Henri Michel est mort cette semaine, et avec lui une idée du football français. Pas une époque, ils sont nombreux de ses contemporains à ne pas encore avoir garni les allées du Boulevard des Allongés, mais une idée d’un football français flamboyant, rigolard, courageux, fier, bravache. Un football qu’on aimait regarder et pour lequel on n’avait pas de mal à s’enthousiasmer. Mais un football français qui perdait, sans relâche.
Henri Michel a été le joueur d’un seul club, le FC Nantes, époque maillot Europe 1. Capitaine de l’âge d’or, remportant 3 titres de Champion de France, il était un milieu de terrain comme on n’en fait plus avant d’être un défenseur central comme on n’en a jamais fait (à l’exception de Beckenbauer). Numéro 6, il avait le bagage technique de Xaviniesta, autant dire un Deschamps dans chaque crampon. Un regista avant l’heure, Pirlo avant qu’Ancelotti ne l’invente au poste. Il pouvait se lancer dans des chevauchées solitaires et tapageuses qui laissait 4 ou 5 mecs sur le carreau, mais c’est dans la passe, pour et par les autres, qu’il excellait. Ses diagonales droite-gauche de 30 ou 40 mètres cassaient les lignes, lançaient ses partenaires et ouvraient le but. La marque des grands qui, de Cruyff à Platini en passant par Zidane et Messi, inventent des espaces, démiurges de l’espace-temps. Redescendu en défense centrale aux côtés de Maxime Bossis ou Patrice Rio, les chevauchées se faisaient plus rares et les jambes plus lourdes mais ses transversales n’en restaient pas moins précises et précieuses. Son jeu racé, empreint d’élégance, ne l’empêchait pas d’aller au charbon, et son abattage pouvait être fatal aux équipes trop rêveuses. Gennaro Gattuso (le vice en moins) et Andrea Pirlo (encore lui) réunis dans une seule paire d’Adidas.
Il était un leader incontesté et incontestable qui pouvait entraîner joueurs, staff et journalistes dans des virées qui feraient aujourd’hui la une de tous les journaux. Force de la nature, il était le lendemain celui qui courait le plus loin, le plus vite, le plus fort. Et en rigolant.
Avec l’Equipe de France il a connu les heures noires et la renaissance avec Michel Hidalgo à qui il succèdera en 1984. Il participera à la Coupe du Monde 1978, première compétition internationale depuis 20 ans, et passera le relais à la nouvelle garde des Platini et consorts. A le côtoyer, la nouvelle garde n’a pu que ressentir l’immense injustice d’un palmarès international inversement proportionnel à son talent et la transformer en rage de vaincre. Henri Michel a permis Platini et Zidane, et pour ça, merci.
Jordan M-P