Le 29 avril dernier, cinq quarterbacks entendirent leur nom être prononcé par Roger Goodell lors du premier tour de la Draft NFL 2021. L’exercice actuel s’approchant peu à peu de son dénouement, l’heure est au premier bilan pour ces joueurs qui doivent incarner le futur de leurs franchises respectives. Cette semaine, suite de notre série avec le troisième quarterback de cette cuvée et troisième choix de la draft, Trey Lance.
Une saison et puis s’en va
Meilleur quarterback de l’État du Minnesota mais joueur assez méconnu à l’échelle nationale (2004e joueur du pays, 49e QB dual threat), Trey Lance n’était, contrairement à certains de ses congénères de la cuvée 2021, pas vraiment destiné à une grande carrière en rejoignant les rangs universitaires. Pourtant, tout va changer lors de la saison 2019. Arrivé presque sur la pointe des pieds l’année précédente du côté de North Dakota State, programme de deuxième division, il va littéralement exploser lors de la dernière année pré-Covid-19. Au sein d’une équipe qui remportera les seize matchs qu’elle disputera et qui ira chercher le titre national FCS (Football Championship Subdivision), Lance impressionne aussi bien par sa propreté à la passe (66,9 %, 2786 yards, 28 TD & 0 INT) que par ses qualités à la course (1160 yards, 14 TD). Nommé meilleur joueur et meilleur freshman* de FCS ainsi que joueur offensif de sa conférence, il se fit un nom que les scouts NFL n’oublièrent pas. S’il ne joua qu’une rencontre en 2020 à cause de la pandémie, son nom et son profil étaient restés dans les mémoires.
À l’aube de la Draft 2021, Trey Lance est ainsi annoncé comme un choix du premier tour, et est en ballottage avec Mac Jones (QB alors issu d’Alabama, aujourd’hui chez les Patriots) pour être choisi en troisième position par les 49ers, qui ont récupéré cette place en montant un échange. L’option du lanceur d’Alabama n’est finalement qu’un écran de fumée, et c’est bien l’ancienne star du Bison qui rejoint San Francisco. Un fit qui semble alors plus que parfait pour Trey Lance, qui atterrit dans un système très tourné vers la course et avec un Jimmy Garoppolo toujours considéré comme titulaire, ce qui lui laisse le temps de se développer avant de prendre sa place. Quinze semaines après le début de la saison régulière, le fit semble toujours idéal, même si le contexte n’a pas vraiment permis d’analyser au maximum ce que Trey Lance peut apporter à sa franchise.
* N’ayant disputé qu’une seule rencontre en 2018, il fut redshirt et conserva son statut de joueur de première année.
Un échantillon très réduit
Le premier constat lorsqu’on regarde, à l’orée de la Week 16 où les 49ers se déplacent cette nuit dans le Tennessee pour affronter les Titans, la saison 2021 de Trey Lance, c’est que l’échantillon de jeux auxquels il a participé est très réduit. Backup de Jimmy Garoppolo, il n’a disputé que 116 snaps, dont près de 90 % pour remplacer au pied levé son titulaire, sorti en cours de match en Week 4 et inactif la semaine suivante. Cette rencontre et demi sera donc notre principale source d’analyse. On notera d'ailleurs qu'avec un temps de jeu aussi réduit, il fut de fait moins exposé et moins sujet aux erreurs que les autres quarterbacks rookies comme Trevor Lawrence ou Zach Wilson.
Lors de ces deux matchs, à domicile contre les Seahawks (Week 4) puis à l’extérieur face aux Cardinals (Week 5) pour sa seule titularisation de la saison, plusieurs tendances se dégagent sur l’utilisation de Trey Lance. Tout d’abord, et sans surprise au vu de la propension des 49ers à utiliser leurs running backs et à celle du jeune lanceur à utiliser ses jambes, on note qu’une part non-négligeable de ses passes tentées se sont déroulées en play-action ou après une feinte vers son coureur. En 74 situations où il n’a pas transmis le ballon directement à un running-back (sur les jeux 104 offensifs auxquels il a participé sur ces deux matchs), douze ballons (sur 47 tentatives) ont été lancés dans ce contexte, soit plus de 25 % du total. Avec un jeu de course toujours à considérer depuis que Kyle Shanahan occupe le poste de head coach, le faire lancer après un fake handoff lui offre plus d’espace et donc plus de sérénité. Malin.
Si Trey Lance était un quarterback reconnu avec North Dakota State et qu’il a attiré l’œil des 49ers, c’est aussi pour sa capacité à porter le ballon. Et ça, on le voit très bien sur ces deux rencontres. À quinze reprises, il a porté le cuir dans un système de course dessiné pour le quarterback, preuve que le playbook peut s’adapter à son style de jeu. Cette menace de voir Lance partir ballon en main est d’ailleurs constante et il n’hésite pas à s’en servir, comme en atteste ses neuf improvisations où il est allé chercher des yards au sol alors qu’il se trouvait en situation de passe. Ses jambes sont d’ailleurs ce qui lui a permis de grappiller quelques snaps supplémentaires cette saison, car sur les douze autres qu’il a disputé, onze l’ont été pour qu’il porte le ballon (8 courses, 7 yds, 1 TD) et un seul pour lancer le cuir (pour un touchdown de cinq yards). Son entraîneur est conscient de ce que peut apporter le profil de Trey Lance, et c’est encourageant pour son utilisation future, lorsqu’il sera amené à démarrer plus de matchs. Si tout n’était pas parfait, la façon dont il fut employé montre qu’il a tout pour être un playmaker et que son coach est déjà prêt à reposer le jeu sur lui.
