVP. D'autant plus s'il évoluait à Los Angeles, Miami, ou New-York.. Malheureusement pour lui (et bien qu'il soit loin d'en faire une obsession), cela risque d'être juste pour décrocher le Graal individuel cette saison.
DeRozan, l'éternel mis de coté
Ce Graal, DeMar DeRozan mériterait tout autant, si ce n'est plus, de l'atteindre. Phénoménal depuis son transfert chez les Bulls de Chicago, l'ancien des Spurs réalise tout bonnement la meilleure saison de sa carrière. Avec 28.1pts de moyenne, il atteint des sommets qu'il n'avait jamais tutoyé depuis son arrivée dans la ligue. Mettre en avant uniquement le scoring serait réducteur, compte tenu de son impact sur l'ensemble du jeu collectif des Bulls. Avec 5.2 rebonds (troisième meilleure performance de sa carrière), et 5.1 passes (il n'avait fait mieux qu'au Spurs) il est l'homme à tout faire de la franchise de l'Illinois. Rappelons tout de même que cette dernière, première à l'Est à l'heure actuelle, n'a terminé que 11ème l'année dernière, sans lui. Rôle player a t-on dit.
Dans une saison de rêve pour Chicago, DeRozan a sorti quelques coups d'éclats qui lui ont permis de se mettre en avant, lui le discret souvent snobé : il est devenu le premier joueur de l'histoire à réaliser deux buzzer-beater en back-to-back, sur la truffe des Pacers, puis des Wizards. Dernièrement, il est tout simplement devenu là aussi le premier, devant Wilt Chamberlain s'il vous plaît, à enchaîner sept rencontres à +35pts à au moins 50% au shoot ! Le roi du midrange ne touche plus terre en ce moment. 38.6pts de moyenne sur ces sept rencontres, 18 rencontres consécutives à au moins 23pts, des statistiques sensationnelles. Il est dans la zone, et rien ni personne ne semble en mesure de le stopper. Surtout, son influence est telle sur le sort d'un match, qu'il dégage une impression de domination. Dernier exemple en date, lors du succès contre les Kings. Au moment où Sabonis et toute sa nouvelle clique ont commencé à prendre l'ascendant, le natif de Compton a alors montré les muscles, prenant le jeu en main, pour inscrire une bonne vingtaine de points dans le second acte et offrir un nouveau succès aux siens.
Le véritable couteau-suisse des Bulls est capable de tout faire : aller chercher des lancers (plus de 8 par match en moyenne, prends ça Barbudo!), shooter à mi-distance, sa vraie arme, mais également s'élever derrière la ligne à 3pts. Cela faisait quatre ans qu'il ne prenait plus autant de shoot longue distance, bien que cela reste assez rare. Mais surtout, avec 34% de réussite derrière l'arc (pourcentage faible, on vous l'accorde), il réalise la meilleure saison de sa carrière dans ce domaine.
Mais pourquoi n'est-il alors pas considéré comme le favori, lui le meilleur joueur de la meilleure équipe à l'Est. Hormis le fait que Giannis, Jokic ou Embiid soient eux aussi au rendez-vous, DeRozan a toujours été catalogué comme un looser, lui qui n'a jamais réussi à emmener sa franchise de toujours, Toronto, plus haut qu'une finale de conférence. Souvent éliminés par LeBron, les Canadiens ont, des années durant, fait un énorme complexe d'infériorité par rapport au King. Et c'est souvent l'ancien des Trojans qui en a payé les pots cassés. Parti s'exilé à San Antonio, plus près de chez lui (il souhaitait se rapprocher de son papa, malade), il n'a jamais été désigné autrement qu'un “pion” d'un collectif bien rodé par l'inusable Popovich, dans le Texas.
Les observateurs ont toujours trouvé des excuses pour dénigrer un joueur qui n'a jamais dérogé à sa ligne de conduite. La NBA a évolué, lui est toujours resté dans ce qu'il s'est faire. Et cela paye, puisqu'il survole la ligue à l'heure actuelle. S'il n'est pas désigné meilleur joueur à l'issue de la saison, c'est uniquement parce qu'à coté, les autres auront été monstrueux.
Dans un monde où les statistiques collectives auraient autant d'importance que celles individuelles, Devin Booker et DeMar DeRozan se disputeraient sans doute le titre de meilleur joueur de la saison. Malheureusement pour eux, le trophée de MVP revient généralement au joueur le plus marquant de la saison. S'ils sont tout de même en course pour décrocher le titre suprême, difficile de les imaginer empocher la mise. Malgré tout, leurs saisons respectives restent sensationnelles, et nul doute que ces deux bougres préféreraient volontiers décrocher une bague, plutôt qu'un titre de MVP.
Crédit photo : MyKhel