Ancien espoir de l’Élan Chalon, Quentin Diboundje a traversé l’Atlantique l’an dernier pour poursuivre son rêve américain. Récemment committ à l’Université du Tennessee, il nous a accordé une partie de son temps pour revenir sur son parcours, son jeu et sa mentalité avant de partir à l’assaut de la D-1 NCAA.
We Sport : Bonjour Quentin, pourrais-tu te présenter rapidement et nous rappeler ton parcours dans les catégories jeunes ?
Quentin Diboundje Eyobo : J’ai commencé le basket en poussins à Saint-Jean-de-Védas (à côté de Montpellier, N.D.L.R.) où j’étais notamment coaché par Robby Albicy, le frère d’Andrew, avant d’enchaîner à la Croix d’Argent puis d’entrer au Pôle Espoir de Montpellier. Là-bas, j’ai eu la chance d’être sélectionné pour le camp interzone qui regroupait les 75 meilleurs joueurs français de la génération 2002 où le but était d’intégrer le camp national, réservé à seulement 30 joueurs. Malheureusement je n’ai pas été sélectionné, ce qui a été un très grand regret pour moi car je voulais aller à l’INSEP et je pensais vraiment avoir le niveau pour y aller. Néanmoins, j’ai tout de même attiré l’attention de Cholet et Chalon et, après avoir réussi les tests pour les deux centres de formation, j’ai préféré aller à Chalon.
WS : Comment s’est passé ton passage dans un grand club national comme Chalon ?
QDE : En cadets, les débuts ont été très difficiles. En première année je ne jouais pas, ce qui constituait une deuxième frustration après ne pas avoir été pris à l’INSEP. Cela m’a tout de même formé mentalement car je n’abandonnais pas, je me suis battu et je m’entraînais dur tous les jours. L’année suivante, j’ai fait mes premiers pas en espoirs avec notamment deux bons matchs contre Fos-sur-Mer, mais j’y avais toujours un rôle mineur, je jouais peu et parfois je n’étais même pas dans le groupe. Néanmoins tout s’est amélioré en dernière année cadet après l’arrivée d’Ali Bouziane en tant que coach. Je jouais beaucoup plus en espoirs et en cadets, où j’étais meilleur scoreur de l’équipe, et je passais même du temps avec le groupe pro. C’était très dur d’enchaîner deux matchs avec beaucoup de temps de jeu dans le week-end, surtout qu’en même temps il y avait le Bac à préparer !
WS : À ce moment là tu pensais déjà à partir aux États-Unis ?
QDE : Oui, je me préparais déjà pour aller en NCAA ! Malheureusement il y a ensuite eu la quarantaine, et étant donné que je n’avais pas fourni certains documents pour aller aux États-Unis j’ai pris la décision de rejoindre une High School. J’ai eu le choix entre DME Academy et Montverde, mais j’ai préféré prendre Montverde. Là-bas j’ai eu l’occasion de m’entraîner avec les meilleurs joueurs du pays et d’être coaché par Kevin Boyle qui, je pense, est le meilleur coach High School de tous les temps. À partir de là tout s’est bien passé et j’ai ensuite commencé à recevoir mes premières offres, avant de prendre ma décision il y a quelques jours.
WS : Tu as donc décidé assez tôt de quitter la France pour rejoindre les États-Unis : cette décision était-elle primordiale pour toi afin de poursuivre ta carrière comme tu le souhaitais ?
QDE : Mon but a toujours été d’aller aux États-Unis et de passer par le cursus universitaire en NCAA. Récemment j’ai même reçu un message de mon ancien coach Robby Albicy qui me félicitait car je voulais aller en NCAA depuis que je suis en poussins ! Je ne savais pas que c’était aussi tôt mais oui, je me suis toujours préparé à ça. Lorsque j’avais 10/11 ans, je m’entraînais tout seul dehors pendant l’été en me disant qu’un jour je serai à l’université aux États-Unis. On peut dire qu’en quelque sorte c’est un rêve d’enfance d’être dans ce cursus universitaire.
