À un an des Jeux Olympiques, Tokyo accueillait cette semaine les Championnats du Monde de judo dans son Nippon Budokan au cœur de la ville.

Les téléspectateurs de la chaine L'Équipe, qui diffusait intégralement l’événement, auront eu la chance de voir, sans forcément tout comprendre, les Français(es) monter sur le podium et chanter la Marseillaise.

Toute juste terminée, retour journée par journée sur cette édition aux airs de franche réussite pour l’équipe de France et de bon augure pour la compétition olympique.

 

Jour 1 : Petits gabarits et grande surprise

Chez les féminines de -48 kg, la hiérarchie mondiale semble établie. La jeune Ukrainienne Bilodid, mannequin à ses heures et championne du Monde en titre, conserve sa couronne cette année en battant comme l’année dernière la japonaise Tonaki lors de la finale.

Viennent compléter le podium la Kosovarde Krasniqi et la Mongole Munkhbat, tombeuse de notre Française Mélanie Clément dans cet ultime combat pour la médaille.

Forcément déçue, la judokate vosgienne ne se laisse pas abattre pour autant et vise une médaille olympique l’année prochaine, galvanisée entre autres par sa victoire aux repêchages sur l'Argentine championne en 2016 à Rio.

Dans la catégorie masculine des -60 kg, la présence sur le podium d’un seul des deux engagés japonais, sur la troisième marche qui plus est, a eu l’effet d’une petite surprise dans le monde du judo.

Le favori du jour s’appelait Takato, champion du Monde 2017 et 2018 et médaillé de bronze aux JO 2016. Opposé au Français Walide Khyar en 8e de finale, il ne s’impose qu’au jeu des pénalités avant de se faire envoyer en repêchage par la jambe de l’Ouzbek Lutfillaev en quart.

Ce dernier parvenait en finale où il devait s’incliner contre le Géorgien Chkhvimiani tombeur en demi-finale de Nagayama, l’autre Japonais de la catégorie.

Combat pour le bronze entre les deux compatriotes nippons, qui finira par tourner à l’avantage de ce dernier après un combat de très haut niveau qui aura tenu l’assistance en haleine pendant 4 longues minutes et un mouvement sur le gong.

 

Jour 2 : Le Japon s’active, la France piétine

Pour ce deuxième jour, combats de -66 kg pour les hommes et -52 kg pour les femmes. Le Japon reproduit le même schéma dans les deux catégories et classe ses quatre athlètes.

Chez les hommes, les surprises se sont poursuivies comme la veille avec les sorties prématurées du Géorgien et de l’Israélien, tous deux en bronze sur l’édition 2017.

Dans le bloc final, on retrouvait les deux Japonais de la catégorie pour une confrontation en demi, et une place en finale au profit de Maruyama qui sut prendre le meilleur sur le champion en titre Hifumi Abe.

Dans l’autre demi-finale, le Moldave Vieru et son style très séduisant durent s’incliner face au Coréen Kim, mais comme pour Abe, il réussit à remporter son ultime combat pour le bronze.

Chez les féminines, la championne du Monde en titre Uta Abe (sœur de) s’offre le doublé face à la combattante russe Kuziutina après être venue à bout de la championne olympique en titre Kelmendi en 7 minutes de demi-finale.

L’autre Japonaise de la catégorie, Shishime, prend la médaille de bronze au dépend de la Française Amandine Buchard, cantonnée à une triste 5e place malgré ses capacités pour aller chercher une seconde médaille mondiale de suite.

 

Jour 3 : La magie et l’envie

Malgré les 87 combattants présents dans la catégorie des -73 kg, il y avait peu de doute sur l’identité de celui qui serait sur la plus haute marche du podium à la fin de la journée.

Shohei Ono, 27 ans, double champion du Monde 2013 et 2015 et champion olympique 2016, qui avait mis le judo entre parenthèses pendant un an en 2017 pour finir son mémoire d’études, a réussi l’exploit de faire passer tous ses adversaires pour des amateurs.

