Le 14 juin, la 46e Copa America va débuter. Cette année, la compétition va accueillir deux nations asiatiques. Explication d’une spécificité sud-américaine.

Cela ne doit pas être facile d’être une équipe moyenne, voire médiocre en Amérique du Sud. La fédération CONMEBOL compte dix membres. Cela veut dire que pour les éliminatoires en vue de la Coupe du Monde, les dix nations s’affrontent dans une poule unique. A-chaque-fois. Contrairement à l’UEFA et ses 55 membres et ses multiples poules de 4 ou 5, la fédération sud-américaine organise un « méga » championnat à dix afin de désigner ses représentants. A-chaque-fois. Le calendrier d’une équipe qui ne dispute pas la Coupe du Monde se résume donc à affronter systématiquement les neuf mêmes équipes.

Donc pour remédier à ça, il existe la coupe sud-américaine, appelée Copa America. Mais encore une fois, jusqu’en 1993, cette compétition n’abritait que les dix nations membres et n’apportait quasiment aucune nouveauté pour ses nations membres. En 1993, la CONMEBOL intègre deux nations d’Amérique du Nord (CONCACAF) à sa compétition : les Etats-Unis et le Mexique. C’est une occasion de voir de nouvelles têtes. La compétition ne donnant place à aucune phase de qualification (contrairement au Championnat d’Europe des Nations), elle a lieu tous les deux ans depuis 2016.

De 12 à 16 nations

Depuis, les invités se sont succédé. Le Mexique a disputé dix Copa América (1993, 1995, 1997, 1999, 2001, 2004, 2007, 2011, 2015 et 2016), le Costa Rica (1997, 2001, 2004, 2011 et 2016) en a joué cinq alors que les Etats-Unis en sont à 4 (1993, 1995, 2007 et 2016). Le Pays de l’Oncle Sam a même la particularité d’avoir organisé, sur son sol, l’édition 2016. Quatre autres équipes d’Amérique du Nord et Centrale ont eu la chance d’être invités : la Jamaïque (2015 et 2016), Haïti (2016), Honduras (2001) et le Panama (2016).

A noter que la Copa America 2016 comptait seize participants (contre douze habituellement), d’où le nombre élevé de nouveaux invités. Cependant, la configuration à seize nations n’a pas forcément pris. De plus, organiser le tournoi en dehors des terres sud-américaines a fait un véritable flop. A trop vouloir se diversifier, la CONMEBOL n’avait pas réussi son pari.

En 1999, la compétition prend également un autre tournant. Un tournant international puisque pour la première fois une équipe extérieur du continent américain participe au tournoi. Emmenés par le français Philippe Troussier, le Japon vient découvrir le football sud-américain. Les résultats ne sont pas au rendez-vous puisque les Samurai Blue ne prendront qu’un seul point dans une compétition qui verra le Brésil de Ronaldo, Ronaldinho, Rivaldo, Cafu et Roberto Carlos soulever le trophée.

« Merci, mais non merci »

Dans l’histoire de la Copa América, de nombreuses nations ont du décliner l’invitation. Pendant dix ans, les Etats-Unis avaient été contraints de refuser les appels du pied de la CONMEBOL, le calendrier du tournoi n’étant pas adapté pour la tenue du championnat local, la Major League Soccer. En 2001, le Canada devait également être de la partie mais a été remplacé à la dernière minute par le Honduras à cause d’un manque de sécurité.

L’édition 2011 a également compté de nombreux désistements. Le Japon devait y participer malgré le fiasco de 1999. Cependant, les japonais évoluant en Europe ne pouvaient pas se rendre disponible. De plus, un tremblement de terre avait frappé le pays du Soleil-Levant. Toujours la même année, l’Espagne pouvait devenir la première nation européenne à disputer cette compétition mais leurs joueurs devaient partir en vacances durant ces dates, l’invitation était restée sans réponse.

En 2015, le Japon avait une nouvelle fois refusé l’invitation. Appelé à les remplacer au pied levé, la Chine a également du décliner car le calendrier de la compétition retombait sur les mêmes dates que les éliminatoires AFC du Mondial 2018. C’est donc la Jamaïque qui a profité de ces désistements en prenant part à la Copa América 2015 dans lequel les Reggae Boyz feront un zéro pointé (trois défaites 1-0 contre l’Uruguay, le Paraguay et l’Argentine).

Rêver plus grand

Pour l’édition 2019, la CONMEBOL a décidé d’inviter le Japon qui disputera la compétition pour la deuxième fois après de nombreuses péripéties citées ci-dessus. Les hommes d’Hajime Moriyasu seront dans la poule C avec l’Uruguay, l’Equateur et le Chili. Néanmoins, l’invité surprise de cette édition n’est pas le Japon mais est également membre de l’AFC.

Pour la première fois, la CONMEBOL a décidé d’inviter le Qatar. Cinquante-cinquième au classement FIFA du 4 avril 2019, le dernier vainqueur de la Coupe d’Asie des Nations aura droit à un entrainement de luxe avant le Mondial qui se jouera sur ses terres en novembre 2022. Les qataris seront confrontés à l’Argentine, la Colombie et le Paraguay. Cette participation aura plusieurs objectifs pour le Qatar. Ils doivent prouver qu’ils ont une sélection performante qui ne fera pas qu’office d’hôte en 2022 mais bien de nation forte.

Cette vitrine en Copa America pourra leur permettre d’être la première nation à être championne d’Asie et d’Amérique du Sud dans la même année. Avec le Qatar, tout est possible. Pour le moment, la meilleure performance en Copa América pour une nation invitée est pour le Mexique avec deux finales (1993 et 2001). Et si le Qatar pouvait le faire ? La « Génération Coupe du Monde 2022 » peut connaitre une nouvelle aventure cet été. A noter que le Qatar et l’Australie sont pressentis pour être de nouveau invités à la prochaine Copa America l’année prochaine qui se jouera en Argentine et en Colombie. Suite à cette édition 2020, la compétition se tiendra tous les quatre ans en s’alignant sur les dates de l’Euro.

Avec la participation du Qatar, la compétition prend une autre dimension. Le choix peut être contesté car il s’agit d’une nation sulfureuse qui ne jouit pas d’une bonne réputation. Mais c’est le début d’un football qui ne s’arrête pas aux délimitations des frontières. Les nouveaux critères peuvent être médiatiques et surtout financiers. Cependant, l’alignement de la périodicité de quatre ans la même année que l’Euro enterre temporairement l’idée de voir une nation européenne aller titiller les argentins, uruguayens et brésiliens.

 

 (Crédit photo : Forbes)