WS : Poursuivre ta formation en Europe n’était pas une option que tu considérais ?
QDE : Je ne me voyais vraiment pas être en France. J’avais un pied dans le monde professionnel (à Chalon, N.D.L.R.) mais je ne me voyais vraiment pas continuer en professionnel et signer un contrat.
WS : Ton adaptation à la vie dans un pays étranger a-t-elle été difficile, notamment au niveau de la langue ? Tu es tout de même parti à 18 ans en pleine période de COVID !
QDE : Personnellement à Montverde tout se passait vraiment bien, on n’avait pas vraiment de problèmes avec la COVID. Il fallait juste porter le masque et on ne pouvait pas quitter le campus, sinon la vie était plutôt normale. Pour la langue non, je n’ai pas eu de soucis. Dans le basket, en France par exemple, on est déjà un peu dans ce monde américain. À l’entraînement à Chalon avec certains coéquipiers on se trashtalkait déjà en anglais ! J’ai peut-être eu des difficultés au début mais aujourd’hui on peut dire que je suis bilingue.Et en termes de basket, tout se passait aussi très bien car le jeu est plus athlétique et plus rapide donc je me suis vraiment bien adapté.
WS : Après une année réussie à Montverde, tu as donc décidé de rejoindre les Volunteers pour évoluer en D-I en NCAA : qu’est-ce qui a motivé ton choix ? La présence d’Yves Pons dans l’effectif de Tennessee, que tu connaissais déjà auparavant, a-t-elle influencé ta décision ?
QDE : Clairement, le fait qu’Yves, un Français, soit dans un gros programme américain et réussisse dans une université comme Tennessee, cela m’a mis en confiance car lorsqu’on est Européen dans un programme comme ça on a tendance à te juger et te mettre de côté. Cela montre qu’on peut réussir sans être vraiment Américain, surtout que dans l’effectif il y a aussi des Serbes par exemple donc je ne serai pas le seul Européen et je pourrai y être à l’aise. Jouer dans une grosse conférence comme la ACC a aussi influencé mon choix, car je vais jouer contre certains des meilleurs joueurs de la NCAA. J’aurais également un bon roster avec notamment Kennedy Chandler (prospect 5 étoiles) qui a récemment committ à Tennessee et je ne pourrai que devenir meilleur.
WS : Tennessee est une université avec une certaine culture de la gagne dans ces différents programmes sportifs, cela a-t-il aussi joué dans ta décision ?
QDE : Être dans une école sportive c’est toujours un plus, le fait de pouvoir aller voir des matchs et côtoyer des sportifs de haut niveau cela ne peut m’apporter que du positif. Cela a aussi joué dans ma décision.
WS : Si tu devais définir ton jeu en quelques mots, comment le qualifierais-tu ?
QDE : Si je devais résumer mon jeu en quelques mots je dirai complet, parce que je peux être présent dans tous les domaines statistiques, j’aime défendre et je suis un two-way player, c’est à dire que je suis capable d’être présent des deux côtés du terrain.
WS : Lors de ton recrutement, de nombreux observateurs ont mis en avant ton pourcentage à 3 points, considérerais-tu cela comme le point fort de ton jeu ?
QDE : Cela a été mis en avant car Tennessee avait besoin de shooteurs, l’équipe a notamment recruté Justin Powell (anciennement à Auburn, N.D.L.R.) trois ou quatre jours avant moi. Personnellement je ne dirais pas que je suis un shooteur, c’est plus que je suis complet, je suis un three-level scorer capable de tirer à 3 pts, 2 pts et finir au cercle. Ce n’est pas une force mais c’est un atout de mon arsenal.
WS : Tes qualités défensives ont également été louées par de nombreux suiveurs du basketball en high school, ça aussi c’est une qualité que tu mettrais en avant dans ton jeu ?
