Lors d'une visioconférence organisée le jeudi 11 février par la marque de montre Tag Heuer, qui réunissait plusieurs centaines de personnes, André Lotterer est longuement revenu sur sa vie. De son histoire avec la marque à ses envies en tant que pilote, en passant par sa carrière actuelle en Formule E, We Sport vous propose de découvrir un peu plus l'homme qu'est André Lotterer. À travers ses propos, découvrez la routine d'un pilote professionnel. 

 

André Lotterer possède l'un des plus grands palmarès de l'Endurance. Triple vainqueur des 24 heures du Mans, champion du monde de WEC, il est une référence de sa discipline. À 39 ans, il a aussi couru en Super GT au Japon et est, depuis 2017, pilote de Formule E. Passé par DS Techeetah, il entame cette année sa 2e saison avec l'écurie Porsche.

 

Tag Heuer / Porsche, association de deux enseignes mythiques

L'équipe de Formule E de Lotterer est construite à partir de l'association entre Tag Heuer et Porsche, deux marques qui existent depuis longtemps et qui sont des références dans leur domaine. Porsche compte plus de 30 000 victoires dans les diverses catégories de sports mécaniques et Tag Heuer est toujours à la recherche d'innovations technologiques depuis 1860. Dernière trouvaille en date, la première montre connectée mise en ligne par cette marque en 2015.

 

Crédit photo : Porsche Formula E Team.

 

Le slogan de Tag Heuer est ” Don't crack under pressure “, un slogan qui colle parfaitement aux sports mécaniques. André Lotterer avoue que dans la vie d'un pilote, cette expression est valable chaque week-end : ” C'est encore plus vrai aujourd'hui que je suis en Formule E, notamment avec les qualifications, où on a moins de repères “. Mais cette pression n'est pas que sportive, elle est aussi psychologique ou médiatique.

Faire partie de cette écurie a une saveur étrange pour Lotterer qui collectionne les montres Tag Heuer depuis ses 18 ans. ” J'adore leur style, je préfère les montres mécaniques. Mais leurs montres connectées sont très pratiques quand je fais du sport “. Son rêve est de posséder une série limitée, les montres Tag Heuer Monza ou Silverstone. Lotterer a déjà été ambassadeur de la marque lorsqu'il pilotait au Japon, néanmoins, il n'en porte pas lorsqu'il est au volant de sa monoplace.

 

André Lotterer lors d'un meeting organisé par la marque. Crédit photo : Audi.

 

Un pilote de course a une relation au temps particulière : ” chaque seconde de perdue est irrécupérable, une simple petite erreur et ce sont des dixièmes que nous reverrons jamais “. Pour lui, la valeur d'un pilote est liée à ces chiffres.

” La FE se déplace vers les spectateurs “

” La Formule E, c'est la course du futur ! ” André Lotterer pense que les constructeurs se servent de sa discipline pour développer une technologie qui servira à la voiture de M. tout le monde à l'avenir. Mais la Formule E est aussi novatrice dans le sens où elle se déplace vers les spectateurs car toutes les courses ont lieu en centre-ville. Les voitures sont similaires, avec un même châssis notamment, ce qui rend le plateau plus homogène : ” dans les premiers Grands Prix, il y a 8 ou 10 vainqueurs différents donc c'est assez stressant pour nous mais tellement plus spectaculaire pour ceux qui suivent la FE “.

Les spectateurs peuvent aller à la rencontre des pilotes dans le e-village, un endroit dédié aux familles. Séance de dédicaces, course sur simulateur, tout est fait pour occuper les fans : ” c'est un chouette petit festival en ville “, estime le champion. Et les organisateurs sont même allés jusqu'à inclure les spectateurs dans la course : ” avec le fan boost, nous avons un surplus d'énergie pendant 2 secondes “. Après un vote, les 5 pilotes qui ont récolté le plus de votes se voient attribuer le boost. ” Mine de rien, c'est super interactif et les gens viennent de plus en plus nous voir “.

 

Sa saison de FE avec Porsche

” Ma saison ne commence jamais dans une voiture “. Pour préparer au mieux les courses, André Lotterer pratique différents sports pour être dans les meilleures conditions. Des longues sorties de vélo ou du ski de fond pour l'endurance et beaucoup de renforcement et du gainage pour tenir des vitesses élevées dans les virages. Sur le plan mental, il surveille son alimentation pour avoir une vie saine et entamer la saison avec une bonne motivation.

Mais le désavantage d'avoir des courses en ville est que les pilotes ne peuvent pas s'entraîner sur la piste. Les écuries font donc appel à des sociétés qui scannent et reproduisent à la perfection la piste mais aussi l'environnement extérieur : ” avec cette analyse, on voit où il y a de la peinture, une plaque d'égout, etc. Je connais aussi les endroits où j'ai le plus de grip et je prends des repères visuels dans les zones de freinage. Quand j'arrive sur la vraie piste, ces automatismes me reviennent immédiatement “.

André Lotterer passe entre deux et quatre jours dans le simulateur avant les week-ends de course. Il teste les différents niveaux de puissance de sa voiture, ainsi que des scénarios de course : moins de puissance en fin de course, ou des pneus plus usés que ses adversaires par exemple.

Pour sa première saison avec Porsche, les objectifs de l'équipe ont été atteints dès la première course : ” monter sur un podium “. Cela a motivé son équipe à battre des teams plus expérimentés. ” Nous avons eu des hauts et des bas cette saison mais on a toujours appris des choses après les courses. Nous avons eu la courbe de progression la plus forte du plateau “.

