Une semaine après, c’est bon normalement, non ? Tout le monde a donné son avis sur le « Serenagate » en finale de l’US Open ? Les joueurs, les spectateurs, les instances, les pères-la-morale, SOS Racisme, Bernard Giudicelli, Marlène Schiappa (« qui a pas » grand-chose d’intelligent à dire…), ta grand-mère, ton chat, la LGBT, l’Association amicale des amateurs d’andouillette authentique… Comment ? Philippe Poutou n’a pas encore parlé ? Bon ben c’est pas grave, on se passera de son avis…
Non, maintenant qu’on est entre nous, fans de tennis, on peut se le dire sans risquer de se faire tomber dessus. Un joueur qui pète un câble, on a encore rien trouvé de mieux pour se fendre la poire. Mais avouez-le, bande d’hypocrites ! Si Serena avait mis 2 et 3 à la petite Jap’ comme la logique l’aurait voulu, vous auriez à peine allumé votre télé. Alors que là, les pop-corn étaient de sortie et les réseaux sociaux en fusion. Et c’est pareil dans le tournoi pourri de ton club. Quand deux niais de tête de 4è série au charisme de bulot et au short Intersport s’affrontent sur le court n°7 (le Quick poreux qui fissure au niveau des joints du carré de service), a priori, tu préfèrerais passer tes vacances d’été aux JMJ plutôt que de les regarder plus de trois jeux d’affilée. Mais quand l’un des deux niais commence à balancer sa raquette dans le champ de maïs d’à côté ou traiter l’autre de bigleux sur une annonce litigieuse, là, ton œil rendu lourd et pataud par l’excès de Mojito de la veille s’illumine d’un coup. Chting ! Début de l’émission de télé-réalité, mais en mieux (car sans la télé). La preuve une fois de plus qu’un terrain de tennis, sport qui n’a pas son pareil pour mettre à nu la nature humaine et tout ce qu’elle a de plus médiocre en elle, peut se transformer à tout moment en immense scène de théâtre à ciel ouvert.
Bon, tout ça c’est bien marrant, mais quand c’est toi qui dois faire face à un joueur qui d’un coup se transforme en Hulk, ça l’est beaucoup moins. Ok, je vais pas reprocher à certains de m’avoir infligé ce que j’ai moi-même infligé à des centaines d’adversaires sur un terrain de tennis, où mon comportement ferait parfois, me dis-je, un parfait cas d’étude pour un expert en schizophrénie psychotique. Mais – et ceci explique peut-être cela -, je ne sais jamais vraiment quoi faire, quoi dire, face à un mec qui disjoncte en face de moi. Peut-être l’histoire de l’arroseur arrosé. Allez savoir.
Et il va sans dire que dans les bas-fonds tennistiques où j’évolue, la chose arrive assez souvent. L’autre jour que j’étais à ferrailler face au père spirituel de Benoît Paire, protagoniste important pour ceux qui suivent mon blog (cela dit, va falloir que je l’appelle autrement si Ben continue de jouer les bonzes zen en coupe Davis), celui-ci partit d’un coup dans une digression qui me laissa littéralement pantois et coi. « Mais putain de merde, s’exclama-t-il à la suite d’un moon-shot qui avait certes manqué d’abattre un airbus, sans que je puisse savoir s’il s’adressait à lui-même, à ma personne ou aux passagers de l’airbus, qu’est-ce que je fous là, je me suis levé à 5h du mat’, j’ai bossé toute la journée, en plus ma femme me fait chier ! »
Euh… Le rapport avec la choucroute et avec la balle de break que je venais alors de me procurer ? Aucun ! Pas plus que quand Serena Williams vient parler de sa fille à l’arbitre alors que la pauvre petite, tranquillement endormie dans son cosy, n’était quand même pas responsable du coaching de Mouratoglou ou des minasses balancées par Osaka. C’est juste l’essence même du tennis de nous vriller le cerveau dans tous les sens. Sauf que moi, eh ben je suis pas Osaka. Après la tirade du père spirituel de Benoît Paire, impossible de continuer à jouer normalement. Comme si une partie de moi compatissait et avait envie de le remettre en selle plutôt que de l’accabler. J’ai fini par perdre ce putain de match, qui heureusement n’était qu’un simple entraînement. Voilà : j’avais été le psy, il avait été mon patient. Efficace, la thérapie…
Après coup, quand j’y réfléchis, je me dis : mais pourquoi ??? Pourquoi le tennis est comme ça ? Pourquoi on y met tant d’enjeux, tant d’ego, tant de cœur ? Je sais pas moi, imagine, tu fais la cuisine, tu te rates, tu fais trop cuire ta viande, est-ce que tu vas pour autant fracasser ta poêle contre le mur et te mettre à hurler à ta femme que c’est à cause de ton patron qui t’as pris la tête toute la journée ? Non (à la limite, il y a un risque sur ce coup-là que ce soit ta femme qui te hurle dessus, mais c’est hors sujet) !
Alors, on devrait pas s’autoriser sur un terrain un comportement qu’on ne conçoit même pas dans la vie de tous les jours. Voilà pourquoi, à
force, ça m’énerve les gens qui s’énervent sur un terrain de tennis. On s’en reparle à mon prochain fracassage de raquette…