C’est une histoire que l’on connaît tous de près ou de loin, et pas seulement si on suit le tennis, car c’est l’histoire de parents qui vivent une carrière de sportif professionnel à travers leur enfant, et d’attentes beaucoup trop élevées par les médias. C’est l’histoire d’un excès de pression mise sur un enfant qui n’est pas encore prêt à la porter malgré tous les rêves qu’il cultive.

La promesse d'un grand avenir

Si vous suivez le tennis un minimum, vous savez qui est Bernard Tomic, car ce joueur australien a souvent fait parler de lui et est arrivé dans le circuit professionnel comme un prophète, le prochain prodige qui allait tout rafler, pour faire à nouveau briller le tennis australien dans le monde entier, travail que Lleyton Hewitt avait commencé dans les années 2000.

Bernard Tomic, âgé de 14 ans, était le meilleur junior de son âge et de très loin d’après tous les experts qui suivaient le tennis junior, la question ne se posait même pas à cette période. Il a même été signé par IMG Models, la marque qui aide les jeunes talents à prendre en main l’avenir de leur carrière, comme l’ont été Serena Williams, Roger Federer ou Rafael Nadal. Dans une interview qu’il a donnée à cette période, il disait aimer le tennis « de la Terre à la Lune. C’est ma vie » , alors qu’est-il arrivé au talentueux joueur australien pour que cela change si drastiquement ?

L'effondrement, pourtant si près du but

En 2011 alors âgé de 18 ans, il atteint les quarts de finale de Wimbledon et affronte Djokovic, à qui il donne du fil à retordre en offrant une qualité de jeu qui impressionna tout le monde. L’immense joueur serbe jouait sa meilleure saison à ce jour et pourtant, à un set partout on pouvait l’observer levant les mains au ciel et secouant sa tête, exaspéré. Après avoir vaincu le jeune joueur australien en quatre sets, Djokovic a même affirmé en conférence de presse avoir été chanceux de remporter ce match.

Alors fréquent partenaire d’entraînement avec le champion serbe, Tomic a ensuite connu de nombreux désastres médiatiques, entre téléréalité de bas étage et fiasco pour avoir menacé de frapper l’entraineur de son équipe nationale de Coupe Davis, Lleyton Hewitt. Il chute alors dans les classements et retombe à la 229e place mondiale, alors qu’il avait atteint le top 300 pour la première fois à l’âge de 16 ans.

Depuis le début de sa chute au classement ATP, il enchaîne les sorties médiatiques douteuses, affirmant entre autres être riche à souhait, comme pour provoquer ses détracteurs parmi le public australien, et ne montrant que rarement du sérieux en interview. On peut même l’apercevoir régulièrement ne pas jouer à son meilleur niveau lors de ses matchs, il ne court pas vers des balles qui sont largement atteignables, il rate des coups supposés être très faciles pour des joueurs occasionnels, et lors d’une balle de match face à Fabio Fognini, il a même tenté de retourner le service du joueur italien en tenant sa raquette à l’envers, par le cadre. Il semble évident aux yeux de ceux qui ont suivi sa carrière que c’est la relation avec son père qui s’est entachée avec le temps, et qui est une des raisons pour lesquelles sa carrière est très loin de celle qu’on lui promettait, malheureusement, autrefois. On peut alors se demander, « mais que penserait le jeune prodige de 14 ans, celui qui vient de gagner l’Orange Bowl pour la seconde fois, du joueur ayant le double de son âge maintenant ? »

Lors d’un match face à l’Espagnol David Ferrer au Master de Miami en 2012, le jeune Tomic fait une demande spéciale à l’arbitre, qui semble être un bon indice sur le poids de la pression, excessive, qu’il porte sur ses épaules depuis des années. Lors d’un changement de côté, il s’adresse donc à l’arbitre et lui demande comment il pourrait faire sortir son père du stade. « Il m’embête. Je sais que c’est mon père, mais il m’embête. J’aimerais le faire sortir, est-ce possible ? », dit-il avant de finir « si vous le voyez, demandez-lui de se taire. ». Pour beaucoup, il semble que son père soit le premier fil conducteur de la pression et des attentes excessives, qui ont probablement écrasé le talent prodigieux qu’avait ce jeune homme.

Ci-dessus : le jeune Tomic demande à l'arbitre de faire exclure son père du match, lors du 2nd tour du Master 1000 de Miami en 2012.

À 14 ans, il affirmait aimer le tennis dans tous ses aspects, la bataille, la victoire, les trophées, les surprises, il voulait alors rentrer dans le top 10 mondial. Il affirmait ensuite vouloir atteindre la première place mondiale et gagner tous les Grands Chelems du calendrier ATP. Puis à 18 ans, suite à sa défaite face à Novak Djokovic, il affirmait en conférence de presse être fier de lui-même pour avoir tout donné et savoir qu’il a rendu la victoire du Serbe compliquée, lui qui pourtant côtoyait les dieux du tennis cette année-là. Puis à 20 ans, après sa victoire au tournoi de Sydney, il affirme se sentir invincible et avoir l’envie de marcher sur les courts pour tout remporter. À 26 ans, suite à sa triste défaite face au joueur italien Sonego en qualifications de l’Open d’Australie, il avoue n’avoir qu’un seul objectif, « compter mes millions, c’est tout ce que je fais. Allez-y, faites ce que j’ai fait. Bonne chance les gars » . Après sa participation à la téléréalité australienne I’m a celebrity…Get me out of here ! dans laquelle il abandonne au bout de trois jours, il tente de redonner espoir aux supporters australiens en avouant avoir fait une erreur et souhaiter retourner à l’entraînement pour travailler et revenir à son rêve d’enfant, pour peut-être atteindre le top 5 mondial. Ce n’est pas arrivé.

L'honnêteté d'un joueur résigné

Il y a 4 ans, lors d’une interview pour une chaîne australienne, après lui avoir montré une image de lui plus jeune, rêveur et enthousiaste avec le monde à ses pieds, affirmant aimer le tennis de tout son cœur, il lui a été demandé le conseil qu’il donnerait à son lui plus jeune.

Ce à quoi il a répondu « ne joue pas au tennis. Fais ce que tu aimes. ».

C’est une histoire commune dans le sport, un jeune possédant un talent qui le dépasse, des attentes immenses qui s’en suivent, et finissent par l’écraser. La pression de parents qui vivent une carrière sportive à travers leur enfant. Le poids de millions de supporters déçus au moindre faux mouvement. Mais Bernard Tomic était follement amoureux du tennis, il aimait ce sport du plus profond de son cœur et il l’a montré de nombreuses fois. Le poids gigantesque des attentes a fini par avoir raison de cet amour, qui semblait pourtant invincible, et l’a dégoûté du sport au point de le montrer expressément dans les médias. Le joueur australien aujourd’hui mal-aimé de son public, regrette ouvertement d’avoir souhaité vivre de sa passion la plus profonde.

C’est l’histoire la plus triste que je connaisse dans le tennis.

 

Crédits photo : Diliff, Wikipédia
Crédits vidéo : Canal+ Sport 3