QDE : La défense a toujours été un point fort, et ce depuis que je suis tout petit. J’aime mettre la pression, quand j’étais plus jeune je regardais des vidéos de Gary Payton et Patrick Beverley, de véritables chiens de garde en défense, ils sont fous et c’est cette énergie que j’adore. Déjà l’année dernière à Chalon mon coach Ali Bouziane m’avait dit que je devais être un des leaders défensifs de l’équipe, donc ça a toujours été quelque chose d’important mais ici aux États-Unis c’est encore plus mis en valeur. J’ai aussi eu cette étiquette de défenseur d’élite dès mon premier entraînement à Montverde car j’ai eu la chance de m’entraîner contre R.J. Barrett (ancien de Montverde, aujourd’hui en NBA chez les Knicks) en défendant sur lui. J’étais bien, il avait même du mal à attaquer !
WS : Penses-tu que ces qualités défensives peuvent te permettre de grappiller des minutes dans la rotation dès ton année freshman ?
QDE : Le problème d’aller dans de gros programmes, surtout lorsqu’on n’est pas très connu aux États-Unis et que l’on n’est pas un five star, c’est que les minutes ça peut être assez compliqué et qu’il y a le risque de ne pas jouer. Mais justement, j’y ai déjà été confronté : en cadets à Chalon je ne jouais pas, je me suis accroché et j’ai réussi à obtenir mes premières minutes grâce à ma défense en mettant une grosse pression comme sur les vidéos de Gary Payton ou Patrick Beverley que je voyais. C’était la même chose en espoir et en cadets deuxième année où je devais être autant présent en attaque qu’en défense et où j’ai commencé à créer mon jeu de two-way player. Je sais que cela va être dur, mais je suis prêt à ça, je suis prêt à “partir à la guerre“. Pour gratter mes minutes il va falloir que je sois l’un des meilleurs défenseurs de l’équipe dès mes premiers entraînements, que les meilleurs joueurs de mon équipe ne puisse rien faire contre moi.
WS : Plus globalement quelles sont tes attentes pour tes premiers pas en NCAA l’an prochain ?
QDE : Ce sera ma première année, je ne suis même pas rank (non-classé selon le système d’étoiles des prospects, N.D.L.R.) donc je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre. Je peux être là pour un one and done (une seule année en NCAA, N.D.L.R.), pour deux, trois ou quatre ans je ne sais pas, donc donc là cela va vraiment être de la découverte. Je veux essayer de comprendre comment tout se passe dans le milieu, ce qu’il faut faire pour réussir, ce qu’il faut faire pour éviter… Mon but est de montrer que dès mon année freshman je peux beaucoup apporter à l’équipe, notamment en défense, et après on verra ce qu’il se passe.
WS : Sens-tu une influence de la formation française avec ton passage à l’Élan Chalon et dans les catégories jeunes en France par rapport aux autres prospects américains et internationaux que tu as côtoyé cette année ? Vois-tu une différence sur la façon d’enseigner le basket ?
QDE : Ça aussi cela peut être un gros point fort, d’avoir dans mon jeu les qualités “françaises“ et “américaines“. Disons qu’en France j’avais l’habitude du jeu européen, où on joue plus intelligemment, posé, avec les systèmes et des backdoors, l’habitude de jouer sans ballon. Aux États-Unis c’est beaucoup plus tourné vers du un contre un et savoir jouer sans ballon peut beaucoup m’aider. Sur la défense aussi, dès les benjamins, j’ai eu un coach qui m’a beaucoup aidé et c’est là que j’ai commencé à apprécier défendre. Aussi le fait que dès les cadets j’ai pu faire mes premiers entraînement avec le groupe professionnel cela m’a poussé à me donner en défense ce qui m’a fait gagner le respect de certains pros qui sont aujourd’hui des amis comme Sean Armand ou Ronald Roberts.
WS : De nombreux scouts te voient évoluer sur les postes 2 ou 3, toi qui a également joué meneur lorsque tu étais plus jeune, où te sens-tu le plus à l’aise ?
