Alors que les organisateurs craignent encore diverses complications liées aux restrictions sanitaires, cette édition 2020 si spéciale n'a cependant jamais paru aussi attractive depuis plusieurs années côté court, avec un tableau dont le grandissime favori ne sera (pour une fois) pas uniquement Rafaël Nadal.
Rafaël Nadal, toujours en pôle ?
Voici une question à laquelle il semble à la fois facile et difficile de répondre. En effet, comment ne pas considérer l'homme aux 12 titres Porte d'Auteuil et triple tenant du titre comme le principal favori à sa propre succession ? Avec seulement deux défaites dans toute sa carrière sur la terre battue parisienne, ce n'est qu'un euphémisme de dire que le n°2 mondial est à son aise à Roland. Rafaël Nadal a de plus montré un niveau de jeu et de confiance ces derniers mois qui ne laisse en rien présager une inquiétude particulière quant à sa capacité à combattre pour un 13e titre parisien.

Néanmoins, son trône sera sans doute plus disputé que ces dernières années, pour plusieurs raisons. La première, c'est bien évidemment la concurrence. Novak Djokovic, déjà vainqueur à Roland-Garros et toujours invaincu par quelqu'un d'autre que lui-même cette saison, et Dominic Thiem, récent vainqueur de l'US Open et finaliste des deux dernières éditions, viendront assurément à Paris avec l'ambition de faire chuter le roi de la terre. Et au vu du contexte, il semble légitime de dire que le rapport de force entre les trois meilleurs joueurs sur cette surface n'a peut-être jamais été aussi homogène.
D'autant plus que le Majorquin se présentera sur son terrain de jeu favori sans titre sur ocre derrière lui. Battu en quarts de finale à Rome par Diego Schwartzman, Rafaël Nadal n'a pas rassuré les observateurs, notamment sur des secteurs de jeu qui font habituellement sa force tels que son service et son coup droit. Malgré un titre à Acapulco juste avant le confinement, et deux bons premiers matchs la semaine dernière, le protégé de Carlos Moya arrivera sans doute avec moins de garanties que prévu, surtout que son capital rencontres depuis sept mois reste assez faible pour se faire un avis arrêté sur son état de forme, au meilleur des cinq sets. Troisième et dernière raison : la date à laquelle se déroule exceptionnellement cette édition. Effectivement, les conditions seront plus fraîches, la nuit tombera plus tôt, et les balles seront ainsi probablement moins lourdes à l'impact, ce qui pourrait bien annihiler une partie du jeu de l'Espagnol, même si on ne se fait pas vraiment de soucis concernant la capacité de ce dernier à s'adapter à tous les obstacles qui se dresseront sur sa route.
Dominic Thiem et Novak Djokovic : chasseurs ou chassés ?
Comme depuis plusieurs saisons maintenant, les deux principaux concurrents de Rafaël Nadal pour la victoire finale devraient être Dominic Thiem et Novak Djokovic. Le premier cité vient de remporter son premier titre du Grand Chelem à New York, sort de deux finales à Paris, et a disputé deux finales majeures sur les deux derniers tournois du Grand Chelem. Toujours plus impressionnant sur le plan physique et de plus en plus juste aussi bien techniquement que tactiquement, l'Autrichien a montré ces derniers mois qu'il avait les armes pour aller un jour au bout à Roland. Cependant, il sera intéressant et important de voir comment le 3e joueur mondial va digérer son tout nouveau statut de vainqueur de Grand Chelem, et surtout dans quelles dispositions physiques et mentales va-t-il se présenter, lui qui n'a pas plus disputé de match sur terre battue depuis son revers face à Gianluca Mager en quarts de finale du tournoi de Rio de Janeiro, le 22 février dernier. Autre contrainte, il devra, à l'inverse d'un Novak Djokovic, et comme Rafaël Nadal, probablement affronter ses deux rivaux pour aller au bout, ce qui complique forcément un peu les choses. Le reste de son parcours ne devrait pas non plus être de tout repos, puisque des joueurs comme Casper Ruud, Stan Wawrinka ou encore Gaël Monfils pourraient se mettre en travers de son chemin avant le dernier carré.

Concernant Novak Djokovic, le cas est plus ambiguë. Intraitable sur le papier, avec des titres à l'Open d'Australie, Dubaï, Cincinnati et plus récemment à Rome depuis le début de saison, le Djoker ne semble pour autant pas intouchable sur le court, bien qu'il se soit montré plus solide que jamais ces dernières semaines. Avec pas mal de déchets notamment côté coup droit, le n°1 mondial s'appuie souvent sur son service, sa science du jeu et sa remarquable force mentale pour faire la différence dans les moments importants d'une rencontre, tout en profitant parfois des innombrables fautes de ses adversaires dans ces moments de tensions. Le Serbe n'a pas (encore ?) retrouvé son meilleur niveau depuis qu'il a contracté la Covid-19 il y a quelques semaines, et si sa capacité à passer sans encombres les premiers tours ne fait aucun doute, il serait particulièrement pertinent de pouvoir le voir évoluer face à des joueurs comme Thiem ou Nadal au meilleur de leur forme pour juger réellement son état de forme à ce niveau d'intensité.
Quels outsiders potentiels ?
A Roland peut-être plus qu'ailleurs, d'autant plus cette saison, il semble difficile de donner quelconques chances à d'autres noms que ceux cités précédemment. Roger Federer absent, Daniil Medvedev bien loin de leur niveau sur une surface qui met beaucoup moins en valeur ses qualités que le dur, Gaël Monfils toujours sans victoire avant le début du tournoi : les seuls noms potentiellement citables au vu de la dynamique récente sont Stefanos Tsitsipas, Diego Schwartzman ou encore Denis Shapovalov (voir Andrey Rublev).
Le premier, 6e mondial, a déjà brillé sur terre, avec un titre à Estoril en 2019, des finales à Barcelone et Madrid en 2018 et 2019, ou encore un 8e de finale d'anthologie à Paris face à Stan Wawrinka l'an passé. Il dispose bien évidemment des qualités défensives et tactiques pour performer Porte d'Auteuil, à condition de faire respecter la hiérarchie lors dela première semaine, qu'il sera nécessaire de bien négocier dans la foulée d'un beau parcours du côté de Hambourg, en Allemagne.
Le second sort d'une finale à Rome, et s'avère toujours être un sérieux client sur terre , lui qui avait causé beaucoup de soucis à Rafaël Nadal à Roland il y a deux ans, avant de le battre dans la Ville Eternelle. Son jeu se prête particulièrement bien à l'ocre, et lui a déjà permis d'atteindre cinq finales dessus sur le circuit. Bien qu'il se retrouve dans la partie de tableau basse, en compagnie notamment de Nadal, Thiem ou même Shapovalov, “Peque” aura son mot à dire s'il évolue au niveau qu'on lui connaît.
Le dernier vient de faire son entrée dans le Top 10 grâce à une très belle performance à Rome, où il a atteint le stade des demi-finales pour la deuxième fois lors d'un Masters 1000 sur terre battue, après Madrid en 2018. Le jeune Canadien ne cesse de progresser et d'élargir sa palette ces derniers mois, mais devra néanmoins vaincre la stat' selon laquelle il n'a jamais battu un top 10 sur terre battue, pour espérer atteindre les derniers tours du Grand Chelem parisien.
Grégoire Allain