Dans une année où la pandémie mondiale de Covid-19 a chamboulé les programmations sportives et autres évènements planétaires (J.O, Euro…), chaque sport a dû s’adapter pour survivre. Si 2020 restera une année morose pour bien des personnes, les douze mois qui la composent furent tout de même riches en émotions pour tout fan de sport. Du passage de la NBA à Paris aux records de Lewis Hamilton, en passant par les prouesses de Tadej Pogačar ou le Final 8 de la Ligue des champions, la rédaction de We Sport revient pour vous sur les trente moments marquants de 2020. Aujourd’hui, retour sur la victoire de Pierre Gasly.
Vingt quatre ans, trois mois et dix huit jours ! Vingt quatre ans d'attente, de disette ! Une éternité que l'on n'avait pas entendu une Marseillaise sur le podium. Et il a fallu attendre ce 6 septembre pour célébrer un vainqueur français en F1, pour trouver un successeur à Olivier Panis. Le nom de ce successeur : Pierre Gasly. Et pourtant ? Qui aurait parié, un an plus tôt, de voir son nom accroché au palmarès des vainqueurs de GP ? Peu de monde ! Mais, qui sait au détour d'une course folle, tout est possible. Et c'est justement ce qu'il s'est passé ce dimanche-là à Monza.

Une course complètement folle
Qui démarre pourtant normalement…
Rien ne laissait présager la course du dimanche. Mercedes et ses deux pilotes, Hamilton et Bottas, trustent le haut du classement, notamment le samedi après-midi. Même l'interdiction des cartographies moteur spéciales qualification (le “party mode”) n'y a rien changé. Puisque Hamilton écrase le record du tracé en qualification (1:18.887 avec un tour à 264,132 km/h de moyenne, le plus rapide de la F1). Bottas ferme la première ligne. La première surprise serait peut-être l'absence de RedBull sur la seconde ligne, avec Verstappen seulement 5e. Les Ferrari, elles, font grise mine (13e pour Leclerc, 17e pour Vettel). Quant à Gasly, il se classe seulement 10e, obligé de partir avec les gommes les plus tendres ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle.
Au départ, Hamilton s'envole. Bottas se loupe et se trouve 6e à la fin du premier tour. Derrière le Britannique suivent les 2 McLaren de Sainz et Norris, Ricciardo et Pérez. Verstappen a lui aussi manqué son envol et se retrouve coincé derrière Bottas. Gasly reste à ce moment là 10e. La course suit son fil : Hamilton s'échappe devant les McLaren, Bottas et Verstappen peinent dans le trafic. Et Ferrari voit son week-end à domicile se noircir encore plus. Au 6e tour Vettel perd les freins et doit renoncer. Gasly reste 10e derrière Stroll et Ocon. La course se stabilise petit à petit, jusqu'au moment des premiers arrêts.
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Le départ de la course▶️ https://t.co/7plkVVV12v pic.twitter.com/i3iyalReth
— CANAL+ F1® (@CanalplusF1) September 6, 2020
La poisse sur Hamilton, la chance de Gasly
Au 20e tour, le moteur de la Haas de Magnussen rend l'âme. Et le Danois vient immobiliser son auto à quelques mètres de la voie des stands. Au même moment, Gasly plonge dans les stands pour changer ses gommes pour des pneus durs. La voiture de sécurité est déployée quelques secondes plus tard. Hamilton en profite pour rentrer aux stands… sauf que la voie des stands a été fermée entre temps. À la fin du 22e tour, l'ouverture de la voie des stands permet aux pilotes qui n'avaient pas encore changé de gommes de le faire. Hamilton retrouve sa place de leader devant Stroll (qui ne s'est pas arrêté), Gasly, les deux Alfa Romeo de Giovinazzi et Raïkkönen et Leclerc.
