Coup de tonnerre dans le monde du Football ! We Sport vous annonce en exclusivité la fin, peut-être, d’une ère où la licence des agents de footballeurs en France pourrait disparaître ! Se dirige-t-on vers un nouvel arrêt Bosman ? Rappelez-vous de cette affaire qui a révolutionné à jamais le monde du football en octroyant la possibilité pour les clubs de football de recruter plusieurs joueurs étrangers.

En effet, jusque 1996 il était alors impossible pour les clubs de recruter plus de 3 joueurs étrangers ressortissants européens au sein de leur équipe. Ils étaient également dans le droit de réclamer des indemnités de départ lors d’une fin de contrat. C’est en 1995 que Jean-Marc Bosman, joueur au Standard de Liège qui a vu son transfert vers Dunkerque refusé par son employeur qui réclamait une indemnité, décida de révolutionner le monde footballistique en portant l’affaire devant La CJCE (Cour de justice des communautés européennes).

 

Cette affaire, qui a défrayé les chroniques à l’époque, a eu de fortes conséquences en Europe, non seulement pour le Football, mais pour plusieurs sports professionnels qui ont suivi le mouvement.
Oui, l’arrêt Bosman permet aujourd’hui aux joueurs d’être libres en fin de contrat et permet leur libre circulation en Europe.
Le football moderne en serait tout autre sans l’audace de Jean-Marc Bosman.

 

Allons-nous vivre un bis repetita de l’arrêt Bosman avec « l’affaire Gad Cohen » ?

 

Une licence d’agent en France, oui, mais qui peut y prétendre ?

 

Est-il facile d’obtenir une licence d’agent de footballeurs en France ? Pour devenir agent sportif en France aujourd’hui, il faut obtenir un diplôme spécifique délivré par la fédération nationale du sport en question, ici la FFF. Sans ce diplôme, le métier étant réglementé, il n’est pas possible d’exercer en tant qu’agent. Cependant, deux exceptions sont prévues :

 

– La possibilité, pour un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne au sein duquel la profession d’agent n’est pas réglementée, de s’établir sur le territoire français en tant qu’agent ;
– La possibilité, pour un ressortissant établi dans un État membre de l’Union européenne, de procéder à une déclaration, annuelle, d’exercice de l’activité d’agent sportif sur le territoire français dans le cadre d’une prestation de services.

 

En dépit de la volonté des instances internationales de supprimer la réglementation des agents, comme en témoigne notamment une circulaire n° 14-17 de la FIFA, en avril 2014, la France a maintenu cette réglementation, au détriment de ses propres ressortissants.
C’est ainsi que la demande d’établissement en France de M. Gad COHEN, intermédiaire auprès d’une fédération européenne, a été rejetée.
Conformément à la réglementation applicable, ce dernier a, dès lors, saisi le CNOSF avant, le cas échéant, en cas de non-conciliation, de saisir le Tribunal administratif.

 

Que dit l’article L222-15 2° du Code du sport réellement ? Quelles conditions faut-il réunir pour obtenir la licence d’agent en France ?

 

Selon l’article L. 222-15 2° du Code du sport : l'activité d'agent sportif peut être exercée sur le territoire national, dans le cas présent la France, par les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, sous certaines conditions :

 

1• Exercer au moins une année à temps plein en Union Européenne lors de ces 10 dernières années, ou une durée totale à temps partiel la profession d’agent sportif dans un État membre de l’UE au sein duquel la profession et la formation d’agent ne sont pas réglementées.
2• Être titulaire d’une attestation de compétence.

 

Pour faire simple, il faut donc que l’agent demandant une licence en France prouve qu’il a respecté ces conditions.
À noter évidemment que le 1° de l’article précise que l’on peut exercer le métier d’agent sportif dans un pays où la formation est réglementée en ayant tout simplement le diplôme requis et en étant qualifié par la Fédération.

 

Dans le cas présent, les conditions ont-elles été respectées ?

 

Comme nous le confiait cette semaine Maître Laurent Fellous, avocat au Barreau de Paris, mandataire sportif, représentant de Gad Cohen, son client aurait bel et bien rempli cette condition en prouvant via la transmission de plusieurs contrats, qu’il avait exercé au moins 4 années, soit bien plus que l’année à temps plein requise par l’article L222-15 2° du code du sport.

Quant à la deuxième condition citée, la Fédération ne délivre généralement pas d’attestation de compétence et renvoie directement auprès des contrats établis et enregistrés auprès de la fédération anglaise. Là encore, Monsieur Cohen remplirait cette condition dans la mesure où les contrats ont été dûment transmis. Il s’exprime d’ailleurs à ce sujet :

 

« Aujourd’hui, M. Gad Cohen est en droit de s’établir en France car il a démontré :

  • D’une part, être ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ;
  • D’autre part, sa compétence en transmettant notamment de nombreux contrats et échanges portant sur plusieurs années.

