Méconnu du grand public, Daniel Horlaville est un véritable monument du football français. Portrait du seul joueur sélectionné en Equipe de France sans avoir été professionnel.
A l’heure d’un football professionnel hyper médiatisé et placé sous l’égide de l’argent, son frère amateur souffre souvent d’un cruel manque de considération. Pourtant, un soir d’avril 1969, un ouvrier tuyauteur-soudeur a foulé la pelouse du Parc des Princes, maillot des Bleus sur le dos.
Le véritable football populaire
Daniel Horlaville naît en septembre 1945 à Oissel, en Normandie. Il tape ses premiers ballons dans le club de sa ville, avant de rejoindre à 18 ans l’US Quevilly, l’un des meilleurs clubs amateurs. Mais malgré ses qualités de meneur de jeu, Daniel Horlaville ne mise pas tout sur le football et travaille chez Lozai depuis ses 13 ans. Une usine dont le directeur n’est autre que le président de l’US Quevilly, où tous les joueurs sont employés à l’usine. « Les entraînements, c’était le jeudi soir de 19h à 21h et le mardi matin de 6h45 à 8h45. À 9 heures, on devait être sur notre lieu de travail. Et fallait pas être en retard ! », confiait Daniel Horlaville à So Foot en 2016.
Cette situation pour le moins particulière n’empêche pas Quevilly de dominer le Championnat de France amateur en 1967, et de réaliser un parcours d’exception l’année suivante en Coupe de France. Après avoir notamment éliminé l’Olympique Lyonnais, le club normand se hisse jusqu’en demi-finale de la compétition mais chute face aux Girondins de Bordeaux. Au sein de cette équipe, Daniel Horlaville brille tout particulièrement et signe des performances qui ne passent pas inaperçues. Après avoir représenté la France aux Jeux Olympiques de Mexico de 1968, compétition où les joueurs professionnels ne sont pas encore acceptés, Horlaville joue des matchs non officiels avec l’Equipe de France A, contre l’Algérie ou encore le Real Madrid. Jusqu’à cette fameuse sélection en avril 1969 qui lui permet de disputer un match face à la Roumanie aux Parc des Princes (1-0), devant ainsi le premier et le seul joueur de l’après-guerre à évoluer chez les Bleus en étant amateur. En 1947, Antoine Cuissard avait lui aussi été sélectionné alors qu’il était amateur, mais avait déjà rejoint Clairefontaine en tant que joueur professionnel quelques années plus tôt.
Daniel Horlaville est titulaire et dispute ainsi ses 45 premières et dernières minutes chez les Bleus, avant d’être remplacé à la mi-temps. Malgré qu’il n’ait qu’une seule sélection à son compteur, cette belle histoire attire l’attention de plusieurs grands clubs français. Des recruteurs sont parfois envoyés directement à l’usine où travaille le normand, insuffisant pour l’attirer dans le monde professionnel. Son directeur et président repousse toutes les offres, dont une de Monaco, ainsi que plusieurs convocations de l’Equipe de France : « Mon président, qui me considérait comme son fils, voulait même me payer le salaire que Monaco m’offrait à la condition que je reste toute ma carrière. Une fois, il m’a aussi empêché d’aller en stage avec l’EDF, car je devais travailler », a-t-il également expliqué à So Foot.
En 1971, après le décès du président de Quevilly, Daniel Horlaville fait le grand saut dans le monde professionnel. A 26 ans il rejoint le Paris Saint-Germain, seulement un an après la création du club. Après une saison en première division où le joueur ne dispute que sept petits matchs, le club connaît une scission entre le Paris Football Club, qui continue à évoluer en D1, et le PSG qui joue en troisième division. Le normand poursuit l’aventure au Paris FC, qui descend finalement en deuxième division en 1974.
Daniel Horlaville avec le maillot du PFC en 1973. (Photo parisfootballclub.com)
Daniel Horlaville décide alors de retourner dans sa Normandie natale en signant au FC Rouen, qui évolue également au deuxième échelon national. Après une montée en D1 et une ultime saison en tant que professionnel en 1977/1978, il retourne à Oissel, son club formateur, où il occupe un poste d’entraîneur-joueur pendant trois ans avant d’être simplement entraîneur pendant vingt ans.
Daniel Horlaville travaille ensuite à la mairie de la ville jusqu’à sa retraite. Le 28 avril dernier, le football français a pleuré sa disparition à l’âge de 73 ans. Au-delà d’une belle histoire, Daniel Horlaville a laissé derrière lui un héritage fort et restera à jamais l’un des seuls joueurs emblématiques du football amateur comme professionnel.
L’anecdote
S’il n’a connu qu’une seule fois l’Equipe de France, Daniel Horlaville avait pourtant été appelé une seconde fois avec les Bleus pour un stage estival. Une convocation auquel le joueur n’a pas répondu pour une raison assez particulière : « J'ai refusé car j'avais prévu de partir en vacances. J'étais amateur, j'avais un travail et j'avais déjà posé mes congés », a-t-il indiqué dans une interview pour Planète PSG. « On avait prévu de partir 4 ou 5 jours je ne sais plus où dans un hôtel avec piscine, et ma femme n'était pas trop d'accord pour que j'annule tout ».