Football

Les Carnets du Football : Voyage au pays de Guerrero

[…] Chaque soir, il se couchait avec la même obsession. Le football, c’était tout pour lui.

Et depuis qu’il avait atterri à Lima, il y pensait.

Il était sur les terres de Guerrero ! Héros national ! Idole des jeunes !

Dans un si grand pays (deux fois et demi plus grand que la France !) il trouverait forcément comment nourrir son corps et son esprit.

Enfin, c’est qu’il ne cessait de se répéter. […]

Premiers pas à Lima

Théo avait été engagé par un club de seconde zone française, afin de venir chercher ici, à Lima et dans tout le Pérou, des jeunes pousses du football. Au gré de ses 5 semaines passées sur place, il allait avoir l’occasion d’en découvrir, des jeunes « à haut potentiel ». C’était l’expression favorite de son patron, mais lui ne l’aimait pas. Il en avait trop vu, des talents gâchés, dévergondés, happés par la pression, déchiquetés par la presse, les médias et les dirigeants. Il pourrait en citer mille, et il en tenait même une liste. Un enfant de 19 ans acheté 120 millions d’euros par l’Atlético ? Jouer à 17 ans pour le Real Madrid et sa sélection nationale ? Combien de questions encore pourrait-il se retourner dans sa tête. Lui ne voulait pas de tout cela. S’il était ici, c’était avant tout pour découvrir la ferveur nationale entourant ce sport qui lui tenait tant à cœur. Il voulait la comprendre, la déchiffrer, savoir tout d’elle.

Vue aérienne de Lima, 2019.

Ici, le football est une religion, un sport sans limite d’âge, de temps, de profession. Largement pratiqué à travers tout le Pérou (au même titre que le volley-ball), il a sa place partout. Sur les pans des maisons, au fond d’une échoppe, dans les presses sportives (et people!), 2… Si Théo rentrait dans un café, dans un taxi, dans un hôtel, il savait désormais que le foot faisait partie intégrante du quotidien des habitants de Lima. Comment leur reprocher cela ? Lui même en rêvait chaque nuit.

Les Jeux Panaméricains, un spectacle de choix

Par chance, la période de son voyage était la meilleure. À peine était-il arrivé qu’il allait avoir l’occasion de vivre, en immersion complète, les Jeux Panaméricains. Ce 26 Juillet se déroulait à Lima la cérémonie d’ouverture des XVIIIè Jeux Panaméricains de l’histoire. Spectacle grandiose qu’il avait pu s’offrir à la volée ; par chance, même.

Alors que le mal du pays le guettait, il s’était alors résigné à vagabonder seul dans le quartier français. Tombé sur une tout petite échoppe, qui s’avérait vendre des livres francophones, il en avait profité pour entamer la discussion avec le vendeur. Ce vieux monsieur, modelé, façonné par sa dure vie de labeur, lui avait alors révélé les raisons de cette ébullition en ville. Les Jeux commençaient, et les Liméniens ne voulaient rater cela pour rien au monde. Le libraire, attendrissant avec ses lunettes rondes posées sur son front, et son écharpe aux couleurs du Pérou, n’avait cessé de conter au jeune français les raisons pour lesquelles il fallait y participer. Il n’en fallut pas plus pour mettre des étoiles dans les yeux de Théo.

Cérémonie d'ouverture des XVIIIè Jeux Panaméricains, Lima 2019.

Désormais bien décidé à y assister, il comptait profiter de sa situation de « scout » pour pénétrer dans l’Estadio Nacional. Ce stade, aussi appelé Coloso de José Díaz pouvait accueillir jusqu’à 56.000 spectateurs pour cette cérémonie d’ouverture. Après deux-trois coups de téléphone à son patron, qui lui trouva une place tout en haut de l’enceinte, Théo pénétra dans l’Estadio, déjà vibrant. Les Péruviens, patriotes dans l’âme, étaient tellement enjoués, débordants d’énergie, que les gradins en tremblaient presque.

Alors qu’il s’osait à une discussion en espagnol avec son voisin, peinturluré des couleurs nationales (le rouge et le blanc), ce dernier lui apprit, presque par hasard, que la compétition de football masculine commencerait dans trois jours. Pourquoi observer seulement les Péruviens lors de son voyage dans ce pays, lorsqu’on peut également superviser des Argentins, des Equatoriens, des Honduriens, des Jamaïcains, des Mexicains, des Panaméens et des Uruguayens ? Théo s’en frottait les mains. D’abord parce qu’il allait se régaler devant ces matchs de football. Mais également parce qu’après l’avoir dit à son patron, cela le calmerait sûrement. Peut-être aura-t-il droit à quelques jours de répit, sans interrogatoire bi-quotidien de son supérieur hiérarchique.

Rendez-vous à l’Estadio San Marcos

Juan, son voisin au stade, avait le même âge que lui, mais aussi la même passion, la même obsession pour le football. Théo, malicieux, n’avait pas oublié de lui rappeler qui avait remporté la Coupe du Monde l’année passée. Juan ne lui en avait pas tenu rigueur, il était déjà si heureux que son équipe y aille, en Russie (depuis 1982, le Pérou attendait de participer à une nouvelle Coupe du Monde) ! Alors que le jeune « scout » pensait passer la soirée bien seul au milieu de 56.000 péruviens, il venait de se faire un ami. S’il savait que le football, et le sport en général, rassemblaient les foules, il n’en imaginait pas autant.