Extraterrestre dans le monde du judo, il n’aura concédé aucune valeur lors de ses six combats du jour et aura passé en moyenne deux minutes sur le tapis par affrontements.

L’autre très belle performance du jour dans cette catégorie est à mettre au crédit de l’Azerbaïdjan qui concrétise ses deux chances de médailles en plaçant Orujov, déjà vice-champion olympique, sur la seconde marche, et le jeune Heydarov sur la troisième au côté du Russe Iartcev tombeur du Français Chaine en 8e de finale.

Chez les filles de -57 kg, la France recueille une fois de plus une cinquième place, frustrante par l’absence de médaille mais tellement pleine de promesse pour Sarah Léonie Cysique qui participait ici à ses premiers mondiaux. Battue une première fois par la future championne puis finalement en place de trois par la championne olympique en titre Silva, la jeune combattante aura de nombreuses occasions de rebriller.

Ironiquement, la Canadienne Deguchi nouvellement titrée est née et a été formée au Japon, avant de se faire naturaliser dans le pays de son père parce que barrée par la concurrence et une certaine Yoshida, qu’elle bat chez elle lors de la finale de cette compétition.

 

Jour 4 : Des larmes de joie, des larmes de peine

La journée avait pourtant si bien commencé… Avec l’entrée en lice de la triple championne du Monde Clarisse Agbegnenou, la France pouvait espérer entendre sa première Marseillaise à la fin de la journée pour cette combattante des -63 kg.

Après des combats largement maitrisés (12 secondes de combat lors du quart de finale), la judokate de Champigny-sur-Marne accéda à la finale après un combat plus serré contre la Hollandaise Fransen, future 3e.

Opposé à la Japonaise Tashiro en finale, les deux femmes se livrèrent un combat dans lequel même le plus novice des spectateurs pouvait ressentir l’intensité, et où chaque mouvement de la Nippone faisait trembler la salle presque entièrement acquise à sa cause.

Et soudain, après 11 minutes de combat, lorsque la fatigue pesait déjà bien lourd dans les jambes, la Japonaise ne put échapper à l’enroulé de la Française.

Un quatrième titre mondial pour Agbegnenou qui reste invaincue depuis 2017, et devient la Française la plus titrée de l’histoire. Alors forcément tant d’émotions, ça fait verser des larmes.

(c) Mayorova Marina

Et puis la politique s’invita sur le tapis… Lorsque la politique se mêle au sport autrement que pour apporter un soutien, c’est très généralement mauvais signe. Le judo n’échappe pas à la règle malgré les accords passés entre la fédération internationale et les différents gouvernements, destinés à mettre de côté le temps d’une compétition les différents que pourraient avoir deux pays.

Mais malgré ces beaux discours, il arrive que certains combattants soient contraints d’obéir aux ordres de leurs ministres. Et ce fut le cas pour l’Iranien Mollaei, champion du Monde en titre dans la catégorie des -81 kg et en quête du doublé.

Malheureusement pour lui, sur la route du sacre se trouve l’Israélien Sagi Muki, prétendant sérieux à la médaille d’or. Écartés au maximum par le hasard du tirage au sort, les deux combattants n’auraient eu à se rencontrer qu’en finale mais après un coup de téléphone, l’Iranien perdait étrangement en demi-finale tout le panache dont il avait fait preuve jusque-là, laissant la place en finale au Belge Casse. On aurait pu penser qu’à défaut d’une confrontation directe en finale, une place de troisième pourrait être une maigre consolation. Que nenni ! Dans l’ultime combat, l’Iranien n’était encore une fois que l’ombre de lui-même, devant laisser échapper la place sur le podium puisqu’il aurait eu à prendre la pose aux côtés du nouveau champion Muki.

