Roland Garros commence ce dimanche et avec lui son lot de nouveautés. Si l’an dernier a vu l’apparition du court 18 (aujourd’hui court 14), cette année a offert un plus gros lifting au stade de la Porte d’Auteuil. Le court Philippe Chatrier a été entièrement démoli pour être reconstruit et accueillir le toit l’an prochain. Mais surtout, un tout nouveau court a vu le jour. Le court Simonne Mathieu.
Un peu excentré du reste des terrains, ce court semi-enterré se situe au cœur du jardin des serres d’Auteuil. Avec ses 5000 places, il s’intègre parfaitement dans son environnement. Bien évidemment, la végétation l'entoure : en passant à côté, il est difficile d’y imaginer un court de tennis. Il a été inauguré le 21 mars en présence de la Maire de Paris, Anne Hidalgo, du Président Nicolas Sarkozy, du président de la FFT, Bernard Giudicelli et de Bertrand Mathieu, petit-fils de celle qui donne son nom au “plus beau stade de tennis au monde” (d’après le président de la fédération). Moins connue que Suzanne Lenglen, qui est Simonne Mathieu, illustre joueuse de tennis et résistante de la première heure ?
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Simonne, la championne
Née dans une famille bourgeoise en 1908, Simonne Passemard, très jeune, baigne dans le milieu du sport avec un père président du Stade Français. Elle se marie à 17 ans, juste avant de devenir une des meilleures joueuses de tennis au monde. A la fin des années 20, elle se dresse en héritière légitime de Suzanne Lenglen. Malheureusement, elle a longtemps été maudite, échouant 6 fois en finale des Internationaux de France (1929, 32, 33, 35, 36, 37), dont les 3 dernières contre l’Allemande Hilde Sperling. Mais elle attendait juste le bon moment. La consécration arrive l’année suivante. Non seulement elle remporte le titre tant convoité en simple, mais elle réalise en plus l’exploit de rafler le double dame ainsi que le double mixte. A Roland Garros, c’est une performance inédite et personne ne l’a réalisée depuis (hommes et femmes confondus). Au total, Simonne Mathieu remportera 13 titres du Grand Chelem toutes catégories. Son style caractérisé par un très bon coup droit était basé sur un jeu défensif très rare à l’époque. Obligeant ses adversaires à un défi physique nouveau, son endurance lui permet de s’imposer et de grimper jusqu’au 3ème rang mondial en 1932. Son tempérament en fait également une joueuse à part. Haïssant la défaite, elle n'hésite pas à s'exprimer sur le court, voire même à avoir des gestes d'humeur, attitude totalement inhabituelle à l'époque.
“ Elle était avant tout une grande championne, aussi persévérante que Roland Garros. (…) Elle incarnait la volonté, elle n'abandonnait jamais ni un échange, ni un de ses choix ”
Bernard Giudicelli, lors de l'inauguration du court
Aussi, elle adore voyager. Sa vie de famille ne l'empêche pas de faire le tour du monde pour participer aux tournois. Europe, Asie, Afrique, Amérique… Elle aura visité tous les continents à l'exception de l'Océanie, se faisant un nom également à l'étranger.
Capitaine Mathieu, la résistante
En 1939, Simonne Mathieu joue un tournoi aux Etats-Unis quand la guerre éclate en Europe. Elle précipite alors son retour en France et fait escale à Londres. Finalement, elle ne quittera pas l'Angleterre, restant loin de son mari et de ses deux enfants. Après la signature de l'Armistice de 40, elle est l’une des premières à rejoindre le Général de Gaulle suite à son appel du 18 Juin. Elle commande le “Corps des Volontaires Féminines Françaises“, regroupant les toutes premières femmes à servir sous le statut de militaire dans l’armée tricolore. A son poste, elle commence Lieutenant puis devient Capitaine, dirigeant une centaine de femmes dans divers métiers de soutien (médecins, ambulancières, traductrices ou encore pilotes).
Remplacée à cause de son franc-parler, elle intègre, jusqu’à la fin de la guerre, le service d’espionnage dans lequel elle excelle. A la libération de Paris en Juin 1944, elle défile sur les Champs Elysées aux côtés de Charles de Gaulle et des héros de la guerre.

Une Légende
Quelques mois plus tard, en septembre 44, Simonne Mathieu revient sur un court de tennis, non pas en tant que joueuse, mais en tant qu’arbitre. Dans un match ô combien symbolique, surnommé le “match de la libération”, elle arbitre le Mousquetaire Henri Cochet et le jeune Yvon Petra, future gloire du tennis. Le benjamin s'impose mais ce jour là, le score importe peu, l'essentiel est ailleurs : on rejoue à Roland Garros dans un Paris libéré. Elle ne gagnera plus de Grand Chelem mais continuera d’œuvrer pour le tennis français et surtout le tennis féminin. Présidente de la commission féminine de la FFT, elle est capitaine de l'Équipe de France féminine de tennis (pré-Fed Cup) de 1949 à 1960. Elle décède en 1980 et n’est introduite au Hall of Fame qu’en 2006. Avec son palmarès, elle reste, à ce jour, la deuxième française la plus titrée derrière Suzanne Lenglen. Son nom, ayant été donné au trophée remis aux victorieuses du double dame, était déjà associé au tournoi de Roland Garros, malgré l'oubli du 2ème “n” dans son prénom gravé sur la coupe.
“ Je suis heureux qu'elle sorte enfin de l'ombre, que son nom résonne chaque année (…) pour rappeler à tous que la victoire appartient à celles et ceux qui persévèrent. ”
Bernard Giudicelli
Aujourd’hui sur les portes d'un des courts principaux d’un Grand Chelem, elle rejoint d’illustres joueurs comme Rod Laver, Arthur Ashe ou des personnalités comme Louis Armstrong. Ce court aux allures à la fois modernes, intimes et respectueuses de l’environnement aura pour but de faire sortir le meilleur en chacun des joueurs, leur côté héroïque, au souvenir de celle qui se battait pour tout ce dont en quoi elle croyait.
Après Philippe Chatrier et Suzanne Lenglen, un troisième court porte le nom d’une ancienne personnalité du tennis français. Bien au delà du sport, Simonne Mathieu était une véritable héroïne qui mérite aujourd’hui reconnaissance et admiration de chacune et chacun d’entre nous. Pour toutes celles et ceux qui auront la chance de découvrir ce court, rappelez vous les gloires passées de notre tennis tricolore mais aussi de ceux qui se sont soulevés dans les moments les plus sombres et tristes de notre histoire.
Difficile d'imaginer un terrain de tennis vu de l'extérieur – Image Le Moniteur
Sources Image en Une : Les Echos + France TV Sport