Et au 24e tour la course est relancée. Pas pour très longtemps car Leclerc perd le contrôle de sa Ferrari à la Parabolica, et l'encastre violemment dans le mur de pneus. La course est de nouveau neutralisée, avant d'être interrompue au drapeau rouge au 27e tour. Pendant cette interruption, la direction de course annonce des sanctions pour Hamilton et Giovinazzi : un stop & go de 10s, soit la plus lourde sanction avant le drapeau noir. Tous les pilotes en profitent pour monter de gommes medium fraiches, sauf pour les Alfa Romeo (tendres) et pour Albon (durs). Après 25 minutes d'interruption, la course est relancée, après un tour de chauffe et un départ arrêté.
La résistance et la victoire de Pierre Gasly
À l'extinction des feux, Hamilton s'échappe en laissant Stroll sur la grille. Gasly et les Alfa en profitent pour lui passer devant au premier virage. Hamilton boucle un nouveau tour en tête avant de s'engouffrer dans la pitlane pour y effectuer sa pénalité. Gasly récupère donc la tête devant Giovinazzi, Raïkkönen, Sainz et Stroll. Tout de suite le Français profite du fait que les Alfa Romeo dégradent leurs pneus tendres plus rapidement pour s'échapper et prendre jusqu'à 4s d'avance sur Sainz au 34e tour.
S'en suit alors une course poursuite de 20 tours où les deux jeunes loups (tous deux issue de la filière RedBull) se battent à coups de dixièmes de secondes. Mais au prix d'une bonne gestion de ses gommes et de l'écart avec Sainz, Gasly se rapproche du but, au point de faire vivre à Julien Fébreau, commentateur de la F1 en France (pour Canal+), un dernier secteur d'anthologie avec une tirade digne des plus grands commentateurs sportifs. Pierre l'a fait. Il a gagné sa première course en F1 à 24 ans, la première pour Alpha Tauri, son équipe. Il n'aura manqué qu'un tour à Sainz qui échoue à 0.4s de Gasly. Et Stroll complète le podium.
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Une victoire qui scelle la renaissance du Phénix
Forcément, quand ce n'est pas un favori qui gagne, la victoire n'en est que plus belle ! Mais reste que cette victoire vient couronner un parcours extraordinaire de Pierre Gasly, depuis son arrivée en F1 fin 2017. Pour son 5e GP, il engrange ses premiers points avec Toro Rosso au prix d'une très belle course à Bahreïn. Sa saison 2018 est d'ailleurs très remarquée, ce qui lui vaut une “promotion” en interne chez RedBull en 2019. Et puis le début des ennuis pour lui.
Sa première partie de saison est désastreuse, loin de Verstappen. Pas écouté en interne, on le sent très touché, course après course. Jusqu'à ce week-end du 1er septembre 2019 à Spa-Francorchamps qui suit l'annonce, quelques jours avant, de sa rétrogradation chez Toro Rosso. Et la veille de la course, il assiste à la disparition de son ami Anthoine Hubert, pilote de F2. Beaucoup se seraient écroulés mentalement mais pas lui. Il a remonté la pente. Il a retrouvé la confiance et une équipe technique qui l'écoute au point de glaner un podium à Interlagos, avant cette victoire. 2020 aura été placée, pour lui, sous le signe de l'intelligence de course. Il a su démontrer un vrai talent pour gérer ses gommes et en a profité pour tirer le potentiel maximum de sa modeste Alpha Tauri.

Pour tout passionné français de sport mécanique, cette victoire était attendue depuis 24 ans ! Il amène aussi un futur grand pilote dans un cercle très fermé : celui des Français vainqueurs de GP. Avec Pierre, ils sont 13 Français à avoir triomphé dans la catégorie reine du sport automobile. Avec cela, ce moment a été sublimé par la voix de Julien Fébreau, qui a su faire vivre aux fans de F1 d'aujourd'hui un moment digne d'une victoire en Coupe du monde de football. Quoiqu'il arrive, ce moment a donc sa place au Panthéon du sport de 2020. Merci Pierre pour cela.
Crédit image une : F1only.fr