Aujourd'hui réfugié à Berlin, l’Iranien, qui a dénoncé l’intervention étatique dans une vidéo, espère pouvoir défendre ses chances aux JO de 2020 sous la bannière des réfugiés politiques, étant considéré comme persona non grata à Téhéran. Alors forcément tant d’injustice, ça fait verser des larmes.

 

Jour 5 : Joyeux Noel, joyeuses Françaises

La semaine avançant, les chances françaises de médailles vont en augmentant notamment chez les filles en -70 kg où on retrouve la vice-championne du Monde de l’année dernière Marie-Eve Gahie ainsi que Margaux Pinot, auteure d’une excellente saison.

Et le moins que l’on puisse dire c’est que ces filles ont sut répondre présente, puisque Gahie fait mieux que l’année dernière en faisant une journée sans faute pour s’adjuger l’or mondial, pendant que Pinot subissait uniquement le mouvement d’épaule de la Portugaise Timo en demi-finale avant de se ressaisir d’une très belle façon pour aller chercher la 3e place.

Dans la catégorie des masculins -90 kg, la France avait aussi un représentant médaillé l’année précédente en la personne d’Axel Clerget. Le judoka de Sucy, passé à coté de ses championnats d’Europe, réalisait un bel exploit en sortant le champion du Monde en titre au deuxième tour, avant de devoir s’incliner en quart contre le Hollandais Noel van ‘t End d’un petit rien.

Au mental, il parvint à passer son combat de rattrapage malgré un début de combat mal engagé, avant de prendre le meilleur dans la place de 3e sur le Suédois Nyman grâce à une projection à trois secondes du terme.

Pendant ce temps-là, son bourreau batave continuait son chemin dans cette journée où tout lui réussissait, jusqu’à aller s’emparer de la couronne mondiale après avoir écarté le champion du Monde 2015 en demi puis le combattant local en finale.

 

Jour 6 : Des surprises pas si étonnantes

Dans cet avant dernier jour de compétition individuelle, on trouvait les deux derniers représentants masculins français dans la catégorie des -100 kg.

Après deux premiers tours contrôlés, Alexandre Iddir et Cyrille Maret connurent malheureusement le même sort et la défaite en huitième de finale. Quelques regrets pour Iddir, contré dans les tous derniers instants de son combat, et beaucoup de tristesse pour Maret qui voyait là sa dernière chance d’aller chercher une médaille mondiale, la seule qui lui manque. La saison à venir sera très intense pour les deux champions puisque seul l’un d’entre eux pourra prétendre à une place aux Jeux Olympiques à l’été prochain.

Dans un bloc final quelque peu chamboulé mais homogène, c’est le Portugais Fonseca qui tira le mieux son épingle du jeu pour aller chercher la plus haute marche du podium et gratifier l’assistance de quelques pas de danse en sortant du tapis. En finale, il bat le russe Ilyasov, tombeur de Maret et de Wolf, le Japonais, dans la matinée, que l’on retrouve finalement en bronze aux côtés du Néerlandais Korrel.

Chez les femmes, le bloc final des -78 kg était au contraire complètement conforme à ce que l’on pouvait attendre au début des combats.

Finale France – Japon entre Madeleine Malonga et Sori Hamada, conclue en moins de deux minutes trente par la Française, très bien rentrée dans cet ultime affrontement. Impériale sur la journée, elle n’aura passé en moyenne que 2 minutes sur le tapis par combat.

 

Jour 7 : L’albatros plus haut que jamais, Sone la réussite

Catégorie reine au Japon, les poids lourds masculins ont retenus toute l’attention pour ce dernier jour de compétition. D’autant plus que le combattant nippon était parvenu en finale après être parvenu à sortir le champion en titre géorgien lors de la demi-finale.

Mais face à lui se dressait celui qui est surnommé l’albatros, le Tchèque Krpalek. Champion du Monde et olympique dans la catégorie inférieure, il a tenté le pari de se frotter aux (très) lourds et le moins que l’on puisse dire c’est que la transition se passe plutôt bien pour celui qui est parvenu à mettre Teddy Riner en difficulté lors du Grand-Prix de Montréal.