Ils se tenaient encore assis dans l’Estadio Nacional, bien que la piste s’était vidée des athlètes depuis au moins 15 minutes. Les spectateurs se levaient rapidement, mais eux semblaient comme hors du temps. Les deux jeunes, qui avaient entamé la conversation grâce à leur sport préféré, n’en démordaient plus désormais. Chacun y allait de son anecdote, enrichissant la culture de l’autre. Surtout, Théo en avait profité pour se renseigner un peu plus sur l’histoire du championnat Péruvien. Il savait que la Liga de Fútbol Profesional (ou encore Liga 1) comptait 18 équipes. Cependant, le format lui semblait tellement alambiqué (qui plus est lorsqu’il est expliqué en espagnol), que Théo ne saisit pas tout, malgré les explications de son camarade. Il en résulta cependant que, comme dans beaucoup de championnats européens, trois ou quatre clubs se partageaient la couronne. Juan lui détailla surtout le palmarès des trois meilleurs clubs du pays, dont son préféré, le Sporting Cristal. Avec 19 titres de champion du Pérou (dont le dernier en 2018), c’était le troisième club le plus titré du Pérou. Il se positionnait derrière ses ennemis jurés, l’Universitario de Deportes (26 titres), et l’Alianza Lima (23 titres), le plus vieux club du pays, fondé en 1901. […]

Il se faisait tard, et le stade était quasiment vide maintenant. S’ils devaient rentrer, ce n’est pourtant pas l’envie de poursuivre leur conversation qui manquait. Ils s’étaient alors donné rendez-vous dans trois jours, aux portes de l’Estadio San Marcos, pour vivre une compétition qu’ils ne seraient pas prêts d’oublier. Théo savait qu’il ne pourrait pas tenir en place.

Estadio San Marco, Lima 2019.

Le Pérou dans tous ses états

Le 29 Juillet était enfin là, et Théo s’était réveillé en même temps que le soleil. Habitué aux réveils tardifs dans sa chambre étudiante de la banlieue lyonnaise, ce n’était pas ce jour qu’il ferait la grasse matinée. Son sandwich avalé, sa toilette réalisée, il partit de sa chambre d’hôtel au petit matin. Il avait pris le pli de descendre au café du coin, et de s’imprégner des effluves de ce dernier. L’odeur de grain moulu, le doux fumet du bacon cuit en arrière cuisine, la senteur du journal, que le passant froisse et re-froisse, le parfum du vieil homme assis au fond de la terrasse. Autant d’impressions olfactives qui lui rappelaient qu’il était si loin de chez lui. Mais aujourd’hui, il ne voulait plus rentrer. Il savait désormais qu’ici l’attendaient des expériences merveilleuses, et des rencontres riches en enseignements.

Plaza de Armas, Lima 2019.

Un coup de téléphone le sortit de son introspection matinale. Il craint un instant que ce soit son patron, mais l’indicatif ne correspondait pas. À son grand étonnement, Juan le contacta, pour savoir ce qu’il comptait faire avant le premier match de la journée. Il lui proposa alors de le rejoindre à son café préféré. Situé tout proche de la Plaza de Armas, la grande place centrale de Lima, il ne pouvait pas le rater. En pénétrant dans ce troquet, il ne faillit pas reconnaître son nouvel ami. Il y a deux jours, la peinture recouvrait entièrement son visage. Aujourd’hui, seul son teint mat ressortait à la lumière des spots accrochés au plafond. Des dizaines d’écharpes, aux couleurs des clubs péruviens et du monde, y étaient également accrochés. Juan, lui, portait un maillot de la sélection nationale, et en tenait un dans ses mains. Il expliqua que, la veille au soir, il prit la décision d’acheter « una camiseta » à son ami, pour qu’il se sente chez lui. Rien n’aurait pu faire plus plaisir à Théo que ce cadeau. Il s’empressa de l’enfiler. Au dos, le numéro 9 y était inscrit, ainsi que le nom du footballeur le plus connu au Pérou : Guerrero.

Troquet au centre de Lima, 2019.

Neuf heures sonnaient à peine, et il était déjà temps pour les deux compères de se rendre à l’Estadio San Marcos. Le match d’ouverture, opposant le Panama au Mexique, allait être une première expérience pour Théo. Accompagné de son ami péruvien, il se sentait déjà plus à l’aise, et plus en confiance qu’à son arrivée seul ici. Le stade, imposant de l’extérieur, sonnait cependant relativement vide. Il était encore tôt, mais son ami lui avait promis que les Péruviens se masseraient en nombre à l’intérieur. Il paraissait même que de nombreux Mexicains et Panaméens avaient fait le déplacement. Théo avait hâte de rentrer dans le stade, et l’heure approchait. […]

Gone de Gerland en exil à Roazhon. Oviedo est ma ville préférée d'Espagne. Il est grand temps de rallumer les étoiles.

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