Point qui suscitait le plus de questions au moment de sa draft, son jeu de passe n’a, sur l’échantillon vu qui reste assez restreint, pas vraiment rassuré, sans toutefois inquiéter outre-mesure. Réputé pour avoir un bras canon, il doit encore effectuer quelques réglages, notamment sur les tracés plus longs. S’il a réussi quelques beaux lancers, il ne fut qu’à 2/9 pour 52 yards face aux Cardinals sur les passes ayant parcourues 15+ yards dans les airs. C’est d’ailleurs sur un lancer de ce type qu’il a concédé sa seule interception, avec une passe surdosée à destination de Travis Benjamin qui a atterri dans les mains de Budda Baker. Ses lancers sous pression sont également à revoir. Pas aidé par une ligne offensive assez poreuse contre Arizona (2 sacks, 7 QB hits), il n’a lancé que pour 32 yards, à 2/8. En capacité de prolonger les jeux avec ses jambes, ce qui l’a sorti de plusieurs situations périlleuses, il devra donc régler la mire lorsqu’il décide de lancer la balle, notamment en mouvement en quittant sa poche.
Globalement, Trey Lance a montré « du bon et du moins bon » lors de ces deux rencontres, comme il l’a lui-même avoué après sa première titularisation. En seulement une centaine de snaps, il a montré une partie de son potentiel, rappelant certains de ses points forts mais soulignant également qu’il devait encore travailler sur d’autres secteurs de jeu. Revenu pour seulement cinq jeux offensifs depuis la Week 5, il poursuit son apprentissage dans l’ombre de Jimmy Garoppolo, en espérant récupérer le poste l’an prochain.
Le quarterback parfait pour les 49ers ?
Avec ces quelques flashs de ce que peut apporter Trey Lance à l’attaque des 49ers, le fit semble, sur le papier, toujours aussi excitant. Tout d’abord, la titularisation de l’ancien joueur de North Dakota State a montré que Kyle Shanahan n’hésiterait pas à organiser son attaque totalement autour de lui. Habitué à donner beaucoup de ballons à ses coureurs, il a, lors de la Week 5 contre les Cardinals, préféré faire courir son quarterback plutôt que ses running backs. L’attaque était d’ailleurs majoritairement centrée sur Lance, par qui est passé directement 83 % de l’attaque de San Francisco sur cette rencontre. Déjà une preuve de confiance pour le quarterback de 21 ans.
L’autre réflexion assez positive pour le futur, c’est que Trey Lance semble toujours bien convenir à la philosophie offensive des 49ers. Dans une attaque créative, où le danger doit pouvoir venir de partout – en atteste les nombreuses courses du receveur Deebo Samuel où le rôle plutôt prépondérant à la réception du fullback Kyle Juszczyk – le profil double menace de Lance est une aubaine. Capable de prolonger les jeux, de suivre des tracés de course dessinés pour lui mais aussi, à terme, de faire parler la puissance de son bras, il amènerait une dimension de danger supplémentaire à cette escouade, là où Jimmy Garoppolo n’est qu’un quarterback dit West Coast.
Néanmoins, et pour nuancer la tournure peut-être trop enthousiaste que prennent ces lignes pour un joueur qui n’a réellement joué qu’une rencontre et demie en NFL, il va falloir que Trey Lance continue de progresser pour vérifier toutes ces possibilités. S’il y a de quoi être optimiste, il va tout de même devoir s’améliorer dans différents secteurs pour prétendre à un poste de titulaire sur une saison entière. Précision à la passe, lancers longs, jeu à la passe sous pression mais aussi prises de décision ou encore capacité à slider lorsqu’il sort de sa poche et fait le choix de courir, les points d’améliorations restent nombreux et on est encore loin de la version finale de Trey Lance. San Francisco lui a laissé du temps cette saison et ne l’a pas mis sous pression, à lui de s’en servir pour progresser et se montrer prêt au moment où il sera amené à devenir titulaire.
S’il n’a que très peu joué en 2021, Trey Lance a pu montrer quelques flashs de son potentiel en début de saison, lorsque son titulaire était absent à cause d’une blessure au mollet. Intéressant sans en être dithyrambique, ses premiers snaps laissent entrevoir de belles choses s’il continue à progresser et améliore certains points faibles déjà visibles sur le petit échantillon de choses qu’il a montré en NFL. À lui désormais de poursuivre son ascension afin de, potentiellement, être prêt dès le début de la saison prochaine.
Crédit image en une : San Francisco 49ers