Championnats Etrangers

Zidane au Real (2/2) : la légende d’un entraineur

Zinedine Zidane, légende du Real Madrid comme joueur et seul entraineur de l’histoire à avoir enchainé trois Ligues de Champions consécutives a décidé de quitter son poste à Madrid. Retour sur le meilleur joueur des années 2000 et sa carrière au sein de la Maison blanche. Aujourd’hui, Zidane entraineur. 

Il y a un malentendu avec Zinédine Zidane. Un gars gentil, tout en douceur. Une timidité que son génie transcende, une communication avec l’extérieur qui ne serait possible que balle au pied et entouré de 80 000 personnes. Un taiseux, presqu’un autiste un peu débile qui cherche ses mots, finit rarement ses phrases. Il faut tendre l’oreille pour l’entendre.

Mais comme toutes les timidités, Zidane cache une colère sourde que seule la rétivité à l’extérieur peut contenir. Une rareté entretenue, une théorie de la parole précieuse : moins on parle, plus on est écouté. Elle affiche surtout d’emblée le personnage et son intelligence, elle agit comme un camouflage pour tromper l’ennemi le plus primaire. Un air de ne pas y toucher pour se faire oublier et finalement triompher de tous. Un Keyser Söze qui ne claudiquerait pas.

The inside man

Alors quand certains ont appris que Zidane se formait à Limoges pour devenir manager, qu’il répétait qu’il n’y avait que le terrain qui l’intéressait, ils se demandaient comment celui qui ne prenaient presque jamais la parole dans les vestiaires quand il était joueur allait pouvoir soutenir les causeries les plus intenses. Comment celui qui comprenait tout avant tout le monde sur terrain, d’instinct, allait pouvoir expliquer à des joueurs moins bons que lui la simplicité du football, comme Mozart expliquait la musique à Joseph II. Ceux-là avaient oublié qu’on ne devient pas un des dix meilleurs joueurs de tous les temps par hasard ; que ça demande plus qu’un pied hors du commun. Sans la rage de vaincre, la haine du médiocre et une haute opinion délirante de soi-même on ne devient pas Ballon d’Or.

Bien sûr, ça ne fait pas tout, et le coup du grand joueur qui devient entraineur on nous l’avait déjà faite : souvent une mauvaise blague. Mais Zidane a ce truc en plus, cette capacité à fédérer, à faire marcher un groupe ensemble, au même pas. Son expérience de joueur ne peut pas y être étrangère. Et au Real. Une star par ligne, quand pas deux ou trois, des monstres d’orgueil qui croient à la main invisible qui agiterait la somme de leurs égoïsmes pour en sortir des victoires toutes crues ; un Président prêt à tout pour les satisfaire, même s’il s’agit de virer Del Bosque en pleine bourre. C’est là que le double Z à dû comprendre, analyser. Il a toujours su qu’il entrainerait, parce qu’il a toujours su qu’il ne pourrait pas quitter les terrains. Une drogue. Alors en plus de faire gagner ses équipes, il a observé chacun de ceux qui le dirigeaient, le rôle que les joueurs prenaient dans le vestiaire puis sur le gazon, les erreurs de politique interne à ne pas commettre, la diplomatie à respecter. Convaincu qu’il entraînerait les meilleurs, mettant en pratique ce que deviendront ses convictions de technicien, ne lui restait qu’à dénouer les fils serrés d’un vestiaire qui gagne pour le retricoter plus tard.

Crédits photo : La Montagne

Zidane et Pénélope

C’est le canevas qu’a reproduit Zidane au Real, sur le banc. Prenant la suite d’un Benitez qui n’avait rien entendu aux équilibres du groupe de le Maison blanche, Zizou a mis en pratique sa science patiemment acquise. D’abord rassurer, aimer ses joueurs et qu’ils le sachent. Ces individualistes forcenés doivent se sentir uniques et désirés, Zizou le sait et multiplie les déclarations d’amour et les compositions choyées. Pas de révolution tactique, d’abord apaiser, déminer ce que le convaincu mais peu convaincant Benitez avait laissé, et redonner le goût du jeu. Surtout revenir aux basiques, ce qui a fait la légende du club, la Ligue des Champions. Reprendre les grandes oreilles au félon barcelonnais et ses certitudes pompeuses pour graver une onzième ligne madrilène contre l’autre ennemi juré matelassier.

Mais Zidane est un malin et il sait que ça ne comptera pas, qu’on dit encore qu’il est arrivé en cours de saison, que la undecima ne lui doit rien. Alors il commence à flinguer les records, ses joueurs comme un seul homme avec lui pour leur première saison pleine ensemble : celui des victoires successives du Barça de Guardiola, le record de points obtenus après 33 matchs à un glorieux prédécesseur (Miguel Muñoz), le record d’invincibilité du club qui tenait depuis 1989 et la Quinta del Buitre et finalement celui du championnat (40 matchs consécutifs sans perdre). A la fin de la saison, deux nouvelles breloques : Liga (la seule, la préférée du Français) et Ligue des Champions, encore. Au-delà des résultats, Zidane impose ses convictions : plus de pressing, plus de possession, mais aussi plus de jeu direct quand il le faut. Un football offensif, celui que le Bernabeu veut voir, celui que le vestiaire veut jouer. Des choix aussi, parmi les plus réussis : Isco, numéro 10 sous-utilisé, qui allait rejoindre la ribambelle des incompris est remis en confiance par la légende du poste ; Casemiro, une manière du Makelele adoré par le Marseillais et qui équilibre l’équipe.

Crédits photo : Eurosport

« Jokerman dance to the victory tune »

Deuxième saison et demie au club, et on se demandait ce qu’allait pouvoir nous inventer le Mister. Pas de recrutement, un groupe inchangé et vieillissant, les doutes ne manquaient de ressurgir à l’hiver quand le Real prenait l’eau en Liga et trois buts à domicile par Barcelone. Une défaite contre Leganes en Coupe du Roi plus tard, Zidane sort son joker. L’atout maitre, celui du groupe contre le reste du monde. Celui qui vit et meurt ensemble. Le Président veut recruter ? On reste entre nous, et on va gagner ! Un atout maitre qui sera payant, le Real largué en championnat remporte sa troisième C1 consécutive et Zizou entre un peu plus dans l’histoire. Mais un atout qu’on ne sort qu’une fois, qui brûle dans vos doigts une fois la formule incantée. Zidane le sait, ces doigts sont encore échauffés, noircis. Le groupe doit être rajeuni, des joueurs sacrifiés. Lui ne pourra pas, puisqu’il les a ressuscités il ne peut pas les tuer. Son discours ne passe plus, ou plus comme avant. Les ressorts sont cassés, il a connu ça aussi. Alors il se rappelle qu’en 1998 il a gagné une Coupe du Monde avec un sélectionneur qui s’était retiré le soir-même de la victoire du 12 juillet. Un homme qu’on a plus humilié que Zidane mais qui partage avec lui une idée de l’honneur, de la dignité. L’intelligence, surtout. Alors Zidane s’en va, légende d’un sport, légende d’un club à qui on ne la fait pas. La légende, c’est ce qui mérité d’être lu, donc d’être écrit. A n’en pas douter, celle de Zinédine Zidane mérite qu’on continue à l’imprimer.

JMP

Fan de foot mais aussi de Serie A, je prends autant de plaisir à voir jouer Gilles Simon qu'à attendre une arrivée au sprint entre les Alpes et les Pyrénées. Talking Heads et Panetonne.

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