Depuis maintenant un an, la crise sanitaire liée au Covid-19 a bousculé nos vies et nos habitudes. Le monde du tennis n'a pas été épargné, avec notamment un arrêt total du circuit pendant plusieurs mois entre mars et juillet 2020. Mais depuis la reprise, rien n'est jamais revenu à la normale dans le monde de la petite balle jaune. La quasi-totalité des tournois se joue à huis clos. S'ajoute à cela une vie sous les restrictions des bulles sanitaires. La saison 2021 est lancée seulement depuis trois mois mais la lassitude guette déjà les joueurs de tennis.

 

Une vie sous bulle, même en temps normal

Certes, il y a des situations bien plus graves que celles des joueurs de tennis “enfermés” dans des hôtels de luxe pour vivre leur passion. Mais le mental est l'un des aspects les plus importants dans le tennis. Et force est de constater que voyager de bulles en bulles pour disputer des matchs à huis clos est en train d'user psychologiquement les acteurs de la petite balle jaune.
Le joueur de tennis est un être à part. Tous les ans, il voyage dans les mêmes pays, loge dans les mêmes hôtels, joue les mêmes tournois et croise les mêmes personnes. Si la vie d'un joueur professionnel peut faire rêver de l'extérieur, elle est en réalité très monotone et s'apparente à un mode de vie en vase clos.

Un constat que Maria Sharapova a par ailleurs fait dans son autobiographie “Unstoppable” : « On voit toujours les mêmes têtes sur les tournois. Une centaine de personnes qui chassent toutes le même rêve… C’est sans fin. Le tour du monde en 80 jours. Vous visitez la planète entière sans rien en voir. Vous vivez dans une bulle sur le circuit professionnel. Toujours les mêmes visages, les mêmes rivalités, les mêmes querelles. C’est toujours le même jour, encore et encore. »

Une réalité forcément accentuée par la crise du Covid-19 et ses conséquences.

 

Des conséquences physiques et psychologiques 

La vie sur les circuits ATP et WTA rime aujourd'hui avec “ennui”. Entre tournois à huis clos, stress lié aux tests PCR et déplacements limités entre hôtel et tournoi, les joueurs de tennis ont de plus en plus de mal à trouver de la motivation cette année.

« C’est une atmosphère différente, vous ne pouvez pas lever les bras pour saluer la foule lorsque vous entrez sur le court, nous faisons des tests Covid tous les 3–4 jours. Nous ne pouvons pas aller au restaurant pour se détendre. Nous ne sommes pas motivés, il n’y a pas de plaisir » J.W Tsonga.

D'autant plus que ces protocoles sanitaires peuvent aussi mettre en danger la condition physique des joueurs. Avant l'Open d'Australie, ce sont plus de 72 joueurs qui ont été contraint de respecter une quarantaine stricte de 15 jours car considérés comme cas contacts. Une situation qui a été très difficile à vivre d'un point de vue psychologique mais aussi physique pour certains. Avec l'interdiction de quitter leur chambre d'hôtel pendant deux semaines, près d'un quart des athlètes présents à l'Open d'Australie n'ont pas pu s'entrainer avant le début du premier Grand Chelem de l'année. Il a suffi de suivre le tournoi pour constater une avalanche de blessures du côté des joueurs.

 

Une lassitude observée chez les joueurs 

L’arrêt de la compétition et les nouveaux protocoles sanitaires ont poussé les joueurs de tennis dans leurs retranchements. Dans un sport où l’aspect mental est aussi important que la condition physique, la crise sanitaire a eu un impact psychologique sans précédent sur les joueurs.

Certains ont même fait le choix de dire « stop » au circuit momentanément. C’est le cas de Gilles Simon. Le Tricolore a perdu toute envie de jouer au tennis depuis la reprise, préférant donc ranger les raquettes pour ne pas amplifier la lassitude qui l’habite depuis maintenant plusieurs mois.

Une lassitude aussi observée chez Alizé Cornet. La Niçoise qui avait réalisé une très bonne fin de saison 2020 semble aussi avoir le moral dans les chaussettes.