Très mobile debout, très à l’aise lorsqu’il faut coincer l’adversaire au sol et doté d’un solide cardio, il lui aura fallu tout de même 7 minutes 50 pour venir à bout du Japonais exténué, au jeu des pénalités.

Sur le podium, le jeune Coréen Kim les accompagnait au côté du Hollandais Meyer et ses 122kg de muscles, qui ne l’ont pas empêché de faire un grand écart au sortir de son combat pour le bronze.

Chez les féminines de +78 kg, la championne du Monde en titre japonaise Asahina dut laisser la couronne à sa compatriote Sone après que celle-ci ait réussi à battre en finale la légende cubaine Ortiz, et se « contenter » d’une médaille de bronze.

Après un titre de championne du Monde cadette en 2015, juniors en 2017 et maintenant seniors en 2019, il faut espérer pour la combattante de 19 ans qu’elle sera prête pour les JO 2020 à domicile.

 

Jour 8 : L’union fait la force

Dernier jour de compétition pour les athlètes, avec l’épreuve par équipes mixtes regroupant 6 combattant(e)s. Tous ne sont malheureusement pas concernés, certaines nations ne pouvant réunir suffisamment de combattants pour toutes les catégories demandées.

Cependant, même dans les équipes en lice, certaines se présentent avec une catégorie vide, laissant un point d’avance à l’adversaire. C’est ce qui permit à la France de partir avec un léger avantage contre Cuba, ces derniers n’ayant personne à présenter pour combattre en -57 kg.

Mieux encore, après l’égalité 3-3 au terme des combats réguliers, il fallut tirer une catégorie au hasard pour refaire un combat décisif… La bonne étoile des Français fit tomber ce hasard sur la catégorie des -57, et la France accédait à la demi-finale après avoir un peu tremblé.

Opposés à la Russie, la finalité fut presque la même puisqu’il fallu retirer une catégorie au sort pour recombattre après égalité, à la différence que les Russes avaient présenté une équipe complète et que le combat était donc inévitable. Fort heureusement, l’heureuse élue fut la néo-championne du Monde Marie-Eve Gahie, qui permit à la France de rejoindre le Japon en finale.

Quoi de mieux que les deux meilleures équipes de la semaine pour une finale grandiose et pleine de suspense ?

Le premier combat tourna à l’avantage des Japonais après un très joli balayage de leur poids lourd face à Cyrille Maret. Le second démontra encore une fois tout le talent de Sarah Léonie Cysique qui ne prit que 23 secondes pour planter son adversaire et remettre les compteurs à égalité.

Face au terrible Ono, Guillaume Chaine fut impuissant et prit la foudre sur deux séquences parfaitement exécutées par le combattant nippon. Marie-Eve Gahie ne put elle aussi contenir son adversaire et laissa le score à 3-1 avant l’entrée sur l’aire de combat d’Axel Clerget.

Encore une fois extrêmement fort dans la tête, le Français produisit son effort pendant 9 minutes avant de parvenir à immobiliser son adversaire, bien que l’arbitre ait dû recourir à l’assistance vidéo pour accorder la victoire aux Bleus.

Mais malheureusement la victoire finale revint au Japon après qu’Hamada ait pris le meilleur sur Madeleine Malonga dans une revanche de leur affrontement de l’avant-veille, laissant la France avec une médaille d’argent.

 

Très intense tout au long de la semaine, les combats entre les divers favoris ont permis à chacun de se positionner et de prendre la mesure de la concurrence en vue des Jeux Olympiques de l’an prochain, qui restent l’objectif majeur pour les athlètes.

Il faudra cependant y compter sur des athlètes malheureusement absents cette année comme évidemment Teddy Riner, ou le -73 kg An champion du Monde 2018 blessé, mais on espère surtout y voir du sport sans interférence quelle qu’elle soit.

Photo Une : Mayorova Marina