Cette nuit, le Brésil affrontera la Bolivie à Sao Paulo en guise d’ouverture de la Copa América 2019. Les hommes de Tite tenteront de décrocher un nouveau titre, cent ans après la première Copa América organisée et remportée par la Seleçao.
Pelé, Zico, Romario, Ronaldo, Ronaldinho… A chaque génération ses légendes du football brésilien. Mais si on ne connaît que trop bien le Canarinho et ses cinq sacres en Coupe du Monde depuis 1958, la Copa América nous rappelle à un passé plus ancien, là où la gloire Auriverde prend ses racines. Il y a 100 ans, le Brésil organisait la troisième Copa América de l’histoire et écrivait pour la première fois son nom dans la légende du ballon rond.
Un contexte particulier
La première édition de la Copa América a lieu en Argentine et est remportée par l’Uruguay en 1916, ce qui en fait la plus ancienne compétition internationale de football. Elle n’accueille à l’époque que quatre équipes : l’Argentine, l’Uruguay, le Chili et le Brésil. Le projet est de faire s’affronter ces pays chaque année dans ce qui s’appelle alors le championnat sud-américain des nations. En 1917, c’est au tour de l’Uruguay d’accueillir la compétition qui est à nouveau remportée par la Celeste. L’année suivante, le championnat sud-américain des nations doit se tenir au Brésil, troisième lors des deux premières éditions. Mais cette même année, une épidémie de grippe espagnole tue plus de cinquante millions de personnes à travers le monde, dont environ 35 000 brésiliens. Cette tragédie repousse la troisième édition de la compétition qui a finalement lieu en 1919 à l’Estadio de Laranjeiras de Rio de Janeiro, stade construit pour l’occasion et qui est alors le plus grand en Amérique avec une capacité d’environ 25 000 places.

Arthur Friedenreich, la première légende auriverde
Sous la forme d’une poule de quatre équipes, chaque nation joue face aux trois autres et celle qui termine en tête du groupe est sacrée championne.
L’épopée brésilienne débute par une cinglante victoire 6-0 face au Chili. Si Haroldo corse l’addition en toute fin de match, Neco et Friedenreich s’illustrent particulièrement en inscrivant respectivement un doublé et un triplé.
La deuxième rencontre oppose le Brésil à l’Argentine, un match remporté sans soucis 3-1 par la Seleçao grâce à des réalisations de Héitor, Amilcar et Millon.
Parallèlement, l’Uruguay s’est imposé face à l’Argentine (3-2) et au Chili (2-2), et truste donc la première place du groupe à égalité de points avec le Brésil. La troisième et ultime rencontre de ce championnat sud-américain des nations 1919 est donc décisive. L’affirmation de la domination uruguayenne ou le couronnement du Brésil sur ses terres ?
La Celeste prend rapidement l’ascendant sur son adversaire en inscrivant deux buts avant les vingt premières minutes de jeu. Mais le Brésil ne veut pas laisser passer sa chance et revient dans le match grâce à un doublé de Neco, qui devient alors le meilleur buteur de la compétition. Le score ne bouge plus et oblige les deux équipes à jouer un nouveau match qui sera la première finale de l’histoire de la Copa América.
Le 29 mai 1919, entre 30 000 et 35 000 supporters s’entassent dans les travées de l’Estadio de Laranjeiras. Brésiliens et Uruguayens se neutralisent et le temps réglementaire s’achève sur un score nul et vierge. Le match file en prolongations et confrontent les vingt-deux acteurs à un effort physique rare. A l’époque, les règles prévoient deux prolongations, chacune divisée en deux mi-temps de quinze minutes. Le match ne peut atteindre la deuxième prolongation que si le score est toujours nul à la fin de la première. Au terme de celle-ci, le Brésil et l’Uruguay sont toujours dos à dos et disputent une rencontre qui s’achève donc après 150 minutes de jeu. Mais à la 122ème, un jeune métis, fils d’un immigré allemand et d’une brésilienne noire, vient délivrer tout un peuple. Barré toute sa jeunesse par une société profondément raciste qui réserve le football à une élite blanche, Arthur Friedenreich offre au Brésil sa première Copa América. Celui qui passera la barre des mille buts en carrière est affublé du surnom « El Tigre » (Le Tigre) par la presse uruguayenne dès le lendemain matin, tandis que les journaux brésiliens l’appellent « Pé de Ouro » (Pied en Or). Ce soir-là, Arthur Friedenreich devient le premier roi du football do Brasil.

Un an après le traumatisme de la grippe espagnole, le pays tout entier retrouve la joie et célèbre ses héros au maillot blanc. Une tunique abandonnée par la Seleçao après l’échec à domicile lors de la Coupe du Monde 1950, mais que son équipementier Nike a décidé de remettre au goût du jour pour la Copa América 2019. De quoi pousser le Brésil vers un neuvième trophée, un siècle après le premier ?