« Moi j'ai le moral à zéro depuis un mois pour des raisons personnelles mais aussi en raison du contexte. Gaël est comme moi, il a plus de trente ans. Quand on a notre âge, c'est très difficile de trouver encore une raison de se mettre autant dans le dur pour un sport qu'on aime fort mais qui nous fait mal. Moi aussi, j'ai beaucoup pleuré ces derniers temps, pas forcément parce que j'ai perdu des matches mais parce que la situation me pèse, que mes proches sont déprimés en France aussi. »

On se souvient tous de l'état de Gaël Monfils à l'Open d'Australie. Le Tricolore avait ému le monde du sport avec ses larmes en conférence de presse après sa défaite au premier tour. Avec le confinement et l’arrêt du circuit, son excellente dynamique de 2020 a été stoppée net. En pleine crise de confiance, le Français n’a plus remporté un match depuis un an.

The show must go on

Si les seconds couteaux du circuit ont l'habitude de jouer devant des tribunes vides, jouer un match de tennis à huis clos ou sous jauge réduite n'est pas quelque chose d'habituel pour les acteurs de l'ATP et la WTA. Difficile d'aller chercher ce petit supplément d'âme parfois nécessaire auprès du public pour le joueur qui est en difficulté sur le court. Une ambiance qui devient de plus en plus difficile à vivre pour certains, mais la vie sur le circuit doit continuer. La survie des tournois et de certains acteurs du tennis est en jeu. Et malgré la baisse drastique des prize money, la majorité du circuit s'est adaptée.

Malgré cela, certains ont plus ou moins de mal à s'habituer à ce silence de cathédrale sur les courts. Le premier exemple qui nous vient en tête est forcément Benoit Paire. Le Tricolore est devenu une carricature de lui même en accumulant les excès de colère sur les courts depuis plusieurs semaines. Insultes, crachats, Paire semble avoir “pété les plombs”, et assume ne plus avoir goût au jeu en ce moment.

“Troisièmement je vais parler du circuit ATP qui est devenu triste, ennuyeux et ridicule… Je sais que vous allez dire “tu ne te rends pas compte de la chance que tu as bla-bla-bla”, mais jouer dans des stades à huis clos sans aucune ambiance ce n'est pas pour ça que je joue au tennis. Devoir rester soit à l'hôtel soit au club de tennis et avoir interdiction de sortir sous peine d’exclusion et d’amende, où est le plaisir de voyager? Pour moi jouer au tennis et devenu un métier sans saveur…”

Le Tricolore est même allé encore plus loin en assumant de “balancer” ses matchs. Une sortie qui peut choquer tant le Français peut paraitre déconnecté de la réalité.

« Je suis mieux ici qu’en France où on est confinés à partir de 18 heures. La seule chose à laquelle je pense, c’est sortir de la bulle. C’est le seul objectif que j’ai à chaque tournoi. J’arrive, je prends un peu d’argent et je pars au tournoi suivant : je fais mon boulot. Ce qui est surprenant avec le circuit actuel, c’est qu’il y a beaucoup de bénéfices à perdre. Là, si tu gagnes un ATP 250, tu n’empoches plus que 30 000 dollars. Moi, avec des bye, j’ai pris 10 000 à chaque fois en perdant directement. Pourquoi t’arracher comme un dingue pour gagner à peine plus…»

 

“Patience est mère de toutes les vertus”

On peut légitiment comprendre que jouer dans un stade vide et voyager de bulles en bulles peut être épuisant psychologiquement pour les professionnels de la balle jaune. Mais la plupart des joueurs font le dos rond et préfèrent relativiser leur situation. Beaucoup saluent les efforts faits par les tournois pour qu'ils puissent continuer de jouer malgré les conséquences que cela peut avoir sur leur vie sur le circuit.

Il est pour l'instant difficile de voir le bout du tunnel. Depuis un an maintenant, notre monde est en constante adaptation face à la crise sanitaire. Les acteurs du sport ont dû faire face à une armée de protocoles pour qu'ils puissent continuer d'exercer leur métier sans danger. Si certains s'y adaptent, d'autres ont du mal à s'épanouir avec de telles conditions. On aurait presque tendance à oublier que les sportifs sont avant tout des êtres humains, avec leurs failles et leurs limites. Et il est normal de voir que certains souffrent plus de la situation que d'autres. Aujourd'hui, il ne leur reste qu'à patienter et à s'adapter. La saison sera longue, mais la survie du tennis est en jeu. 

Il y aura des jours meilleurs. Le public reviendra dans les stades. Les joueurs pourront de nouveau vivre leur vie sans restrictions. Ce jour là peut paraitre encore lointain. Mais à force de patience, il arrivera. Le sport redeviendra un spectacle, la vie reprendra. En attendant, nous ne pouvons qu'attendre patiemment le retour de la vie normale. 

 

Crédit photo : France tv sport