Grosse incompréhension au sein du monde sportif professionnel ! Un nouvel amendement a été voté en juin dernier dans le plus grand des silences, sans le consentement et à la grande surprise des principaux concernés. En effet, les jeunes sportifs tout juste sortis de formation devraient voir leur contrat professionnel, initialement de 3 années, s’allonger de 2 années supplémentaires, soit un total 5 ans de contrat les liant au club formateur.

 

Un amendement qui fait débat !

 

Un jeune sportif sortant de formation se verrait donc lié à son club formateur 5 années au lieu des 3 années initiales comme nous le rappelle l'alinéa 3 de l'article l211-5 du code du sport :

Elle prévoit qu'à l'issue de la formation, s'il entend exercer à titre professionnel la discipline sportive à laquelle il a été formé, le bénéficiaire de la formation peut être dans l'obligation de conclure, avec l'association ou la société dont relève le centre, un contrat de travail défini aux articles L. 222-2 à L. 222-2-9 du présent code, dont la durée ne peut excéder trois ans.”

legifrance.gouv.fr

Plusieurs sports concernés

 

Le football ne sera pas le seul sport concerné. Le rugby, le basket, le cyclisme ou encore le handball seront dans la liste de l'amendement 673 venant modifier la loi L211-5 du code du sport.

Comme nous le révèle Provale, son président, Robins Tchale Watchou, n'appreçie guère ces méthodes :

“Il est inconcevable qu'une modification aussi importante du code du sport puisse se faire par le biais d'une réforme de la formation professionnelle.”

« Je suis interloqué par ces méthodes cavalières du monde du football. Il est inconcevable qu’une modification aussi importante du code du sport puisse se faire par le biais d’une réforme de la formation professionnelle. L’impact pour les joueurs de rugby est considérable et nous allons agir en concertation avec la FNASS pour faire entendre la voix des sportifs. Il en va de la survie du dialogue social dans notre discipline. »

 

Une motivation mercantile ? Un amendement déloyal ?

 

Quelle est la raison d’allonger un contrat de deux années supplémentaires si ce n’est dans l'unique intérêt du club formateur ? Ne serait-ce pas là le moyen d'obtenir une plus-value sur la vente d'un jeune joueur ? Dans l'hypothèse opposée, cet amendement ne serait-il pas précurseur de départs anticipés des aspirants professionnels vers l'étranger ?

Philippe Piat, co-président de l'UNFP nous rejoint à ce sujet :

 

“… C’est ahurissant ! … Le règlement de la FIFA est net, précis et contraignant pour chacune des fédérations membres : pas de contrat de plus de trois ans pour les mineurs ! Ce qui signifie que s’il y avait malgré tout un engagement de cinq ans pour un mineur, le joueur serait libre après trois ans et la FIFA serait garante de sa liberté contractuelle à condition qu’il veuille s’engager avec un club étranger… C’est donc un amendement qui va favoriser in fine le départ des jeunes footballeurs au-delà de nos frontières. Il me semble que c’est ce que l’on nous dit vouloir éviter, justement. Ils ont faux sur toute la ligne ! 

Source : UNFP.org

 

Ce qui est certain, le jeune joueur se retrouverait “bloqué” dans son club, notamment dans le domaine du rugby où un le sportif signe son premier contrat pro à 23 ans minimum ! Celui-ci serait donc dans l'obligation de jouer dans son club formateur jusqu'à ses 28 ans, soit la quasi-moitié de sa carrière ?

 

La Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs (FNASS) s’oppose fermement à cet amendement et exige une annulation directe ! Le président, Sylvain Kastendeuch s’exprime d’ailleurs à ce sujet dans un communiqué publié sur le site de l’UNFP :

« La FNASS appelle à la raison et demande le retrait pur et simple de cet amendement, qui n’améliorera ni les conditions de formation des jeunes sportifs en France ni leur statut, mais permettra à certains de réaliser toujours plus de profits, sur le dos des jeunes, en entravant leur droit à la liberté contractuelle et en se moquant de leur avenir ! »

 

Les réactions du monde professionnel :

 

Pierre Bouby et Zacharie Boucher, footballeurs professionnels, Jordan Bonilauri, handballeur au Fenix Toulouse et Antoine Eito, basketteur au Mans, font part de leur mécontentement sur le réseau social Twitter :

Pierre Bouby :

https://twitter.com/PBouby/status/1011662904809132032

Jordan Bonilauri :

Zacharie Boucher :

“Encore une « loi d’exception », qui s’attaque à la liberté contractuelle des sportifs professionnels et qui ne répond pas le moins du monde aux problématiques de formation et d’éducation des jeunes sportifs professionnels! 1/2

Une loi va être proposée au sénat à la mi-juillet pour passer le premier contrat pro de 3 à 5 ans ce qui retirera le pouvoir de négociations des joueurs concernant leurs futurs contrat. 2/2″

Via twitter

 

Antoine Eito :

 

Contacté par nos soins, Youssef Oubaïd, agent sportif FFF/FIFA nous fait le plaisir de se prononcer sur le sujet :

 

” L'amendement du 6 Juin 2018 modifiant L’article L.211-5 du code du sport pose un réel débat au niveau de la formation professionnelle. 

La question fondamentale réside sur le fait de s’interroger, avec sagacité, sur cette “prolongation” de 3 à 5 saisons. Pourquoi nos députés manifestent-ils soudainement cette envie inextinguible de modifier cet article de loi et pour quelles finalités ?  

Nous pouvons, objectivement, nous focaliser sur deux perspectives : Partons de l’hypothèse où cette extension contractuelle apportera au préposé concerné un encadrement efficient dans tout les aspects de sa future carrière professionnelle, alors il apparaît légitime que l'ensemble des acteurs du football Français pourrait soutenir cette proposition. 

L'autre interrogation de cette décision nous conduit à nous focaliser sur l'aspect mercantile. Ce projet permettrait aux clubs d'assurer leur investissement au détriment du choix du jeune footballeur. 
La FNASS (Fédération Nationale des Associations et Syndicats de Sportifs) s'oppose avec véhémence à cet amendement jugeant l’incohérence de l'application de cette règle sur le plan économico-sportif. 

Dans cette approche, il est fondamental qu'une réflexion doit être pensée, avec rigueur, entre le Législateur, l'UNFP, la FNASS ainsi que tout les organes du football Français dans l'unique objectif d'un réel projet en matière de formation professionnelle”.

Youssef OUBAÏD

Agent sportif FFF/FIFA

 

Auditionnée en Juillet au sein du Ministère des Sports, la FNASS a pu fournir tous les éléments fondant leur demande de retrait de l'amendement. Ils attendent, selon leur propre terme, “un geste fort” du gouvernement, et promettent un grand mouvement de contestation du sport français entre le 21 et le 23 septembre prochain

Voilà une histoire qui n’est pas prête d’en rester là, affaire à suivre.

 

Charlotte Gruszeczka

Illustration Une : LegalPlace