 

Ses ambitions pour 2021

Pour préparer cette seconde année, Porsche s'appuie sur les données de 2020. Leur objectif en matière de technique est d'optimiser l'utilisation des pneus et mieux régler leur moteur. Pour cela, l'écurie pourra compter sur l'arrivée de Pascal Wehrlein qui compte déjà plusieurs années dans la catégorie. ” Il a plus d'expérience et va aider le team à grandir “, estime Lotterer. Avec un mélange de jeunesse et d'expérience, le duo allemand pourrait permettre à l'équipe de franchir un nouveau cap.

 

Pascal Wehrlein, nouveau pilote Porsche. Crédit photo : Motorsport.

 

Pour ce qui est du titre de champion du monde, son favori est ” MOI, bien sûr ! “, dit-il en rigolant. Néanmoins, il pense que DS est toujours devant mais que le niveau du plateau est tellement proche que chaque équipe peut envisager le sacre. ” Le tout c'est de bien faire son travail et d'être régulier. Jouer le haut du classement quand ça va et limiter la casse dans les mauvaises courses”.

 

Le week-end type d'un pilote de Formule E

Les week-ends de course commencent le mercredi ou le jeudi avec divers meetings. Les rendez-vous avec la presse et les organisateurs s'enchaînent. Le vendredi laisse place au “check down”, deux ou trois tours avec la moitié de la puissance dans la voiture pour vérifier l'état de la monoplace.

Le samedi, c'est jour de course : ” la journée de la course est la plus stressante ! ” Les pilotes ont leur première séance d'essais aux alentours de 7 heures 30. ” On doit se lever vers 5 heures 30, c'est tôt pour un pilote “, s'amuse-t-il. La 2e séance d'essais libres s'enchaîne après seulement quelques dizaines de minutes de repos.

Les qualifications arrivent en fin de matinée, le ” moment le plus stressant de la journée “, car un tour détermine la position d'un pilote sur la grille. Il y a ensuite une pause plus longue avec notamment une rencontre avec les fans. ” Entre les fans et la course, c'est le seul moment où je peux faire un petit sommeil pour récupérer ” . Puis vient l'heure de la course et toutes les attentes qui vont avec. ” Mentalement c'est le championnat le plus difficile, admet-il. On est toujours en train de faire quelque chose. “

 

Une conduite pas si différente qu'en WEC

Si les deux disciplines s'opposent sur de nombreux points, elles ont quand même des ressemblances. Il y a le travail d'équipe. En endurance, il est primordial car les pilotes partagent une même voiture. Mais en FE, il faut partager le maximum d'info ” y compris avec son coéquipier ” pour que l'équipe progresse.

La manière de gérer l'énergie est très proche. ” Au Mans, on doit consommer un nombre limité d'énergie par tour, comme en FE “. L'objectif du pilote est donc de rouler de manière efficace, économiser de la puissance sans perdre trop de temps. Ce sont ces similitudes qui expliquent pourquoi les pilotes qui viennent des LMP1 hybrides sont performants en FE.

Une conduite en WEC qu'André Lotterer espère retrouver lorsque Porsche reviendra en Endurance à partir de 2023.

 

Un pilote multitâche 

André Lotterer définit la vie de pilote professionnel comme la vie de rêve. Un rêve qui demande beaucoup de sacrifices au départ mais qui sont bénéfiques quand on a une carrière comme la sienne. Néanmoins, il estime que piloter est la chose la plus facile à faire. Il faut savoir gérer l'extérieur : les médias, la relation avec l'équipe ou les sponsors. Pour cela, être fort mentalement est une obligation : ” On a beaucoup de pression mais il faut faire comme si on n'en avait pas “.

En Formule E, le pilote qui l'a impressionné est son ancien copilote Jean-Éric Vergne. ” J'ai beaucoup appris avec lui, c'est un ami mais je veux quand même le battre “. Sinon André est fan d'Ayrton Senna qui l'a fait rêver dans sa jeunesse.

Il a aussi fait une pige en Formule 1, à l'occasion du Grand Prix de Belgique en 2014 avec Caterham. ” J'ai reçu un coup de fil de la direction de l'équipe et j'ai accepté tout de suite. C'était un grand challenge car je n'avais pas fait de test et peu de simulateur. Mais ça reste un chouette souvenir. ” Le motor-home de l'équipe était rempli de médias, un buzz inattendu pour une écurie de fond de grille.

” J'ai terminé devant mon coéquipier en qualif, c'était fou. ” La course fut plus difficile avec un fusible qui a sauté après deux tours, ce qui l'a contraint à l'abandon. ” Mais c'était un beau cadeau d'être pilote de F1 pour un week-end donc il n'y avait pas de déception. ” La semaine suivante à Monza, le patron lui propose d'enchaîner un second week-end mais sans essais libres du vendredi. L'Allemand refuse car il n'a pas assez d'expérience pour se priver de deux séances d'essais libres.

 

André Lotterer au volant de sa Caterham. Crédit photo : WRI2.

 

Lotterer aimerait s'essayer au rallye car il a grandi dans cet univers avec l'écurie que possédait son père. Il a déjà participé à des rallyes classic à Spa avec une Porsche. Le Dakar serait aussi ” super intéressant car c'est une course magnifique. “

À ses heures creuses, André Lotterer aime cuisiner : ” j'ai un four à pizza à la maison “, se balader en buggy, faire de la photographie : ” j'ai quelques plans sympas à réaliser ” et passer du temps avec sa famille.

André Lotterer est un personnage emblématique de l'Endurance et du sport auto en général. L'Allemand a vécu des victoires exceptionnelles dans différentes catégories et sa carrière est loin d'être terminée. À travers cette visioconférence, il nous a permis de mieux découvrir sa vie et l'homme qui l'est. Il sera de retour sur la piste de Dariya en Arabie Saoudite pour le premier meeting de Formule E de 2021, à partir du 26 février.

 

Crédit photo une : Porsche Formula E Team.