La commission fédérale des agents sportifs de la FFF a, toutefois, rejeté sa demande en invoquant notamment, à tort,  le fait qu’il n’aurait pas les compétences requises.

La commission invoque, en outre, l’absence de transmission d’un titre de formation alors que l’article L. 222-15 2° du code du sport prévoit expressément la transmission d’un tel titre ou d’une attestation de compétence »

 

Maître Laurent Fellous
Avocat en droit du sport – Mandataire sportif

 

Un refus de licence ? Pour quel motif ?

 

D’après le compte-rendu de la réunion de la Commission Fédérale des Agents Sportifs de la FFF à l’égard de M. Gad Cohen, ce dernier ne remplirait pas les conditions requises.

En dépit des éléments ci-avant exposés, ce refus se fonde, toutefois, notamment, sur une supposée absence de justification de la qualification et de l’expérience requises.

La FFF se fonde, encore, sur l’absence de transmission d’un titre de formation, ce alors qu’il ne s’agit pas d’une obligation selon l’article précité.

 

Incohérence ou excuse en bois de la part de la Fédération Française de Football ?

 

Est-ce conforme ou s’agit-il d’une discrimination ?

 

La Constitution de 1958 est formelle et l’article 1 dispose simplement :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ».

 

Et que dit l’Union Européenne ?

Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : Article 15 :

Liberté professionnelle et droit du travail :

1. Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie ou acceptée.
2. Tout citoyen de l'Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s'établir ou de fournir des services dans tout État membre.
3. Les ressortissants des pays tiers qui sont autorisés à travailler sur le territoire des États membres ont droit à des conditions de travail équivalentes à celles dont bénéficient les citoyens ou citoyennes de l'Union.

 

Article 20 : Égalité en droits
« – Toutes les personnes sont égales en droit. »

 

Traité sur le fonctionnement de l’UE : Article 45 :
« La libre circulation des travailleurs impose le respect des principes de non-discrimination et d'égalité de traitement.
Nul ne peut être discriminé par son lieu d’habitation d’établissement de naissance ou de nationalité. »

 

Pourtant, l’article L222-15 discriminerait les ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne des français. Pour prendre un exemple simple et concret, au Luxembourg, la profession d’agent n’est pas réglementée, c’est-à-dire que n’importe quel luxembourgeois peut s’enregistrer en tant qu’intermédiaire auprès de sa fédération. S’il travaille au moins une année pleine en tant que tel, il peut faire une demande d’établissement en France en tant qu’agent.
Cette faculté n’est, toutefois, pas octroyée aux ressortissants français.

 

En bref : nous assistons à une rupture d’égalité entre les européens travaillant dans des pays où la profession n’est pas réglementée et les Français. La conclusion est la suivante : un ressortissant français n’aurait pas les mêmes droits qu’un ressortissant européen ?

 

Une affaire portée devant les tribunaux ?

 

Gad Cohen, souhaitant mener son combat à terme, a déjà porté l’affaire devant le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) dans le cadre d’une conciliation.
Discuter intelligemment au lieu d’aller devant les tribunaux, tel est le souhait de Gad Cohen, mais est-ce le cas de la partie adverse ? Une chose est sûre, en cas de non-conciliation, une requête a, d’ores et déjà, été déposée devant le Tribunal Administratif de Paris, d’après nos informations.

 

En outre, depuis 2011, tout requérant estimant que la loi est contraire à la Constitution Française, a la possibilité de soulever une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) devant les juridictions de droit commun. En somme, demander au Conseil constitutionnel si la loi respecte la Constitution tout simplement.

 

Selon Maître Laurent Fellous, l’article L.222-15 porterait atteinte à un principe constitutionnel, en l’occurrence à l’égalité de tous devant la loi mais aussi et surtout à plusieurs principes issus du droit européen.

L’idée est donc de prouver que cette disposition légale est inconstitutionnelle, ce qui aurait pour conséquence son abrogation par ledit Conseil.

Allons-nous vers la fin de la réglementation des agents de France ? La fédération est-elle réellement dans ses droits ?
L’affaire risque de faire couler beaucoup d’encre prochainement dans les médias français et européens, une chose est sûre, la FFF devra rendre des comptes ! Affaire à suivre.

 

Contactée par mail et téléphone, la Fédération Française de Football n'a pas pris la peine de nous répondre pour nous donner leur version des faits.

 

Charlotte Gruszeczka.
Avec l’aide de Kenan Zolic, diplômé en Master 1 en droit des affaires.