QDE : Naturellement j’ai toujours été poste 2, mais étant donné que je suis à l’aise avec la balle et que lorsque je n’avais pas encore grandi je jouais meneur cela m’a permis de me former sur ce poste. Je peux donc jouer meneur et poste 2 mais depuis j’ai grandi, je suis devenu beaucoup plus athlétique et on m’a aussi placé sur le poste 3, donc ça dépend. C’est ça qui me permet de m’adapter à chaque roster ; si un poste 2 est vraiment au-dessus de moi et je ne peux pas prendre sa place je pourrai me décaler en 3, ou à l’inverse s’il y a des problèmes chez les meneurs je pourrai aussi m’y décaler. J’ai cette habilité à changer de poste sans problèmes.
WS : Cette polyvalence peut aussi te permettre d’obtenir quelques minutes supplémentaires !
QDE : Exactement, je me prépare à ça car je vais jouer dans un gros programme, cela va être la guerre pour gagner des minutes et au moins j’ai ces aptitudes que peu de joueurs ont et j’espère grappiller des minutes comme cela.
WS : Tu es récemment passé par les catégories jeunes en sélection avec la France, comment as-tu vécu ta première sélection ?
QDE : J’ai fait mon premier rassemblement en janvier 2020 grâce à ma bonne saison espoirs, et j’étais vraiment super content, j’ai sauté de joie quand j’ai reçu la convocation ! Depuis les tests que je n’avais pas réussi à l’INSEP, le camp interzone que j’avais raté, j’avais ce remords de ne pas avoir réussi comme les autres en ne passant pas par l’équipe de France en U16 ou U17. Par conséquent je me suis battu pour ça, je m’entraînais dur chaque jour en essayant de faire mieux que les autres et cette convocation a été le signe que j’avais bien travaillé et que lorsqu’on se donne les moyens on réussit.
WS : Tu y as évolué avec certains joueurs aujourd’hui chez les pros comme Jayson Tchicamboud ou Daniel Batcho, quelle est ta relation avec les joueurs de ta génération et as-tu pour ambition de retrouver ces joueurs un jour pour représenter ton pays dans une grande compétition ?
QDE : Avec Jayson (Tchicamboud) on a cette confrontation depuis minimes, on avait notamment fait un Montpellier contre Roanne et après ça a été Chalon contre Strasbourg. Aujourd’hui c’est un ami, on se parle souvent, on échange… Et oui, bien sûr, le fait de retrouver tous les jeunes contre qui j’ai joué, de raconter nos expériences au sein de l’équipe de France et de représenter notre pays c’est tout simplement incroyable, c’est quelque chose que je voudrais faire à l’avenir. En plus sur la nouvelle génération 2001/2002 on a vraiment beaucoup de talent, on pourra vraiment faire de grandes choses notamment cette année si le championnat du monde U19 est maintenu.
WS : Je suppose que tu auras pour objectif d'être sélectionné et d’aller chercher le titre ?
QDE : Bien sûr ! Une liste devrait sortir à la fin du mois d’avril et j’espère y être pour ensuite aller chercher la médaille d’or. De plus, en U19, j’ai entendu dire que les États-Unis étaient prenables car beaucoup de prospects vont préférer s’entraîner pour leur année freshman.
WS : Tu rêves sûrement de réussir à rejoindre les rangs de la NBA, as-tu une franchise que tu aimerais particulièrement rejoindre dans cette ligue ou un/des joueur(s) qui y évolue que tu considères comme modèle(s) ?
QDE : Pas vraiment, mon but c’est juste de travailler dur, réussir en NBA c’est vraiment le rêve depuis que je suis petit donc franchement n’importe quelle franchise du moment que je suis en NBA ce sera un rêve qui se réalise. Pour le joueur, lorsque j’étais petit j’aimais vraiment Russell Westbrook de par sa façon d’être athlétique. En plus c’était un joueur de mon profil, il était assez petit et jouait poste 1 ou poste 2. Sinon sur la défense toujours Gary Payton et Patrick Beverley. On va dire que ce sont vraiment les trois joueurs qui m’ont vraiment marqué dans mon enfance et même toujours maintenant.
Crédits image en une : University of Tennessee Twitter